C’est sous un tonnerre d’applaudissements que le film The Kindness of Strangers a marqué l’ouverture de la 69ème édition de la Berlinale, ce jeudi 7 février 2019. Evénement cinématographique incontournable pour tous les plus grands cinéphiles, c’est aujourd’hui l’un des trois plus grands festivals de cinéma d’Europe, aux côtés de Cannes et Venise. Le tapis rouge a été déroulé, annonçant encore une fois des changements majeurs : un nouveau directeur, une actrice française à la tête du jury, ou encore la reprise du hashtag #metoo.
Retour sur les débuts de la Berlinale
Créée par un officier américain, c’est au cœur d’un Berlin Ouest maussade, que la Berlinale a vu le jour. Destiné à relancer l’économie du cinéma allemand, le festival est rapidement devenu la « vitrine du monde libre » et apporta une touche de glamour à Berlin Ouest. Lors de sa première édition en 1951, il attira un très grand nombre de spectateurs, et d’artistes, qui, visiblement conquis, furent de plus en plus nombreux au fil des années. Aujourd’hui devenu l’un des festival de cinéma les plus en vogue du monde, il est réputé pour être très accessible au public : lors de sa première édition, la Berlinale n’eut pas de jury, cette fonction était alors destinée au public jusqu’en 1955. Le festival a alors choisi de garder cette proximité avec son public, ce qui lui a par exemple permis de vendre 200 000 tickets en seulement deux semaines l’an passé. Cette volonté de rester tourné vers le public a été l’un des enjeux majeurs du directeur Dieter Kosslick, à l’aide de qui la Berlinale est devenue le festival avec le plus grand public au monde, n’en comptant pas moins d’un demi-million. Aux commandes depuis 2002, il a annoncé l’année dernière Carlo Chatiran comme son successeur à la fin de cette 69ème édition du festival. Sa dernière année en tant que directeur ne signifie pas pour autant sa dernière année au festival, auquel il compte bien participer comme spectateur pour les années à venir.
Dieter Kosslick, directeur du festival
Des ours par dizaines
Chaque année, plus de 400 films sont présentés espérant décrocher le fameux Goldener Berliner Bär (l’Ours d’Or), reconnu comme étant la plus haute distinction du festival Berlinois, la récompense suprême. À l’image du symbole de la capitale allemande, la statuette reçue comme récompense représente un ours. Elle est l’œuvre de la sculptrice Renée Sintenis, principalement connue pour ses sculptures représentant des animaux. À chaque édition du festival, de nombreux ours distinguant les différents films sont décernés. Les films en compétition sont classés dans 6 catégories différentes : Compétition (Wettbewerb), Panorama, Forum, Génération (Generation), Perspektive Deutsches Kino et Rétrospective. Chacune ont leurs différents prix et jury, mais seul l’Ours d’Or peut être décerné à un film sans distinction de catégorie. Le premier film à le recevoir était Justice est faite lors de la première édition du festival en 1951. Et c’était alors Rebecca qui avait ouvert la danse, annonçant très rapidement le ton du festival : présenter et mettre en avant ce film d’Alfred Hitchcock censuré par les nazis lors de la seconde guerre mondiale, était donc un acte symbolique qui annonçait une volonté de déstabiliser les opinions publiques.
Un festival engagé
Si dès son début le festival exprimait ses convictions et revendications, c’est aujourd’hui ce qui rend ce festival aussi spécial. Chaque année, la Berlinale choisit de se centrer sur un sujet principal qui va alors être mis en avant tout au long des deux semaines du festival. Un sujet souvent au cœur de polémiques, que ce soit politique ou culturelle, que les organisateurs défendent avec vigueur. En 2016, c’est la crise des réfugiés qui a été abordée, la direction a d’ailleurs choisi d’offrir un millier de billets aux migrants afin de participer au festival. L’Allemagne avait accueilli plus de 600 000 migrants au long de cette année, et c’est alors avec l’idée de repenser la diversité au sein de ce festival international et sensibiliser le monde entier que cette 66ème édition avait eu lieu. Outre les réfugiés, ou encore les questions environnementales, ce sont les femmes qui sont mises en avant ces dernières années.A été nommée cette année par exemple Juliette Binoche à la tête du jury international, elle qui enchaîne les prix en tout genre, recevant de nombreuses fois le prix de meilleure actrice (Cannes et Berlin). C’est une nouvelle place pour la femme dans le cinéma qui s’affirme toujours d’avantage. Autrefois vues comme de simples objets à la merci des hommes, c’est maintenant indépendantes et fortes qu’elles sont représentées. La vague suscitée par le hashtag #metoo a fortement touché la Berlinale. Les directeurs écartant de la compétition des cinéastes accusés par ce hashtag : »La Berlinale condamne et s’oppose évidemment à toute forme de violence et de comportement sexuel inapproprié » avait alors affirmé Dieter Kosslick à l’AFP. A d’ailleurs été lancée une pétition pour remplacer le célèbre tapis rouge par un tapis noir. Même si cela n’a pas été réalisé, nombreux sont les invités qui se sont rendus au festival entièrement vêtus de noir, affichant alors leur soutien à ce phénomène. Et c’est toujours au cœur de ces revendications politiques et sociales que va s’établir cette 69ème édition de la Berlinale, du 7 au 17 février 2019.
Sara Matton
Crédits photos : Karsten Thielker / Chesnokova / Sputnik / Chine Nouvelle / Sipa
Etudiante en double licence d’Information-Communication et LLCER Allemand. Passionnée par les voyages et la culture en général, je suis spécialisée dans la rubrique International.