Crise en Ukraine : Négociations sur soupçons de Guerre Froide

Crise en Ukraine : Négociations sur soupçons de Guerre Froide


Depuis quelques semaines, l’Ukraine est en proie à de nouvelles tensions entre la Russie et l’Occident. Après plusieurs échanges téléphoniques entre Moscou et Washington en décembre dernier, les deux gouvernements se retrouvent cette fois-ci à Genève pour une semaine de pourparlers.


La Guerre Froide en fond de pensée

Depuis décembre dernier, le déploiement de 100 000 soldats russes à la frontière ukrainienne laisse entrevoir une volonté de Moscou d’envahir le pays. De fait, l’Ukraine est tiraillée depuis de nombreuses années entre son lien historique avec la Russie et ses ententes émergentes avec l’Europe. Alors que le pays est divisé en deux sur le sujet, Moscou tente le tout pour le tout pour conserver sa main mise sur le territoire ukrainien. Cette volonté a été particulièrement marquée en 2014 par l’annexion de la Crimée, et l’est de nouveau aujourd’hui avec sa position militaire à la frontière ukrainienne. Mais si ce coup de force semble avant tout émerger comme une menace, il se révèle davantage comme une démonstration visant les forces occidentales à porter leur regard sur la Russie. Selon Gauthier Rybinski, éditorialiste international sur France 24, à propos de Vladimir Poutine,  « on dit qu’il veut réaffirmer sa main sur son étranger proche, bien sûr, mais il y a probablement de sa part la volonté de récupérer des leviers de pression sur la scène internationale qu’il n’a plu. » D’après ce spécialiste, alors que l’ annexion de la Crimée n’a pas suffi à faire pression auprès des grandes forces mondiales, le dirigeant russe cherche de nouveaux moyens de s’imposer parmi elles, notamment face à son homologue américain. Il s’agit d’un choix stratégique de Poutine, qui préfère traiter directement avec les Etats-Unis, qu’il semble considérer comme le seul acteur « valable » de ces négociations. Une manière pour lui de réaffirmer sa position de force en échangeant directement avec la superpuissance américaine. Une façon de faire qui remet aussi en arrière-plan les rapports historiques des deux blocs durant la Guerre Froide. Les volontés du président russe de négocier avec les américains deviennent réalité cette semaine lors de plusieurs séances de pourparlers.

Des pourparlers dans un cadre particulier

C’est donc dans un contexte spécial que les discussions sur la crise Ukrainienne se tiennent jusqu’à vendredi, à Genève. Si les mots « Guerre Froide » raisonnent dans tous les esprits, le manque de prise en compte des principaux concernés donne aussi le ton aux négociations. En effet, Poutine choisit de dialoguer directement avec son homologue américain, mais ne souhaite pas converser avec l’Europe. Une exclusion mal acceptée par les dirigeants européens. Lors du lancement de la Présidence Française de l’Union Européenne, le 7 janvier dernier, Emmanuel Macron et Ursula Van Der Leyen ont pourtant tant bien que mal affiché leur volonté de peser dans les négociations. Selon la Présidente de la Commission Européenne, « Quelle que soit la solution, elle doit passer par l’Europe. » Mais le gouvernement Européen n’est pas dupe. Jean-Yves Le Dryan, ministre des Affaires Etrangères, affirme que le dirigeant russe « a peu de considération pour l’Union Européenne ». L’inclusion de l’Europe dans les pourparlers à Genève ne demeure résolument pas une option pour Poutine. Les Etats-Unis, de leur côté, jouent davantage la carte de la concertation. Le bureau du porte-parole américain a notamment déclaré : « nous ne prendrons aucun engagement concernant l’Europe sans l’Europe. ». Et si les Etats-Unis paraissent s’inquiéter davantage de l’avis européen, ils s’inquiètent également du contexte dans lequel les négociations prennent place. En effet, alors que la Russie affiche une volonté de progresser de manière diplomatique, elle n’a pour autant pas retiré ses soldats, toujours au nombre de 100 000 à la frontière ukrainienne. La sous-secrétaire d’Etat, Wendy R. Sherman, s’exprime : Au moment où je vous parle, il y a plus de 100 000 soldats amassés à la frontière de l’Ukraine. C’est une provocation. Sans un retrait, il sera difficile de mener une diplomatie sérieuse ». Un cadre tendu pour des négociations, et qui rend la direction vers un terrain d’entente difficile à trouver.

Avancer vers une solution… ou vers de nouvelles tensions ?

Avant le début des pourparlers dimanche dernier, Anthony Blinken, secrétaire d’État américain, avait déclaré « Nous lui [à la Russie] avons proposé deux options : la première à travers la diplomatie et le dialogue, la seconde sera une confrontation avec des conséquences lourdes pour la Russie si elle renouvelle ses agressions contre l’Ukraine. » Mais en Suisse les réunions s’annoncent d’ores-et-déjà difficiles. De fait, l’issue de ces délibérations représentent un enjeu de taille pour la Russie qui souhaite stopper l’élargissement de l’OTAN. Alors que plusieurs pays anciennement sous l’influence soviétique ont ratifié les traités de l’organisation ces dernières années, le Kremlin craint en effet que le cœur de l’Ukraine ne balance lui aussi vers les forces occidentales. Ainsi, alors que les Etats-Unis tentent un discours assuré mais surtout diplomatique, la Russie a annoncé qu’elle ne ferait « aucune concession » lors des pourparlers. Sergueï Ryabkov, vice-ministre russe des Affaires Étrangères, a pris parole ce dimanche à Genève en suivant cette même ligne diplomatique. Après le premier dîner d’affaires, il a annoncé que « La partie russe est venue ici avec une position claire, nous ne pouvons tout simplement pas changer notre approche. ». Selon lui, alors que Moscou ne compte faire aucun compromis, Washington doit assurément se préparer à en faire quelques-uns. Car si la Russie affirme ne pas avoir l’intention d’envahir l’Ukraine, c’est avant tout pour obtenir de la part des Etats-Unis un traité mettant réellement fin à tout élargissement de l’OTAN. L’objectif n’est pour le moment par sur la bonne voie au vu des déclarations de Wendy Sherman, qui annonce que l’organisation poursuivra sa « politique de portes ouvertes ».

Cette semaine de pourparlers arbore donc plusieurs teintes : tantôt celle de la volonté de parvenir à un terrain d’entente, tantôt celle des tensions diplomatiques entre les grandes puissances. Les positions antagonistes des Etats-Unis et de la Russie ravivent assurément les souvenirs de leur opposition au cours de la Guerre Froide. Jusqu’à vendredi, les négociations sont donc également marquées par un autre sentiment : l’espérance que la crise Ukrainienne ne soit pas la source de nouveaux conflits historiques.

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