Suite à l’assassinat du professeur Dominique Bernard le 13 octobre dernier à Arras, le métier d’enseignant semble plus que jamais en danger. Un événement tragique qui intervient trois ans après la mort de Samuel Paty et qui s’inscrit dans un contexte de crainte en France.
Il y a 3 ans, un professeur tristement connu de tous, nommé Samuel Paty, était décapité par un terroriste islamiste alors qu’il enseignait la laïcité et la liberté d’expression. A titre posthume, il est devenu le symbole des professeurs qui enseignent les valeurs de la République.
Par la suite, les distinctions se sont multipliées pour rendre hommage à la mémoire du professeur de Conflans-Sainte-Honorine, à commencer par la Légion d’honneur qui lui a été décernée posthumément.
Un prix qui porte son nom a également été créé afin de récompenser une ou plusieurs classes qui ont élaboré des projets innovants, en matière de liberté d’expression et de citoyenneté. A noter que le collège du Bois d’Aulne où enseignait Samuel Paty envisage même de rebaptiser le nom de l’établissement, en hommage à ce dernier.
3 ans après : rebelote
Alors que l’on allait commémorer la mort de Samuel Paty, un nouvel assassinat s’est produit à Arras le 13 octobre dernier. Dans l’après-midi et alors qu’il était en plein cours de français, Dominique Bernard a été victime d’un assassinat, une scène effroyable où de nombreux élèves ont été témoins. On apprendra a posteriori que l’assaillant recherchait en réalité un professeur d’Histoire.
Ce drame a suscité de vives émotions, notamment dans le Pas-de-Calais où s’est produite l’attaque du djihadiste, mais aussi un peu partout en France avec des marches blanches organisées en l’honneur de Dominique Bernard et en réponse aux actes criminels perpétrés dans le pays depuis quelques années.
Un sentiment de crainte émergent
En premier lieu, ces deux événements tragiques résultent d’une crainte réelle, de la part des professeurs mais aussi des citoyens. En effet, de plus en plus de professeurs sont inquiets à l’idée de faire cours puisque suivant les sujets qu’ils abordent, cela peut créer des débats houleux voire entraîner des actes très violents et barbares comme ça a été le cas avec la mort de ces deux professeurs.
Suite à l’attaque d’Arras, une cellule psychologique a été mise en place par le ministère de l’Education nationale pour tous les enseignants et dans toutes les académies au le numéro suivant : 0805 500 005.
En second lieu, ce sentiment de peur et d’insécurité s’observe plus particulièrement chez les professeurs d’Histoire, étant donné qu’ils sont amenés à traiter des sujets clivants et sensibles souvent liés à l’actualité, notamment en cours d’Enseignement Morale et Civique ou encore de Géopolitique. C’est ce qu’Emilie Havard, professeure d’Histoire, évoque sur Europe 1 : « Moi, quand je suis devenue professeure, je ne m’imaginais pas que je rentrais dans une voie qui pouvait être dangereuse. C’est vrai qu’en tant que prof d’histoire-géographie, on a l’impression qu’on est peut-être sur une position plus sensible que dans d’autres matières ».
« J’appréhende d’aborder avec certains élèves l’actualité géopolitique par exemple, parce qu’on a toujours peur des réactions, même si les élèves en général sont pleins de bon sens et vont effectivement faire perdurer le débat. Mais cela peut être compliqué. »
C’est ce qu’a déclaré une autre professeur d’Histoire-Géographie, Margot Thomas, lorsque sa classe a reçu le deuxième prix de la catégorie lycéens lors de la remise du prix Samuel Paty à la Sorbonne. Preuve encore que la mise en oeuvre des cours demeure difficile.
De surcroît, un professeur sur deux s’auto-censure pendant ses cours, selon le ministère de l’Education nationale. Cette auto-censure s’explique par deux facteurs : la crainte des réactions des élèves et le tout corrélé au contenu des cours, notamment sur des sujets géopolitiques.
Et maintenant, que faire ?
A présent, il est difficile de nier les faits et de ne pas avouer qu’être professeur en 2023 devient malheureusement de plus en plus risqué.
Néanmoins, bien que les sujets traités dans les programmes soient parfois très sensibles, le métier d’enseignant reste une vocation rattachée à de nombreuses valeurs telles que le partage ou encore l’envie de transmettre des connaissances et du savoir.
Et une chose est sûre, c’est qu’il y a l’émergence d’une nouvelle génération de professeurs porteuse d’espoir, et qui est prête à prendre la relève. En somme, elle est plus que jamais consciente qu’elle est l’un des derniers remparts avec le savoir et les mots face à ceux qui souhaitent entraver nos libertés.
Crédit photo : UPNPDC / AFP
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