Australie : « Beds are burning »

Alors que des incendies dévastateurs ravagent l’Australie depuis septembre 2019, le dérèglement climatique est plus que jamais au cœur du débat public. Même si les manifestations pour le climat se multiplient aux 4 coins du globe depuis plusieurs mois maintenant,  le groupe australien Midnight Oil alertait déjà le monde en 1987 sur le réchauffement climatique dans « Beds are burning ». Ce titre qui compte parmi les plus gros tubes de l’histoire mondiale du rock retrouve toute sa résonance durant ces évènements tragiques. Alors que 327 espèces menacées ont vu leurs habitats disparaitre dans les flammes et que des milliers de maisons sont parties en fumées, « Beds are burning » (les lits brûlent) reflète bien la situation actuelle.

Le dérèglement climatique

Paysages d’apocalypse, brouillard aveuglant et air suffocant, voici le tableau des derniers mois du territoire australien. Souffrant de feux de brousse à l’intensité effrayante, des images du pays calciné circulent en masse dans le monde entier. Si ces incendies sont un phénomène récurrent en Australie durant l’été (décembre à février), ceux-ci sont les plus ravageurs que le pays n’ait jamais connu. Les changements climatiques ne sont peut-être pas directement à l’origine des brasiers mais ils les attisent considérablement, leur faisant prendre des proportions considérables et dévastatrices.  Avec le dérèglement climatique, les périodes de sécheresse durent plus longtemps et par conséquent les feux se propagent et sont bien plus extrêmes que de coutume. Touchant principalement la région du Sud-Est depuis septembre 2019, ces « méga-feux » ont déjà réduit plus de 10 millions d’hectares en cendre. La sécheresse prolongée, le manque cruel de précipitations ainsi que le pic de chaleur sont les principales causes de ces catastrophes naturelles et humaines.

En effet, l’année 2019 a été l’année la plus chaude que l’Australie ait vécu. Le mois de décembre a connu une augmentation de température de 3,2°c par rapport à 1961 et a vu le thermomètre atteindre les 49,9°c le jeudi 19 décembre dans le sud du pays, battant ainsi un record de chaleur. A ceci s’ajoute la sécheresse sans précédant provoquée par une baisse importante des précipitations :  – 40% sur tout le pays entre 1900 et 2019 et – 80% dans le Sud-Est, la région la plus sévèrement touchée par les feux de brousse. Ajouté à cela, la phase positive du dipôle de l’océan indien, fin 2019, favorise une activité pluvieuse sur le continent africain mais un assèchement des masses d’air sur le continent australien qui sont ensuite propulsées dans le reste du pays, par les vents provoqués par l’oscillation antarctique en phase négative.

Si des pluies se sont abattues sur le pays samedi dernier permettant alors une courte période de répits à la population australienne en abaissant les températures et en éteignant plusieurs brasiers, « le mois de février est connu pour être particulièrement dangereux » assure Richard Thornton, chercheur au Bushfire and Natural Hazards Cooperative Research Centre.

Des habitats détruits

La destruction des forêts australiennes a un impact dramatique, tant sur la flore que sur la faune. Ce sont 10 millions d’hectares qui sont partis en fumée, soit une plus grande superficie que celle du Portugal. De même, plus d’un milliard d’animaux ont péri dans les flammes. Parmi les victimes, les koalas, mais aussi des espèces emblématiques telles que les kangourous, les wallabies, les cacatoès… Certaines d’entre elles, déjà proches de l’extinction, risquent de complètement disparaître si la situation ne s’améliore pas rapidement. Dans ce pays où le taux d’extinction des mammifères était déjà le plus élevé au monde, 32 espèces en danger critique d’extinction ont été victimes des « méga-feux », parmi lesquelles des grenouilles, des tortues et des oiseaux.

Les koalas, classés comme espèce vulnérable, sont les principales victimes des flammes. Contrairement aux kangourous par exemple, ces animaux ne peuvent pas courir et n’ont d’autres choix que de grimper aux arbres pour échapper aux brasiers. Ils se retrouvent alors piégés et meurent brûlés ou asphyxiés. A ce jour, près de 8 000 marsupiaux auraient disparu sur le territoire australien tout entier et 30% de ceux trouvant refuge dans la région de Nouvelle-Galles du Sud.

Début novembre, Cheyne Flanagan, directrice de l’hôpital vétérinaire de Port Macquarie, alertait sur la disparition de 85% de la population de marsupiaux, que ce soit immédiatement ou dans les mois à venir du fait de la destruction de leur habitat naturel. En effet, si beaucoup d’animaux ont été tués directement pas les incendies, d’autres succombent par manque de nourriture, de refuges… C’est toute la biodiversité qui se voit impactée par ces catastrophes environnementales.

Des photos de koalas brûlés, des kangourous calcinés, des terres noircies à perte de vue… les contenus effroyables se propagent à vitesse V sur les réseaux sociaux. Des vidéos de sauvetage, des témoignages et des marches de soutient redonnent tout de même foi en l’humanité et en sa capacité à s’unir face à une crise mondiale. La vidéo du sauvetage du koala Lewis le 19 novembre a notamment fait le tour du monde et le courage de sa sauveteuse a été applaudi par les internautes. Malheureusement, grièvement brûlé, le marsupial a succombé à ses blessures quelques jours plus tard.

 

Si les animaux perdent leurs habitats naturels, consumés par les incendies, plus d’un millier de maisons auraient aussi été détruites par les flammes entre septembre et janvier, obligeant l’évacuation de dizaines de milliers de personnes. Malgré les précautions prises par le gouvernement, ces feux meurtriers ont fait 28 morts.

Alors qu’une majorité de la population mondiale célébrait l’entrée dans la nouvelle année 2020 dans la joie et la festivité, la réalité a été tout autre pour l’Australie. Des milliers d’australiens, résidant dans les régions de l’Est, ont passé leur réveillon du nouvel an réfugiés sur les plages pour échapper aux feux ravageurs.  Ce fut notamment le cas pour les 1000 habitants et 3000 touristiques séjournant dans la ville balnéaire de Mallacoota, à 500km de Melbourne. Le ciel, d’abord rouge, a viré totalement au noir en raison des fumées épaisses masquant totalement le soleil et donnant un climat apocalyptique. Certains ont préféré alors prendre la large en bateau pour fuir la dure réalité de la « terre ferme ».

Un soutient mondial

Face à ces catastrophes, le premier ministre australien, Scott Morrison, est vivement critiqué sur leur gestion et accusé de privilégier l’industrie du charbon au détriment de la protection de l’environnement. Mais c’est sans compter sur l’unité internationale que les actions de secours à la population australiennes se multiplient. Les « méga-feux » émeuvent la planète entière : chacun apporte son soutien, qu’il soit économique, matériel ou encore moral.

 

De nombreuses associations font appel aux dons pour secourir les animaux blessés et venir en aide aux victimes. Parmi les ONG portant secours aux australiens, La Croix Rouge aide ceux qui ont perdu leurs foyers ou ceux qui ont du fuir. Elle annonce notamment sur son compte Twitter avoir récolté 42 millions de dollars australiens (soit environ 26 millions d’euros).

Mais la cagnotte qui rencontre le plus de succès sur la scène internationale reste celle lancée par l’actrice australienne, Celeste Barber, pour soutenir les pompiers volontaires de Nouvelle-Galles du Sud. 51 millions de dollars (31 millions d’euros) ont ainsi été amassées pour ces « héros nationaux ». 90% des pompiers australiens sont bénévoles et par conséquent ne reçoivent aucun indemnité en échange de leurs efforts et leurs prises de risques. Sollicités sans relâche depuis maintenant plusieurs mois, leurs homologues étasuniens et canadiens sont venus leur prêter main-forte. De même, le dimanche 5 janvier, Emmanuel Macron proposait une aide opérationnelle immédiate au premier ministre australien, suivi par l’envoi de 5 experts dans les jours suivants, dont le colonel pompier Bruno Ulliac.

WWF appelle également aux dons pour mettre en place une restauration des habitats naturels ainsi qu’une prise en charge des animaux blessés dans des centres de sauvegarde de la faune sauvage locale.

Outre les associations et ONG, Ecosia, le moteur de recherche solidaire qui dédit ses bénéfices à un programme de reforestation mondiale participe à ces actions de soutien. Ce jeudi 23, l’intégralité des bénéfices réalisés par les recherches durant la journée a été utilisée pour replanter des arbres en Australie et ainsi participer à la régénération de l’écosystème australien. Ecosia a en effet comme projet le reboisement de la région de la Nouvelle-Galle du Sud en association avec l’ONG locale ReForest Now.

Malgré ces actions solidaires, certains spécialistes expriment leur incertitude quand à la capacité de la nature à se régénérer complètement après ce « traumatisme » environnemental.

 

Léandre BOUFFARD

Crédits photos : WWF / Nathan Edwards / @bikebug2019-Instagram / Alastair Prior / Neilson Barnard/ blog.ecosia

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