Fusion TF1-M6 : Un projet polémique ?

Fusion TF1-M6 : Un projet polémique ?

Le 24 Janvier dernier, ce sont trois représentants de l’audiovisuel français qui sont auditionnés au sénat pour juger d’une potentielle fusion entre les groupes TF1 et M6. Entre avantages économiques et lutte face aux géants américains, les deux groupes phares de la télévision française sont bien décidés à ne former plus qu’un. Pop-up fait le point sur ce projet bien ambitieux.

 

Un projet révolutionnaire

Début 2021, le groupe M6 possédant plusieurs chaînes et stations de radio est mis en vente par son actionnaire principal: le groupe allemand Bertelsmann. Plusieurs actionnaires font des offres, notamment Vivendi du groupe Canal + ou encore deux actionnaires du Monde Xavier Noël et Daniel Kretinski. Mais c’est finalement le groupe Bouygues propriétaire de TF1 qui l’emporte avec une offre d’un montant de 641 millions d’euros. Néanmoins, ce projet est soumis à plusieurs accords, notamment celui des médias concurrents : l’Autorité Française de la Concurrence et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) . Dans l’optique où elle serait acceptée, celle-ci donnerait naissance un véritable géant de l’audiovisuel français, avec un tiers de la part d’audience alors qu’à elle seule la chaîne TF1 en possède actuellement presque 20%.

 

Alors que l’accord a été finalisé en juillet dernier, le verdict n’est toujours pas rendu. Ce lundi 24 Janvier, Delphine Ernotte (Présidente de France Télévision), Sibyle Veil (Radio France) et Bruno Patino (Arte) ont été reçus au sénat pour faire part de leur position concernant cet accord. Résultat: tous favorables, à l’unanimité ! Aucun d’entre eux ne voit d’un mauvais œil cette fusion qui viendrait pourtant dépasser la part d’audience de France Télévision, alors leader dans le milieu.

Leur objectif : sauver l’audiovisuel français dont les chiffres d’affaires diminuent d’année en année et ce, en raison de l’augmentation fulgurante des « pay-per-view » américains ou la télévision à la carte comme Netflix, Disney + ou encore HBO.

Pour Delphine Ernotte, il est surtout question d’éviter une privatisation de France Télévision dont les chaînes sont financées par le service public, quitte à laisser le groupe TF1-M6 dominer le marché. Elle explique au Monde « Si la télévision privée se paupérise, alors le service public aussi ».

 

La lutte face aux géants américains

Arrivée en France en 2014, la plateforme de streaming Netflix compte désormais plus de 200 millions d’abonnés dans le monde et près de 10 millions en France. Un nombre en hausse depuis quelques années, notamment depuis la pandémie du COVID-19 et les mesures de confinements. Isolés chez eux, beaucoup se sont tournés vers la plateforme et sa « télévision à la carte » comptant presque 4000 films et 2000 séries (Netflix France). Disponibles chaque jour et à n’importe quelle heure, ces plateformes révolutionnent le marché de l’industrie audiovisuel bien loin des horaires fixes de la TNT.

 

Mais 2020 a surtout vu en France, le lancement de la plateforme Disney + fondée en 2019 aux Etats-Unis. Entre programmes originaux Disney, séries Disney Channel ou encore films Pixar, la plateforme propose également les films des licences stars Wars et Marvel dont les droits appartiennent à Disney. En bref, Disney + a joué la carte de la nostalgie en offrant un large panel de films et séries qui ne cesse de se renouveler.

 

Même si ces deux plateformes sont pour le moment majoritaires, Canal + ou encore OCS n’ont rien à leur envier. OCS ne cesse d’accroître sa popularité notamment grâce à son partenariat avec la chaîne américaine HBO dont le programme phare ces derniers temps n’est autre que la série à succès Euphoria.

C’est justement la démocratisation de telles plateformes qui affole l’audiovisuel français. Au-delà d’une disponibilité horaire permanente, les plateformes de streaming proposent une gamme de contenu particulièrement variée et adaptable à tout âge.

 

Vers la fin du pluralisme

C’est avant tout pour des raisons financières que la fusion TF1-M6 a été acceptée par les concurrents. Si celle-ci venait à être mise en place, le groupe prendrait le monopole de l’industrie audiovisuelle française. La présence d’un acteur si puissant sur le marché remettrait  fortement en question la pluralité des informations et de la presse de manière générale. En résumé: si les informations du journal de 20h proviennent d’un même groupe, la fiabilité de celles-ci est interrogeable dans la mesure où le nombre de sources est restreint.

Une telle fusion reviendrait donc à s’interroger sur la liberté de la presse et de la parole des journalistes.

 

Mais pas seulement, en effet, c’est également la liberté des auditeurs qui entre en jeu. TF1 compte aujourd’hui cinq chaînes: TF1, TMC, TFX, TF1 séries Films et LCI, toutes disponibles avec la TNT. Quant à M6, le groupe possède une dizaine de chaînes dont les plus importantes restent M6, W9, RFM TV ou encore Gulli, chaîne pour enfants. Suite à cette fusion, le groupe prendrait donc pleinement le monopole de la télévision gratuite. Malgré la présence de France Télévision ou encore Arte, il est clair que l’influence de TF1-M6 sur le grand public serait immense.

 

L’objectif de cette association étant de sauver l’audiovisuel français, une telle restriction de points de vue est-elle préférable à une pluralité de contenus ? La réponse est non pour Jean-Louis Missika, spécialiste des médias, interrogé par Le Monde. Pour lui, le danger d’un tel projet réside avant tout dans le nombre de médias d’informations et de journaux impliqués. En effet, qu’il s’agisse de M6 ou TF1, tous deux offrent un programme d’informations quotidien. Au-delà d’une perte de diversité audiovisuelle, cette fusion reviendrait à limiter la pluralité politique en réunissant ces trois médias (M6, TF1 et LCI) sous un même point de vue.

 

Ce projet prévu pour fin 2022 fait donc aujourd’hui face à différentes contestation notamment par le groupe Iliad (Free) et son fondateur et actionnaire principal Xavier Niel. Il affirme également avoir lancé plusieurs recours en justice.

Cet accord verra-t-il le jour?

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