Césars 2021, place aux revendications

Vendredi 12 mars au soir s’est déroulée la 46ème cérémonie des Césars à l’Olympia. Soirée animée par l’actrice Marina Foïs devant une salle presque vide, crise sanitaire oblige. Le spectacle qui devait mettre à l’honneur le cinéma français ne fut que coups de gueule, revendications, plaintes envers le gouvernement. Retour sur une cérémonie haute en couleur. 

 

Politique ou Cinéma ?

La 46ème cérémonie des Césars était très attendue du public. Les artistes et téléspectateurs voulaient tirer un trait sur le fiasco de l’année passée. Tous les espoirs se concentraient alors sur la maîtresse de cérémonie, Marina Foïs. Ce fut tout autre chose… L’actrice ouvre le bal avec, certes, un discours poignant, bien mené, et une bonne éloquence, mais avec dans les mains une crotte de chien. Discrédit complet. L’humour « pipi caca » n’a pas plu. Au cours de ces quatre heures de cérémonie, un nombre incalculable d’allusions à la crise sanitaire, au sort réservé aux intermittents du spectacle, à la ministre de la Culture Roselyne Bachelot seront énoncées. Et le cinéma ?

La scène de l’Olympia a été confondue avec une tribune de plaintes. Chacun y va de son commentaire et s’apitoie sur son sort. Le ton très politique qu’a pris la cérémonie a déçu le public. Selon les chiffres de Médiamétrie, 1,6 millions de téléspectateurs ont réussi à suivre, dans sa totalité, la soirée calamiteuse des Césars 2021. Il s’agit d’un des plus mauvais scores dans l’histoire des Césars. Après l’échec de la 45ème édition, faire pire était compliqué… Le déferlement de critiques sur les réseaux sociaux, les milliers de partages du #Césarsdelahonte prouvent qu’on a fait pire. Adèle Heanel, actrice française, dirait « On se lève et on se casse ! ».

Un an sans culture, un an sans cinéma, un an que les salles sont fermées et en récompense, une cérémonie des Césars vulgaire, désobligeante pour tous les artistes et la renommée française. Marina Foïs a fait dans le trash : références au sexe, à l’anus, à l’intimité. L’humour borderline n’a pas sa place dans un tel événement. Fini l’époque des sketchs mémorables de Florence Foresti, maintenant on se demande si « la taille ça compte ?! » (Marine Foïs lors de la remise du César du meilleur court-métrage). L’actrice n’a pas hésité à humilier la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, en dégradant son image, ridiculisée pour « ses recettes au gorgonzola » par exemple. Fête du cinéma ou fête de Roselyne Bachelot ?

L’année mortifère qui vient de s’achever s’est largement ressentie dans l’ambiance de la soirée. Célébration des morts, célébration des absents…Bref un manque de légèreté, de convivialité, de rires. Les Césars 2021 résument parfaitement le vide béant d’un monde culturel qui suffoque depuis de longs mois. 

Arnaud Asselin, membre de la plateforme Twitter : « Ce besoin systématique de militantisme, de messages politiques… Quand la fête du cinéma est définitivement devenue un dîner de cons ».

00h38, après une très longue soirée, Albert Dupontel est le grand vainqueur de cette 46ème édition avec « Adieu les cons », titre significatif. Notamment, récompensé par le César du Meilleur film 2020, mais aussi celui de la Meilleure Réalisation, l’acteur et réalisateur « a brillé par son absence » déclare Clément Vaillant pour Huffingtonpost.

Catherine Bozorgan, productrice du film « Adieu les cons » répond aux appels d’Albert Dupontel. 

 

L’heure du procès a sonné

Certains passages des Césars 2021 resteront gravés dans nos mémoires. Réclamations gouvernementales, dénonciation des violences policières, référence à Hitler, les slogans politiques prennent le pas sur le cinéma. 

21h30 passé, le prix du Meilleur Espoir Masculin est décerné à Jean-Pascal Zadi pour son film humoristique « Tout simplement noir ». L’homme s’empare de la scène, il tient un discours très politique, lugubre. L’acteur et réalisateur évoque l’affaire Adama Traoré décédé en 2016 à la suite d’une arrestation policière, l’affaire Michel Zecler, le producteur de musique noir qui s’est fait tabasser par des membres des forces de l’ordre. Son discours surprend. Le public s’attendait à des propos plus simples, moins engagés. 

 

23h30, Corinne Masiero, actrice connue pour son rôle dans « Capitaine Marleau », arrive vêtue d’un costume de Peau d’Âne sanguinolent et tampons rouges, comme s’ils étaient utilisés, en guise de boucles d’oreille. Appelée pour remettre le César du Meilleur costume, elle s’est entièrement dévêtue devant le public de l’Olympia et aux yeux de tous les téléspectateurs. Sur son torse, l’inscription « No culture, no futur » et sur son dos « Rend nous l’art Jean ». Ce geste dénonce la situation vécue par les intermittents du spectacle, leur grande précarité et leur mise à nu face à la crise. 

Revendication choc qui marquera les esprits. Voir une femme nue à la télévision n’était aucunement prévue assure un membre de la direction de Canal+. Corinne Masiero crée un véritable malaise médiatique. Manon Aubry, membre du Parlement européen, tweete : « En remettant le césar du meilleur costume, Corinne Masiero a mis la politique culturelle du gouvernement à nu »

La CGT a également foulé la scène de l’Olympia. Un discours politique, encore. Gérard Jugnot, acteur français, sur RTL, déplore un manque de « légèreté » lors de la soirée. « C’est vrai qu’on souffre, mais on n’est pas les seuls. Il ne faudrait pas faire croire aux gens qu’il n’y a que les artistes qui souffrent »

Le mot de la fin est attribué à Henry-Jean Servat, un acteur et journaliste français. Il tweete : « Sans classe. Sans chic. Sans élégance. Sans humour. Sans tendresse. Sans passion. Sans retenue. Sans envie. Sans panache. Sans partage. Sans courage. Sans conscience. Sans fierté. Sans décence. Sans honneur. Sans rien. Sans nous. Sans moi. »

La 46ème cérémonie des Césars restera gravée dans les annales pour sa grossièreté, sa vulgarité, ses slogans politiques à foison, le strip-tease de Corinne Masiero, la crotte de Marine Foïs et peut-être pour la victoire d’Albert Dupontel…

 

Camille Juanicotena

 

Crédits photos : Bertrand Guay, AFP  –  Bertrand Guay/Pool via REUTERS

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Camille Juanicotena

Étudiante en M1 Nouvelles Pratiques Journalistiques à Lyon 2, mon but est de devenir journaliste. J'écris sur tout ce qui m'intéresse de la politique à la télé. Tout sujet est bon à traiter.