Chorégraphe israélien, Adi Boutrous présente dans son nouveau spectacle Submission (soumission) une véritable œuvre d’art empreinte de messages sociaux et politiques d’un genre nouveau. Le conflit israélo-palestinien et l’acceptation des genres se trouvent alors au centre de ce spectacle d’une beauté surprenante.
Un artiste au cœur du conflit israélo-palestinien
En 1948 les États-Unis proclament la naissance de l’état d’Israël, annonçant alors, le partage de la Palestine en un État Juif et un autre arabe et offrant à Jérusalem, la ville trois fois sainte, un statut international. Des protestations ont immédiatement lieu, donnant suite à des émeutes, puis des guerres, opposant les pays arabes voisins et les palestiniens arabes aux juifs. Les palestiniens juifs se rassemblèrent en Israël, renforçant alors les conflits, et plongeant le territoire dans une guerre historique. Ce conflit est toujours un sujet très sensible de la toile internationale, on a d’ailleurs encore très récemment entendu parlé de celui-ci lorsque Donald Trump a annoncé le transfert de l’ambassade américaine de Tel Aviv à Jérusalem, reconnaissant ainsi la ville sainte comme capitale d’Israël.
Né à Tel Aviv, le jeune chorégraphe de 30 ans se trouve au cœur de ce conflit historique dont il souhaite parler et dénoncer dans ses prestations. Étant plus jeune, il a travaillé comme danseur avec divers chorégraphes indépendants en Israël comme Hillel Kogan ou Iris Erez. Mais en 2013, il a choisi de faire ses propres chorégraphies. Son travail remarquable lui a permis de se produire en Israël puis à l’International, et de remporter le premier prix du festival « Shades of dance » de 2013, récompensant son œuvre What Really Makes Me Mad.
Des à prioris à éliminer
Tout tient dans le titre : Submission, littéralement traduis par « soumission ». Dans son spectacle, il met en scène deux couples, l’un d’hommes et l’autre de femmes. Au premier abord, il laisse paraître que l’un des deux protagoniste du couple domine l’autre, le soumet. Mais s’est en réalité bien plus subtil, c’est en fait une fusion, voire même une solidarité qui lie les deux êtres. Adi Boutrous explique alors son titre : la soumission est pour lui une sorte d’acceptation de la réalité, de ses sentiments, et du fait que nous vivions avec des « êtres différents de nous » c’est à dire les arabes et les juifs ou bien les hommes et les femmes et que cette réalité ne peut changer. À la fin de la chorégraphie les danseurs tombent dans les bras l’un de l’autre, ils soumettent et acceptent leur réalité.
Le seul outil que le chorégraphe de 30ans a choisi d’utiliser dans son œuvre est le corps. Celui des danseurs et le sien (lui même danseur dans son spectacle). Il a du créer un langage commun, un rapport commun entre les deux danseurs de chaque couple pour réussir à se comprendre et faire passer leurs émotions. En laissant parler leur corps à travers diverses improvisations, il s’est rendu compte des rapports restreints entres manipulations et rapports de force qui se lient presque imperceptiblement à la solidarité, et aux étreintes fraternelles. Il aborde ainsi la question des genres : la masculinité et la force de l’homme soldat, père de famille, qui semble sensible et empreint d’émotion. Ainsi que la femme mère, fragile qui semble ici tout aussi forte et puissante que l’homme.
Une réconciliation des peuples
À cours de mots pour décrire cette crise sans fin, c’est un spectacle sans paroles qu’a choisi de livrer Adi Boutrous n’utilisant donc que les corps. Il explique que leur corps sont soumis à un stress permanent par le fait de vivre en Israël, ils se seraient adaptés puis auraient créés une « identité des corps ». Celle-ci ayant alors, une tension particulière. C’est cette tension qu’il souhaite montrer dans sa pièce. Il veut la laisser s’exprimer. Les corps des deux danseurs sont en tension, l’un semble vouloir soumettre l’autre mais finissent par accepter la réalité ensemble. La réalité de vivre entourés de personnes différentes : de juifs comme de musulmans c’est la représentation d’Adi Boutrous tient à nous exposer de sa vision de la fin du conflit.
Les danseurs vont puiser au plus profond d’eux, jusqu’à l‘épuisement physique pour transmettre à leur spectateurs autant d’espérance que de désespoir. Leur lutte semble presque infinie, tenant les spectateurs à bout de souffle. Le talentueux chorégraphe semble mener une lutte sans fin pour la réconciliation des corps et des peuples.
Sara Matton
Crédits photos : Ariel Tagar et Tamar Lamm
Etudiante en double licence d’Information-Communication et LLCER Allemand. Passionnée par les voyages et la culture en général, je suis spécialisée dans la rubrique International.