500 parrainages en 5 questions

500 parrainages en 5 questions

L’élection présidentielle est une course semée d’embûches, rythmée par de nombreux points de passages obligatoires. Les différents aspirants à l’Elysée ont dû affronter une première étape décisive : la récolte des 500 parrainages. Ce Vendredi 4 mars 2022 est la date limite pour les recueillir. Cette quête s’est avérée longue et périlleuse pour certains participants qui ont frôlé l’élimination. Pour d’autres, la récolte a même été infructueuse, ce constat d’échec étant synonyme de disqualification immédiate. Quelques éclaircissements s’imposent sur cette étape qu’il faut obligatoirement franchir.

1 – Quel est l’historique de ce système de parrainages ?

Il faut remonter à l’élection présidentielle de 1958 pour retrouver les prémisses du système de parrainages, qu’il est d’ailleurs préférable d’appeler système de présentation. 1958 est l’année de la première élection présidentielle de la Ve République. La Constitution ayant été modifiée, les modalités du scrutin présidentiel ont également subi des changements. L’ordonnance du 7 novembre 1958 prévoit que les candidats à la présidence de la République doivent avoir réuni, au moins 12 jours avant le premier tour, 50 signatures du collège électoral, sorte de grands électeurs. Trois candidats obtiennent ces « présentations » et concourent à l’élection qui sera finalement remportée par le Général de Gaulle dès le premier tour. 

Le système va être radicalement modifié en 1962. A l’initiative de de Gaulle et malgré l’opposition féroce de toute la classe politique, l’élection du Président de la République se fait dorénavant par suffrage universel direct suite au référendum du 6 novembre 1962. Le système de présentation est maintenu, mais sous une forme différente. Pour briguer le plus haut poste de l’Etat français, il faut désormais obtenir 100 présentations. Cette règle sera en vigueur pour les élections de 1965, 1969 et 1974. Or, on constate une hausse significative du nombre de candidats éligibles. En 1965, ils étaient au nombre de 6 alors qu’il y en aura le double neuf ans plus tard.

Face à la multiplication dangereuse des candidatures, une nouvelle réforme sera finalement adoptée en 1976. Elle établit le nombre de signatures obligatoires à 500, un nombre qui n’a plus évolué depuis. Le but de ce système est d’empêcher des candidatures fantaisistes de pouvoir prétendre au plus haut sommet de l’Etat. Il vise aussi à écarter les candidats « solitaires » sans structure politique pour les soutenir.

2 – Quelles sont les modalités de ce système ?

Le parrainage de candidats est exclusivement réservé aux élus. Lors de la dernière élection présidentielle en 2017, environ 42 000 élus étaient habilités à offrir leurs présentations au candidat de leur choix. Le Conseil constitutionnel est l’institution qui veille au bon déroulement de ce système. Il envoie les formulaires de parrainages aux élus concernés. 

On y retrouve les maires, maires délégués, maires d’arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille, les députés, sénateurs et représentants français au Parlement européen, les conseillers régionaux et départementaux, des présidents de métropoles ou de communautés de communes ou encore des élus des assemblées d’outre-mer.

Chaque élu ne peut parrainer qu’un seul candidat, son choix étant alors irrévocable. En revanche, il n’y a aucune obligation de parrainage. Pour qu’un parrainage soit valide, il faut que l’élu l’envoie par voie postale au Conseil constitutionnel, qui l’homologue ensuite. Seulement depuis 2016, les parrainages ne sont plus anonymes. Deux fois par semaine, les listes de parrainages sont publiées sur le site internet du Conseil constitutionnel afin d’avoir un aperçu de l’évolution de la situation de chaque candidat, mais aussi de respecter le principe de transparence.

La loi du 6 novembre 1962 a érigé un principe permettant d’éviter les candidatures liées à la défense d’intérêts purement locaux. Il s’agit de la clause de représentativité nationale. Le candidat doit obligatoirement réunir des parrainages d’au moins 30 départements ou collectivités différents. De surcroit, le nombre de présentations par département ne doit pas dépasser les 50.

La mise en place d’une date butoir implique donc que la quête de parrainages doit respecter un délai défini avec précision par la loi du 29 mars 2021. La période de récolte débute avec la publication du décret de convocation des électeurs au moins 10 semaines avant la date du premier tour de l’élection présidentielle. Elle se termine au plus tard le sixième vendredi avant le premier tour, ce qui laisse donc 4 semaines pour obtenir les fameuses 500 signatures. Une véritable course contre la montre s’offre alors aux candidats.

3 – Quels sont les candidats à la prochaine élection présidentielle qui ont obtenu leurs 500 parrainages ?

Au dernier pointage de ce jeudi, 11 candidats sont parvenus à valider leurs tickets pour l’étape suivante. Ce sont les 11 premiers noms qui figurent sur ce graphique. Certains candidats ont rapidement obtenu le nombre suffisant de signatures comme Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, ou encore le tout récent candidat déclaré Emmanuel Macron. 

La récolte s’est en revanche avérée délicate pour d’autres candidats, pourtant haut placés dans les différents sondages. Jean-Luc Mélenchon n’a validé ses parrainages que la semaine dernière. Eric Zemmour, Marine Le Pen ou encore Nicolas Dupont-Aignan ont aussi dû batailler ferme pour avoir leurs 500 signatures, suspendant même leurs campagnes pour s’atteler à cette tâche. Elles n’ont été homologuées que cette semaine.

D’autres candidats déclarés n’ont pas pu rassembler suffisamment de parrainages avant la date limite. Ainsi François Asselineau se retrouve exclu de la campagne présidentielle, tout comme certains candidats qui tentaient leurs chances pour la première fois comme le syndicaliste Anasse Kazib ou Hélène Thouy du parti animaliste. Quant à Christiane Taubira, investie par la Primaire populaire, elle a annoncé son retrait de la campagne ce mercredi, se voyant dans l’incapacité de réunir les 500 signatures avant ce vendredi. Reste le cas de Philippe Poutou qui affirme détenir ses 500 parrainages, mais dont le dernier recensement de jeudi n’en comptabilise que 439.

4 – Pourquoi ce principe suscite autant de discussions aujourd’hui ?

Cette étape intermédiaire provoque toujours l’élimination de certains candidats. Chaque année, ils sont plusieurs dizaines à ne pas passer le cap des 500 parrainages. Ce n’est donc absolument pas un phénomène nouveau. Ces 4 dernières semaines de pré-campagne ont pourtant parues bien plus agitées que d’ordinaire.

Les difficultés rencontrées dans leurs quêtes par plusieurs candidats, pourtant crédités d’intention de vote supérieures à 10%, sont apparues comme problématiques. Le système actuel a été sévèrement remis en question, avec comme principale source de tension l’obligation de publier les noms des parrains. Ce procédé a été pointé du doigt par plusieurs candidats. Eric Zemmour a notamment dénoncé « un scandale démocratique ». C’est le même refrain chez Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon qui veulent revenir à l’anonymisation des parrainages. Ils ont aussi mis en alerte sur les éventuelles pressions que peuvent recevoir les élus. Dans un contexte politique aussi tendu où les divergences politiques n’ont peut-être jamais été aussi affichées, certains élus hésitent avant d’offrir publiquement leurs parrainages.

Toutefois, il est primordial de faire une distinction : parrainer ne veut pas nécessairement dire soutenir. Ainsi, plusieurs élus ont donné leurs signatures à des candidats qui ne sont pourtant pas de leurs bords politiques. Le président du MoDem François Bayrou a lui initié une banque de parrainages vouée à aider les candidats en déficit de parrainages. Il a pu recueillir environ 400 signatures d’élus, qui ont ensuite été redistribuées aux candidats à la peine. « Je ne suis pas de l’avis politique de Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Eric Zemmour, mais je trouverais anormal, et même scandaleux, qu’ils ne puissent pas se présenter » a t’il affirmé pour justifier son initiative.

5 – Quelles peuvent-être les évolutions possibles ?

L’idée d’une réforme totale du système de parrainages est exacerbée aujourd’hui par la situation précédemment évoquée. Il n’en demeure pas moins que cette perspective germe dans les têtes des acteurs politiques depuis plusieurs années. 

Outre le rétablissement du parrainage anonyme vivement souhaité par plusieurs candidats, on retrouve parmi les idées régulièrement évoquées celle de remplacer les parrainages d’élus par des parrainages citoyens. Cette proposition est notamment portée depuis 2012 par Lionel Jospin qui souhaite que seuls les candidats ayant recueilli au moins 150 000 parrainages de citoyens puissent concourir à l’élection présidentielle. Un mélange entre parrainage citoyen et parrainage d’élus a également été envisagé. Une proposition de loi allant dans ce sens a été déposée en octobre 2020, à l’initiative entre autre de Jean-Luc Mélenchon.

L’idée de relever le seuil de parrainages a également fait l’objet de plusieurs propositions de loi par le passé. Mais compte tenu de la conjoncture actuelle, une telle mesure serait assurément grandement contestée.

Enfin, la solution pourrait être d’obliger les élus à parrainer un candidat. En 2017, seulement 34% des élus ont effectué cette démarche. Le problème qui se poserait alors serait le risque d’un trop grand nombre de candidats, ce qui rendrait l’élection difficilement lisible. Cette mesure irait à l’encontre du principe initial des 500 parrainages qui est de limiter le nombre de candidatures et de crédibiliser l’élection présidentielle. 

 

Le système de parrainages est un sujet sensible qui ne satisfait pas grand monde, mais dont les perceptives d’évolution suscitent elles aussi de nombreuses discussions. L’équilibre à trouver entre respect de la démocratie et légitimité politique semble bien précaire. Rendez-vous dans 5 ans pour de nouveaux débats sur le sujet.

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