Cela fait quelques semaines que la sphère économique a les yeux rivés sur Evergrande. Le deuxième promoteur immobilier chinois peine à rembourser sa dette, qui s’élève à près de 300 millions de dollars. Comment cette société tentaculaire a-t ’elle bien pu se mettre dans une telle situation ?
Le groupe aux ambitions bien plus grosses que le portefeuille
Evergrande (ou Hengda en chinois) a vu le jour en 1996 à Guangzhou, au sud de la Chine. Son fondateur est Xu Jiavin, un ancien métallurgiste désormais milliardaire, qui a par ailleurs été à une période l’homme le plus riche de Chine. Pour cause, son entreprise s’est développée simultanément à l’urbanisation massive du pays. Evergrande a ainsi profité de ses 25 dernières années de la croissance du marché immobilier chinois, qui représentait à son paroxysme 25% du PIB du pays.
Confiante en cette croissance, le promoteur n’a pas hésité ces dernières années à développer des projets aux quatre coins de la Chine, s’appuyant sur des emprunts de plus en plus importants. Le géant de l’immobilier possède aujourd’hui plus de 1300 projets dans quelques 280 villes chinoises, d’après son site web. Mais son appétit ne s’est pas tari à la suite de ces investissements : Evergrande a également diversifié ses activités dans plusieurs secteurs, tels que l’eau minérale, les médias, la gestion de patrimoine, les véhicules électriques… le groupe est même propriétaire du Guangzhou FC, le plus gros club de football de Chine.
Mais comment Evergrande a-t-il bien pu financer tous ces projets ? La réponse coule de source : en empruntant toujours plus massivement. Cette solution adoptée par le groupe depuis tant d’années se révèle néanmoins de plus en plus instable pour ses investisseurs. Effectivement, Evergrande a toujours misé sur une hausse de la demande et du niveau des prix de l’immobilier, mise qui s’avère être de moins en moins certaine. Entre baisses de la demande et stagnation des prix le promoteur immobilier se trouve mis à mal depuis quelques années. A cela s’ajoutent les dettes accumulées par le groupe envers ses investisseurs. En effet, à la suite de mesures restrictives prises par Pékin l’année dernière sur les prêts accordés aux promoteurs immobiliers, Evergrande a écoulé une partie de ses biens à bas prix afin de s’assurer des rentrées d’argent. Aujourd’hui, le groupe se retrouve avec 260 milliards de dollars de dette sur les bras, et une capitalisation qui a flanché de près de 85% en un an…
Une dette colossale impactante à plusieurs échelles
En août 2020, Evergrande avait déjà prévenu les autorités chinoises qu’il ne pourrait pas honorer ses paiements dus en janvier dernier. Depuis, la situation financière du groupe ne s’est pas arrangée. Ses actions ont toujours une faible valeur, et les agences de notations chinoises craignent un défaut de paiement de la part de la société. Cette crainte s’est justifiée jeudi dernier, échéance à laquelle le groupe n’a pas versé les 83,5 millions de dollars d’intérêts dus sur ses 20 milliards d’obligations. Evergrande dispose désormais de 30 jours avant que son défaut de paiement ne soit considéré comme officiel.
Cependant, les acteurs économiques impactés par la dette du groupe, eux, n’ont pas attendu pour faire savoir leur mécontentement. Plusieurs manifestations ont pu être observées ces dernières semaines devant les locaux d’Evergrande dans différentes villes chinoises. Parmi les protestataires, on retrouve notamment des investisseurs et fournisseurs non payés. Mais le promoteur s’était aussi engagé à construire 1,5 millions de logements en juin dernier. Ainsi, de nombreux propriétaires d’appartements achetés sur plan se retrouvent sans leur bien, et pourraient aussi perdre leurs acomptes si Evergrande venait réellement à chuter. L’impact de la dette du groupe pourrait également se retrouver du côté des acteurs financiers, qu’ils soient chinois ou étrangers. Plusieurs investisseurs tels que BlackRock, Amundi et HSBC pourraient ne pas percevoir leur dû, et se retrouver elles aussi en difficulté pour rembourser leurs propres clients.
Mais c’est surtout, le risque systémique pour la finance et l’économie chinoise qui est à prendre en compte. Effectivement, les 171 banques et 121 autres firmes financières auxquelles Evergrande a emprunté de l’argent pourraient se retrouver à devoir accorder moins de prêts. La Chine se retrouverait alors face à un « credit crunch » (resserrement du crédit) qui mettrait à mal l’ensemble de la croissance économique. A cela, s’ajoute l’impact que la chute d’Evergrande aurait sur l’emploi : le groupe emploie actuellement 222 000 personnes, et 3,8 millions de postes sont directement liés aux activités de l’entreprise, selon un article de CNN.
Aujourd’hui, une question se pose : comment la Chine va-t-elle réagir face à la situation du groupe ? Va-t-elle sortir son filet de sécurité pour rattraper le géant dans sa chute, ou va-t-on assister à un scénario à la Lehman Brothers, la banque américaine ayant chuté lors de la crise de 2008 ? D’après un article du Figaro, Christine Lagarde, présidente de la BCE (Banque Centrale Européenne) a affirmé que l’impact en cas de faillite d’Evergrande resterait « limité » en Europe et particulièrement en zone euro. Néanmoins, le monde économique et financier reste dans l’attente de ce qu’il adviendra du groupe immobilier chinois…
Etudiante en licence information-communication/anglais, je m’intéresse un peu à tout : dessin, peinture, musique, astronomie, langues étrangères… J’aime garder un œil sur le monde qui nous entoure et écrire sur des sujets qui m’accrochent.