Ballon-espion, Pékin épie et Washington se méfie

Ballon-espion, Pékin épie et Washington se méfie

Le samedi 4 février, les États-Unis repèrent dans leur ciel un ballon de 60 mètres de haut, qu’ils accusent d’être un engin-espion chinois. Retour sur les répercussions de cet incident inscrit dans un schéma stratégique rapprochant les belliqueux du statut de belligérants

Là-haut…

Dans l’univers fictif, l’espionnage intrigue et fascine. Dans le monde réel, il crispe et tend à durcir des relations interétatiques déjà établies comme complexes. C’est l’effet provoqué par l’incident des ballons chinois. Celui trouvé dans l’espace aérien du Canada et de son voisin est loin d’être un cas isolé. Depuis 2022, plusieurs engins ont été détectés aux quatre coins du globe, au-dessus de zones clés pour surveiller actions militaires et innovations techniques. Entre autres sont concernés la Colombie, l’Inde, le Japon, les Philippines et Taïwan. Dans certaines situations, la surveillance est relativement tolérée. Surtout lorsqu’il s’agit du lancement de satellites dans des espaces internationaux ou extra-atmosphériques. Dès lors que des outils de prospection sont utilisés à des fins douteuses au sein d’un espace aérien sous souveraineté nationale, l’action devient automatiquement prohibée et donc répressible.

Aussitôt aperçu, aussitôt abattu. La défense nationale américaine répond au problème en envoyant des chasseurs neutraliser la menace potentielle. Face à ces accusations, le gouvernement de Xi Jinping rétorque que ces appareils n’auraient aucune perspective militaire, mais un dessein scientifique, météorologique. Pourtant, les débris, en cours d’analyse à Quantico par le FBI, semblent corroborer la théorie initiale. Les preuves coïncident avec les dires d’un haut responsable du département d’Etat américain qui affirme que le ballon possédait « de nombreuses antennes, un ensemble probablement capable de collecter et géolocaliser des communications ».

Jeu de Go

Cet événement digne d’un épisode de 24 Heures Chrono est tout sauf anodin. Il vient s’ajouter à un amas de provocations entre l’hyperpuissance occidentale et la RPC (République Populaire de Chine). Les rapports de forces entre ces deux grandes puissances sont souvent considérés comme voués à exploser. Comme si l’Histoire les destinait à s’affronter en répétant le schéma d’un acteur dominant qui veut garder son hégémonie, et celui d’un acteur dominé en quête de suprématie. Graham T. Allison, chercheur et professeur en science politique, développe cette idée de Piège de Thucydide dans son œuvre intitulée Destined for War : Can America and China escape Thucydides’s trap?. Ici, les meilleurs ennemis se défient dans les domaines politiques, économiques, scientifiques et technologiques. Autant sur terre que sur mer, autant dans les abysses que dans le cyberespace. Le ballon-espion met en exergue ce dernier lieu de conflit de par son utilité dans la collecte d’informations, précieuse à la géostratégie d’aujourd’hui.

L’homme à la tête du PCC (Parti communiste chinois) prend son projet de « rêve chinois » à cœur. Pour raviver le sentiment nationaliste, il a pour intention d’achever ses « nouvelles routes de la soie » et de mener à bien un programme d’espionnage mondial, d’après l’administration états-unienne. Il n’est pas vain de rappeler que cette situation comprend tout de même une « dimension miroir ». Sur le temps court, le pays aux 50 états montre malgré lui au monde entier qu’il est à la pointe de l’espionnage. D’où le discours tenu par la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Mao Ning : « La communauté internationale peut clairement voir qui est le plus grand pays d’espionnage et de surveillance du monde ». Elle joue sur la mémoire collective qui se souvient des révélations d’Edward Snowden en 2013 révélant à la scène internationale un système de surveillance illégal mondial, porté par la NSA (National Security Agency).

Depuis plusieurs siècles, la guerre de l’information et de la connaissance est lancée. À notre époque, elle évolue sous le prisme d’Internet, de l’interconnexion mondiale, de la télécommunication. Des éléments qui attisent un peu plus chaque jour le duel entre David et Goliath. 

Crédits photo : David Shankbone via Flickr

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Inès Mbemba Kabuiku

Étudiante en Information communication / Anglais sensible aux arts, aux langues et à la géopolitique. Séduite par le journalisme, j’écris pour que chaque jour le monde nous révèle un peu plus ses secrets…