Carnaval de Rio : retour sur les cha(r)peaux de roue

Carnaval de Rio : retour sur les cha(r)peaux de roue

Après être restés en stand-by pendant deux ans, les chars ont été dépoussiérés et les costumes hauts en couleurs sortis du placard. Vêtu·e·s d’un masque vénitien (et non pas chirurgical), partons à la découverte du carnaval de Rio 2022.

 

De Paris à Rio de Janeiro

Vous avez sûrement déjà vu des images de Rio avec une foule dévalant les rues sur des musiques latinos, le tout dans une ambiance estivale, avec des costumes plus extravagants les uns que les autres. Mais d’où vient cette tradition ? Là se trouve toute la singularité du carnaval de Rio. Il s’agit à l’origine d’une fête religieuse, célébrant le début du Carême. Le Carême désigne une période de 40 jours durant laquelle les catholiques ne consomment ni viande, ni alcool, ni autre plaisir non-essentiel.

 

Contrairement aux idées reçues, le carnaval de Rio n’est pas le précurseur des autres carnavals autour du monde : il est totalement inspiré des carnavals de Paris et de Nice. Par ailleurs, ce n’est qu’à la fin du XIXe siècle que la célébration brésilienne s’inspire de sa propre culture, et non pas des traditions européennes.

En réalité, le carnaval de Rio est né d’un mix de célébrations de plusieurs origines : portugaises, italiennes, africaines… un joyeux mélange qui donne lieu aujourd’hui à un événement international.

 

Malheureusement, à cause de l’épidémie mondiale de Covid-19, qui a fait plus de 660 000 morts au Brésil, le carnaval de Rio a été annulé deux années consécutives. Après avoir attiré 2.1 millions de touristes lors de sa dernière édition en 2020, 40 000 emplois avaient été créés et 4 milliards de réais (800 millions d’euros) générés. L’événement a également été repoussé en 2022 à cause de la progression du variant Omicron dans le pays en début d’année. Prévu à l’origine en février 2022, cela n’a pas démotivé les carnavaliers du monde entier qui se sont réunis à Rio le 22 avril 2022 pour quatre jours de fête.

 

Un événement de taille

C’est au Sambodrome Marquês de Sapucai, long de 720 mètres, que s’opère la magie. Les festivités ont commencé dans la soirée du vendredi 22 avril devant 75 000 spectateurs. Considéré comme le plus grand carnaval du monde, le carnaval de Rio est la fête nationale la plus importante du Brésil, et un symbole international de l’Amérique Latine.

 

Douze écoles de samba, dont la plupart issues de favelas, ont défilé divisées en deux groupes les 22 et 23 avril 2022, réunissant au total près de 40 000 danseurs et percussionnistes. Les six meilleures écoles sont sélectionnées pour participer le mercredi suivant au « Défilé des championnes ». Les festivités sont diffusées en direct à la télévision brésilienne. De part et d’autre du sambodrome se trouvent des juges qui ont pour mission d’évaluer les écoles selon des critères prédéfinis tels que le respect du thème du défilé, l’harmonie des danseurs, l’occupation de toute la largeur de la piste pendant le défilé ou encore les costumes. Les élèves des écoles défilent en costumes colorés arborant plumes et paillettes sur des chars imposants, tout en se déhanchant sur des rythmes desamba endiablés.

 

 

Une édition aux couleurs politiques

Chaque année, les écoles défilent en musique sur un thème lié à l’actualité, appelé « enredo ». Pour cette édition, huit des douze écoles inscrites ont choisi un thème lié à la lutte anti-raciste et aux racines africaines de la samba. Ces thèmes sont choisis symboliquement pour s’opposer au Président d’extrême droite du pays, Jair Bolsonaro, connu pour sa politique raciste et sa gestion catastrophique de l’épidémie de Covid-19.

Proche des évangélistes, Bolsonaro n’apprécie pas les danses et défilés à caractère sensuel du carnaval. Les spectateurs profitent alors de l’occasion pour montrer leur opposition à sa politique. Sur cette vidéo, on peut entendre les Brésiliens crier « Fora Bolsonaro » signifiant « Dehors Bolsonaro » dans les gradins du sambodrome.

La première école ayant défilé dans la nuit de vendredi à samedi, Paraiso do Tuiuti, a rendu hommage à des personnalités noires du monde entier telles que Beyoncé, Barack Obama ou Nelson Mandela. La communauté indigène de la forêt amazonienne était également représentée avec le défilé de l’école d’Unidos da Tijuca. Leur char représentait des arbres calcinés, illustrant l’inaction du gouvernement face au réchauffement climatique et aux incendies en Amazonie.

Au terme des festivités, c’est l’école Duque de Caxias de Grande Rio qui a remporté le premier titre de son histoire grâce à un défilé rendant hommage à Exú, une divinité afro-brésilienne de la fête, diabolisée par l’extrême droite de Bolsonaro.

Malgré deux ans d’attente, l’engouement des Brésiliens n’a pas diminué, bien au contraire. Le Carnaval de Rio est un événement toujours aussi populaire et plaisant, unissant joie de vivre et mélange culturel, le tout dans un respect culturel teinté de messages politiques dus aux récents événements.

 

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Marjorie Lenen

Étudiante en information-communication et anglais, j’écris pour le plaisir sur des sujets qui éveillent ma curiosité, même s’il peut me manquer, parfois je l’admets, une certaine objectivité.