C’était annoncé et préparé depuis un peu plus d’un mois maintenant, les dirigeants français étaient prévenus. Le samedi 17 novembre symboliserait partout dans le pays la contestation d’une taxation sur les carburants que les automobilistes ne pouvaient plus supporter. Les chiffres ont parlé : le ministère de l’Intérieur annonce 282 000 manifestants à travers la France. Parmi eux, une cinquantaine d’interpellés, des blessés par dizaines et un décès ce matin en Savoie. « Peu m’importent les chiffres, le nombre. Le message est là. » déclare Thomas, un de ceux qui se font appeler les gilets jaunes, au moins pour cette journée. Un message retransmis partout dans les grandes villes qui veut plus que jamais être entendu.
Nous oublierions presque que le mois de novembre est là et que l’hiver pointe le bout de son nez tant la journée du 17 a été radieuse du point de vue météo. Pourtant, beaucoup de français n’ont aujourd’hui pas profité de ce samedi ensoleillé pour oublier leur quotidien, non, la mobilisation a bien eu lieu. « C’est important. Il y en a ras-le-bol. Il faut montrer qu’on n’est pas d’accord. » témoigne une retraitée. Les raisons sont fortes pour qu’autant de citoyens se soient mobilisés, levés aux aurores pour beaucoup afin d’entamer une journée, si ce n’est plus, porteuse de sens et surtout d’un message. « Il y a une bonne ambiance, beaucoup de monde, des générations différentes, des professions différentes, des quartiers différents. Le peuple est là. » confie Nicolas, chauffeur poids lourd, au pied du pont d’Aquitaine à Bordeaux. Et c’est bien vrai, les jeunes sont là, même si quelques fois traînés par les parents, ils portent bien volontiers ce gilet jaune de la protestation. La raison ? « Vous la connaissez. » Bien sûr, ce sont ces prix flambés du carburant, un diesel maintenant aussi cher, voir plus cher, que l’essence dans nombre de stations services. Le carburant, symbole d’un bien de plus en plus rare et pourtant toujours aussi utilisé par les français. C’est donc ça qu’il fallait à tous ces manifestants pour se dire : « Aujourd’hui, je sors et je participe à la mobilisation nationale. »
Elle a pris différentes formes tout au long de la journée. D’abord, des rassemblements de départ sur des points stratégiques, à la périphérie des villes. De simples regroupements afin de se réunir et de voir comment on allait évoluer au cours de la journée. L’affaire était lancée, mais ce qui pouvait arriver de pire pour les organisateurs, et ce que le gouvernement imaginait sans se l’avouer, se produisit. Une femme trouva la mort après qu’une automobiliste conduisant sa fille chez le médecin ait foncé dans un barrage humain en Savoie. Les pompiers arrivés sur place essayèrent de la réanimer, en vain. L’événement a d’emblée, dès le début de la journée, canalisé les pulsions les plus fortes. Il allait falloir faire preuve de plus de sang froid pour continuer. Continuer à dénoncer « un système global fiscal qui nous oppresse » affirme Christophe, artisan. Oui, le sujet carburant a été la goutte d’eau de trop pour un vase qui se déverse aujourd’hui. La question écologique, les français en ont conscience. Et elle ne passera en aucun cas devant celle de leur porte-monnaie tant que « le gouvernement demandera à des gens qui touchent 1 400 euros d’investir dans l’écologique. » Un gouvernement qui en demande trop et qui ne voit pas le désordre dans lequel est plongé son peuple. Un peuple que l’on entend grogner, qui subit un malaise dissimulé sous une colère vive. Le sentiment de ne pas être entendu. La rupture.
Un bras de fer qui commence
Un malaise global d’ailleurs, touchant plus encore que le peuple. C’est l’économie à court terme qui craint de souffrir de cette politique, celle qui n’est pas engagée encore, ou que trop peu, dans la transition écologique. « A partir du 1er janvier on nous impose de tourner au gazole sur les chantiers. Mon patron il m’a clairement dit : ce sera trois postes en moins. » confie un chauffeur poids lourd. Peur pour leur budget, peur pour leur emploi. La démarche du gouvernement n’est en tout cas pas comprise. « Quelle démarche ? » clament à l’unisson deux bloqueurs. Tout ce qu’ils observent pour l’instant, c’est que leur situation personnelle en tant qu’actifs et consommateurs est menacée. « La transition écologique elle doit être faite comme il faut. Sur tout ce qu’on donne, il n’y en a que 20% qui va pour l’écologie. » affirme Christophe. Problème de politique globale ou de communication ? Car le gouvernement l’a dit, Edouard Philippe en tête : « Nous ne céderons pas. » Preuve d’un gouvernement convaincu des effets positifs de son action dans le futur, mais pas dans un futur proche. Les effets positifs, les manifestants du jour ne les voient pas. C’est d’ailleurs sûrement tant qu’ils ne les verront pas que la mobilisation va se poursuivre. Puis, dans la journée, ce sont les blocages qui se sont partout organisés. On aurait d’ailleurs presque cru à des départs de ZAD (Zone A Défendre). Car oui, le mouvement va se poursuivre dans la nuit, il faut donc déjà se ravitailler sur les blocus. Un caddie plein de quoi faire des sandwichs arrive sur la rocade bordelaise, bloquée jusqu’à nouvel ordre au niveau du pont d’Aquitaine. « Il faut que ça continue au-delà de cette journée sinon il n’y aura rien. Il va falloir être costaud, ça finira forcément par plier, d’un des deux côtés. » Pour Freddy, le mouvement n’en est qu’à son début. Tous sont déjà prêts à continuer tant qu’il le faudra, en semaine aussi s’il le faut. Le gouvernement, lui, est prêt à ne pas renoncer, malgré les déclarations sous forme de mea culpa de son président. Les déclarations sont recueillies, reste donc à savoir lequel des deux camps pliera le premier.
Maxime Giraudeau
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Étudiant en Licence Info-Com et membre de la Prépa Egalité des chances de l’ESJ Lille. Aspirant journaliste en presse écrite, ou en radio, ou autre chose. Qu’est-ce que vous proposez ?
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