Enzo Pannequin, l’argent pousse dans la terre

Il y en a un que la crise sanitaire et économique de cette année n’a pas touché. À seulement 18 ans, Enzo Pannequin crée Enzo Primeurs, société de vente de fruits et légumes présente notamment sur le marché des Capucins à Bordeaux. 

 

Les chiens ne font pas des chats : le père d’Enzo Pannequin possède une société de brocante, sa mère est à l’origine de la marque Kiloshop et est aujourd’hui vendeuse à son compte. Il est le dernier fils d’une fratrie de quatre, 20 ans plus jeune que ses aînés, il marche néanmoins dans les mêmes traces. En effet, un de ses frères dirige une entreprise de jus d’orange très fructueuse, sa sœur possède un restaurant dans la célèbre commune de Saint-Émilion et son second frère est également chef d’entreprise. En bref, Enzo Pannequin est le fruit prématurément mûr d’une famille d’entrepreneurs.  

 

Aujourd’hui il a 21 ans et son entreprise est en activité depuis bientôt 3 ans. Grand, brun, les cheveux longs tirés en arrière et un style vestimentaire apprêté et moderne, comme ça Enzo Pannequin n’a pas l’air d’un travailleur acharné, et pourtant il n’est pas nouveau dans le monde du labeur. “À l’âge de 10 ans déjà je vidais des camions d’oranges pour mon frère, des camions entiers, d’ailleurs c’est pour ça que je suis un peu mal en point au niveau du dos”. À l’âge où les jeunes garçons font la grasse matinée et jouent aux jeux vidéos, Enzo Pannequin se levait tous les dimanches à 4h du matin pour accompagner son père exposer sa marchandise jusqu’à 16h aux Puces de Saint-Michel, contre un billet de 20 euros. “C’était pas de l’exploitation, ma mère c’était pareil, mais c’était plus pour me bercer, pour me dire “Enzo si tu veux de l’argent, regarde comment on fait””.

 

Après deux ans dans un lycée professionnel à Paris, d’abord en commerce puis en vente, il arrête sa scolarité. “J’avais envie de travailler mais surtout ça m’ennuyait” . “J’avais envie de gagner de l’argent”. Donc à 18 ans, le permis en poche, il n’a pas perdu un instant pour se lancer, au volant d’une “petite voiture, une merde, 500 balles”, il part faire le tour de la campagne : “c’était au mois de mai-juin, et j’ai trouvé un producteur de fraises avec qui j’ai fait un stage genre pendant 2 semaines”. “Il m’a tout montré, tout expliqué”. À l’issue de ce stage, il repart avec 10 plateaux de fraises avec comme objectif de les vendre et… bingo le placier du Marché des Capucins accepte Enzo Pannequin et sa “petite charrette trop jolie”. La réussite est rapidement au rendez-vous, “plus je rajoutais des produits, plus j’explosais”. Il rigole : “À l’heure actuelle, je gère une multinationale”. 

 

Cependant, Enzo Pannequin n’a pas marché sur un chemin sans embûche avant de connaître le succès commercial. D’abord il a dû comprendre que son jeune âge était un obstacle. À 18 ans, il rencontre sa banquière pour obtenir un prêt de 10 000 euros afin de s’acheter son premier camion mais fait face à un refus catégorique. Il se souvient : “à votre âge on ne travaille pas, on ne fait pas ça, on ne se met pas à son compte”.  Il quitte cette banque et rien ne semble l’arrêter. “Je suis allé voir un concessionnaire, je lui ai dit “j’ai pas d’argent, est-ce que vous pouvez me faire confiance ? Prêtez-moi votre camion et dans 3 mois je vous le paye” le concessionnaire accepte en échange d’un chèque de caution du père d’Enzo Pannequin et un autre de ce dernier. “En 2 semaines, je suis allé le revoir et je lui avais acheté son camion parce que j’avais cartonné et que je cartonnais”. L’histoire se répète ainsi avec les producteurs, il peine à trouver des partenaires à cause de son jeune âge, mais quand il réussit, personne n’est déçu et plus son entreprise grandit et plus son âge arrête d’être un frein à la confiance qui lui est accordée et donc à son succès. 

 

Depuis qu’il a commencé, il mène un rythme de vie effréné “je me lève à 3h tous les matins, j’arrive au marché il est 6h”. En 3 ans, les jours de repos du chef d’entreprise ne doivent, en cumulé, même pas atteindre un mois, mais cela lui est tout à fait égal. “Ce qui me plaît le plus c’est le côté business, ce qui me plaît le moins c’est qu’une journée ça ne dure que 24 heures” dit-il sur le ton de l’humour. La première année, l’entreprise d’Enzo Pannequin fait 300 000 euros de chiffre d’affaires, dont 100 000 euros de bénéfices en ne travaillant que la saison d’été. “Le marché c’est physique, j’avais la flemme de me lever tous les matins, tu sais en hiver il fait froid et pour gratter 50 €…  […] mais maintenant je le fais tous les jours de l’année je m’arrête pas, je prends même pas de vacances d’ailleurs”. L’année d’après, en 2019, il double son chiffre d’affaires. Mais c’est cette année que la vie d’Enzo Pannequin a pris un tournant, les yeux remplis de fierté il annonce “aujourd’hui je suis à plus de 2 millions d’euros”.

 

Enzo Pannequin est un adulte responsable dans le monde du travail, néanmoins il n’a pas perdu son âme d’enfant qui cherche la validation de ses parents. “C’est une fierté en mode : regarde maman je peux m’acheter cette bagnole, regarde maman je viens de m’acheter une montre à 30 000 euros, punaise une montre à 30 000 balles, c’est le prix d’une voiture, tu vas chez Renault tu t’achètes 10 Twingos” dit-il en rigolant, lui-même un peu halluciné. Il est cet enfant tout content de pouvoir céder à ses propres caprices mais qui ne se sert pas de ses nouveaux jouets. “Je suis fière de leur montrer mais après je vais te dire honnêtement je me suis acheté 3 montres au total, je les ai revendus : je me suis acheté 3 Rolex, 18 ans, 19 ans, 20 ans, je les ai vendus cette année, je les porte pas…” 

 

Pour le jeune chef d’entreprise, l’argent représente tout. Alors, même s’il “ne se prive plus”, il fait des économies à sa manière : “tu sais c’est toujours satisfaisant, tu regardes ton compte, […] je suis à plus 98 000, il manque que 2000 balles je vais pas les dépenser maintenant et tu montes à 100 000” et ceci continuellement “c’est un cercle sans fin je te jure” . À ses yeux, avoir beaucoup d’argent est primordial et être riche est accessible à tous ceux qui sont motivés. “Pour moi le chômage ça n’existe pas”. “Il faut être constant, régulier, tout le temps et faut avoir l’envie. Moi je me levais des fois pour aller au marché je gagnais 50 balles dans la matinée, mais à force de persévérer [..] tu te crées ta clientèle, de 50 tu passes à 500 et après à 5000.” Enzo Pannequin avait une motivation bien établie depuis le début. “Je suis toujours parti de ce principe-là, il y a de l’argent en France, il faut juste toper les bonnes personnes”. Cependant, il considère l’argent comme tabou en France. “Tu peux pas réussir en France tu vois en fait j’ai une mentalité de mec américain”. “Les gens parlent pas d’argent et quand t’es trop jeune beh c’est pas possible que tu aies réussis à faire ça : t’es qui ? Tu viens d’une famille riche ?”

 

Enzo Pannequin est très fier de ses accomplissements professionnels. Cependant, il a conscience que cela s’est fait au détriment de toute vie personnelle. “En fait j’ai pas de vie, j’ai pas de couple, c’est triste à dire mais j’ai pas d’amis, j’ai pas de couple, moi je sors pas le soir”. Sous ses airs de caïd, et d’acharné du travail, il cache une vulnérabilité justement liée à son envie constante de travailler. Alors quand l’idée de sa mort et celle de ses proches lui est évoquée ainsi que la volonté de profiter de sa jeunesse, il confie “bien sûr mais c’est compliqué… tu sais moi dans ma tête j’en veux toujours plus, c’est ça le problème c’est que je veux réellement toujours plus”. “Je m’arrêterais pas et c’est mon problème, peut-être que je me voile la face aussi en disant qu’à 30 ans j’arrêterais de travailler”.

 

Pour Enzo Pannequin le futur rime donc avec ambition, travail et surtout argent. Il compte continuer sur cette lancée jusqu’au moins ses 25 ans. “Dès que j’ai 1 million sur le compte, là déjà je pourrais voir plus tranquille”. Alors quand il s’imagine à 40 ans il ne peut s’empêcher de se voir “sur une île ah bye bye ! Nan nan je plaisante”. En réalité, Enzo Pannequin a déjà un futur bien organisé : grossiste en fruits et légumes et marchand de bien, le repos ce n’est pas pour tout de suite.

 

Lilia Fernandez

 

Crédit photo : photononstop – AGEfotostock

Partager

Lilia Fernandez

Étudiante en double licence info com / llce anglais, passionnée de journalisme, j'aime toucher à tout.