8 mars 2020 : garde tes roses, je veux tes droits

Le 8 mars, ce n’est pas une affaire de roses ou de pose de vernis. Les façons de célébrer cette journée sont nombreuses et ne consistent pas à ouvrir la porte à votre collègue ou lui offrir un cours de yoga. Les femmes sont censées avoir les mêmes droits que les hommes, mais cela n’est nul part acquis. Le 8 mars, c’est une affaire internationale pour les Droits des Femmes. Parlons-en.

 

Journée de la femme ?

Dès le début de la Révolution Industrielle, les femmes sont quasiment toutes entrées dans le monde du travail, en particulier dans celui du textile, où elles sont sous-payées par rapport aux hommes. Alors tout naturellement, la lutte se met en place pour obtenir les mêmes droits. En 1908, 129 ouvrières du textile meurent dans un incendie causé par leur patron voulant stopper leur lutte. Quelques années plus tard, le 8 mars, des milliers de femmes se mettent en grève.

En août 1910, les femmes socialistes de plusieurs pays européens se rassemblent à l’occasion de la 11ème conférence internationale des femmes socialistes. C’est à ce moment-là que naît la proposition de la mise en place d’une journée des femmes pour coordonner les actions et la lutte. Le 8 mars 1917, les femmes commencent la révolution russe. En 1977, les Nations Unies ouvrent la voie de la Journée Internationale des Femmes, dans le but d’améliorer les conditions de vie et de travail des ouvrières et suffragettes. Ainsi le 8 mars, c’est le monde entier qui se met à marcher pour célébrer et appuyer l’existence des femmes. Notons ici qu’on ne parle pas de la journée de La femme, mais bien Des femmes : elles sont toutes différentes, toutes diverses, toutes uniques. N’en célébrer qu’une seule, ce serait dommage, non ?

Cette année plus que les autres, les femmes sont au premier rang de toutes ces manifestations. En France, elles apparaissent comme des composantes importantes de la lutte des Gilets Jaunes ou encore de celle contre la réforme des retraites. Aller marcher, c’est leur manière d’appuyer leur présence et de faire comprendre qu’elles sont là, elles aussi, et qu’elles ne resteront plus dans l’ombre. Il s’agit alors ici de remettre en cause un système entier.

 

 

L’importance des rassemblements

Aujourd’hui, les femmes ne marchent plus pour le droit d’aller voter. Les raisons sont aussi nombreuses qu’il y a de femmes : contre les agressions sexuelles, les agressions sexistes, les écarts de salaires, le non-respect du consentement, les manques de considération.. Ou même, encore plus dans l’actualité, contre les impacts de la réforme des retraites, la précarité, le harcèlement, les récompenses de Roman Polanski… Par exemple, Maëlys, 18 ans, est allée marcher à Nantes car « en tant que femme, j’aimerais être dans la rue à toute heure en me sentant en sécurité, j’aimerais m’habiller et me maquiller de la manière dont je souhaite sans me faire juger ou harceler, j’aimerais ne pas connaître autant de femmes qui ont subit des violences physiques, morales, sexuelles et sexistes, j’aimerais que les femmes soient traitées de manière décente et qu’on arrête de nous rabaisser, humilier, mutiler, violer et tuer. Je marche aussi pour apporter un énorme soutien et une visibilité à toutes mes soeurs, notamment aux femmes issues de minorités et aux femmes subissant toutes formes de précarité. »

A Bordeaux, les manifestants sont nombreux, les manifestantes encore plus, éclipsant le carnaval prévu ce jour-là. « Ma première fois était un viol », « nous ne raserons ni les murs, ni nos chattes », « on se lève, on gueule, on part et on vous emmerde » sont quelques slogans parmi tant d’autres, levés à la même hauteur que les poings fermés des femmes en colère. A 14h30, place de la Comédie, la manifestation prend son départ, restant immobile pour commencer. Aux discours des organisatrices se succèdent des chorégraphies marquantes et des die-in percutants. Puis la foule commence à marcher. Elle descendra toute la plus longue rue commerçante d’Europe durant deux heures, pour aller s’amasser sur la place de la Victoire au son des tambours et des slogans scandés sans interruption. L’expression « de 7 à 77 ans » a ici pris tout son sens, car la rue était pleine de personnes de tout âge, d’enfants en ciré coloré et parapluie, d’étudiantes en veste en jean et bonnet, de personnes âgées en doudoune et gants. Tous là pour la même cause, n’est-ce pas ça aussi, le militantisme ?

Photo du cortège bordelais – Elora Ditta

 

Elles ont toutes un rôle à jouer

Les manifestations, ce n’est pas que des travailleurs marchant en rythme et hurlant, le poing levé, contre le gouvernement. Les manifestations, c’est aussi les étudiants, et ici plus principalement les étudiantes, qui crient leurs revendications. La réforme des retraites, les agressions contre les femmes, toutes ces luttes sont au coeur du mouvement auquel prend part Petra, 19 ans, porte-parole de la branche bordelaise du collectif international Du Pain et des Roses : « on dit que le féminisme c’est pas que le 8 mars et le 25 novembre, c’est toute l’année, et notamment aux côtés de tous ceux qui se battent, et notamment dans la période d’aujourd’hui, où il y a un cycle de lutte des classes qui est en train de s’ouvrir, à l’échelle internationale, mais y compris en France, où on voit quand même avec la grève qu’il y a eu, les Gilets Jaunes avant, etc. On est un collectif étudiant surtout, mais aussi composé de travailleuses. Pour nous ce 8 mars ne doit pas être routinier comme il l’a été, institutionnalisé, instrumentalisé par l’État. » D’autre part, pour la porte-parole du collectif féministe queer bordelais Fack Ap!, la journée du 8 mars est une occasion de montrer un soutien contre « la précarité étudiante, la précarité des enseignants, enseignantes, et la condition des étudiants et étudiantes face à la problématique concernant les bagages culturels qui nous rentrent dans une forme d’oppression ».

Et dans la foule amassée sur la place de la Comédie, il y a aussi les femmes du monde entier, répondant à l’appel général de suivre l’exemple des mouvements d’Amérique Latine ou de l’État espagnol, contre la montée des gouvernements réactionnaires. Au début et à la fin du rassemblement de Bordeaux, des femmes d’Amérique Latine réalisent une chorégraphie sur le chant réactionnaire désormais célèbre « el violador eres tu » (le violeur, c’est toi). Les femmes kurdes sont également représentées par un cortège assez dense. Le slogan « solidarité avec les femmes du monde entier », scandé sans interruption par la foule des manifestantes, prend alors tout son sens.

 

La branche bordelaise du collectif Du Pain et des Roses – Fanny Mousset

 

La nécessité d’une non-mixité

Dans chaque grande ville qui organise une marche à l’occasion de la journée du 8 mars, il y a une marche en non-mixité. Le principe de non-mixité dans ce contexte, c’est de laisser un temps pour les femmes de marcher entre elles, sans hommes, afin d’être seules dans leurs luttes.
Ce concept peut paraître discriminant pour certaines personnes ; en effet, il n’autorise pas aux hommes de participer, donc ils peuvent se sentir exclus. Mais c’est malgré tout une nécessité. Ces marches en non-mixité sont majoritairement effectuées de nuit, afin de se réapproprier la rue et la nuit, deux espaces-temps où les femmes se sentent le plus vulnérables. De plus, lors des manifestations mixtes, les hommes sont plus souvent sur le devant du cortège, à scander les slogans : ici, ce sont les femmes les principales actrices, seules leadeuses de la lutte. Pour Benjamin, 19 ans, durant la manifestation mixte de Nantes, il y a eu « une cohésion dans le groupe, ça n’a pas arrêté de chanter. On sent que les femmes en voulaient à la société. Je me sentais dans ce mouvement mais en étant spectateur, car ce n’étaient pas des droits pour moi, mais pour les femmes. » Et le concept de non-mixité ne semble pas trop lui poser problème : « ça me dérange dans le sens où on ne peut pas montrer notre soutien. Mais au fond je comprend totalement l’esprit. Et ce week-end, il y avait deux marches, donc ça ne m’a pas dérangé car j’ai pu montrer mon soutien ».

 

 

 

C’est donc cela que les femmes veulent, pour la Journée Internationale de Lutte pour les Droits des Femmes. Que les femmes du monde entier soient respectées à leur juste titre, qu’elles ne soient plus humiliées, mutilées, violées, suivies, harcelées, diminuées, agressées, qu’elles aient le même salaire que les hommes, qu’elles soient autant élues que les hommes, qu’elles soient tout simplement considérées. Et cela, toute l’année. Alors en avant, il y a encore de la marche à faire.

 

 

Crédit photo couverture : Fanny Mousset

Fanny Mousset
fanmousset@gmail.com

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Fanny Mousset

Étudiante en information-communication pendant trois ans, désormais en M1 Experte Stratégies Digitales, je suis passée par deux ans de rédaction à Pop-Up. J’ai également été un an dans les backstages de l’Instagram. Contact : fanmousset@gmail.com