Urgence au refuge : trop d’animaux et pas assez de moyens

Partout en France, les refuges animaliers sont en situation d’urgence. Ils manquent de ressources mais, malgré tout, des bénévoles qui ne comptent plus leurs heures continuent à se dévouer pour le bien-être animal au sein d’associations, comme au refuge Potron-Minet à Mérignac.

Ce qui frappe en passant la porte du refuge, c’est le nombre de chats. L’odeur aussi, une forte odeur de litière. L’endroit n’est pas sale, le problème concerne la quantité considérable de travail dont doivent se charger les bénévoles, trop peu nombreux.

La maison est encombrée, des cages de mise en quarantaine pour les chats en soins et les portées de chatons, des piles de journaux pour le nettoyage, des cages de transport pour prêter aux adoptants, des lits en hauteur pour maximiser la surface de stockage et permettre aux chats de se trouver un endroit calme. Ce matin-là, une seule bénévole est présente. Elle est en train de changer les onze bacs à litière d’une des quatre pièces du refuge. Un chat a eu la diarrhée, il faut aussi nettoyer les murs. Il lui reste encore à s’occuper des autres salles et de la trentaine de cages, comme tous les jours. Elle voudrait en faire plus, mais va devoir partir dans peu de temps, en espérant qu’un autre bénévole arrive entre-temps pour prendre le relais.

La portée de Guess

Lucie, la co-fondatrice, pousse la porte du refuge à midi. Elle a l’air fatiguée, mais salue tout le monde d’une voix douce, chats compris. Elle a passé la nuit ici et est allée se reposer quelques heures. À peine arrivée, elle enfile son tablier, sa « tenue de combat » comme elle le dit, et prend des nouvelles de Guess, Kaki et leurs frères et sœurs, une portée âgée d’un peu plus d’un mois, arrivés avec leur mère il y a deux semaines. Ils sont tous atteints du coryza, une maladie commune chez les chats errants qui peut être mortelle. La petite Guess a presque 40°C de fièvre, Lucie est inquiète.

Les montagnes de gamelles / Une des pièces du refuge

14h, l’heure officielle d’ouverture du refuge. Le téléphone sonne sans arrêt, les appels s’enchaînent, des chats ont été trouvés sur un parking, une portée est née et il faudrait faire adopter les chatons, une femme voudrait être famille d’accueil. Mais chaque jour, Lucie a le droit à des personnes virulentes à l’autre bout du fil. « Ils nous reprochent de refuser d’accueillir les chats. Mais les gens ne se rendent pas compte du nombre de chats qui sont déjà ici. On fait notre maximum, on voudrait en faire plus mais on ne peut pas. » D’autres se plaignent de l’attente pour arriver à les joindre, pourtant les bénévoles essaient de répondre à tous les appels. Mais quand Lucie est seule au refuge et nettoie les gamelles qui s’entassent sur le plan de travail, cela peut être acrobatique d’enlever ses gants toutes les trois minutes pour attraper le téléphone.

L’association a été créée en 2007 par Lucie Chau et Antonio Garcia. Lucie a prêté sa maison, elle habite maintenant chez Antonio, et lui dort au refuge dans un lit à côté des cages. Ils se relaient pour y rester la nuit, pour être présents pour les urgences, les perfusions, les traitements. Lucie a 66 ans, elle est malade mais continue à y mettre toute son énergie. Elle reste au refuge entre 15 et 20 heures par jour. Mais davantage de bénévoles ne suffiraient pas, l’urgence est avant tout matérielle et financière.

L’association est endettée, elle fonctionne grâce aux dons, trop peu nombreux. « Je refuse de faire comme certains [refuges] et de donner des croquettes bas-de-gammes aux chats, il vaut mieux leur donner des Royal Canin que de la mauvaise qualité pour qu’ils soient en bonne santé et puissent être adoptés » explique t-elle d’un ton contrarié.

La capacité d’accueil du refuge est de 120 chats maximum, mais le nombre actuel de pensionnaires dépasse cette limite. « On est un des seuls refuges qui ne refuse pas les chats malades ou mourants, on les accepte et on les soigne, ceux qui sont en fin de vie sont en liberté dans la maison pour être avec nous, même s’ils seraient bien mieux dans une famille. » se désole Lucie. L’association a été agréée pour dispenser des soins, mais compte tenu du nombre de chats malades, les « bénévoles vétérinaires » du refuge sont débordés.

Filou, chat en fin de vie / Oscar, gravement malade

Depuis son ouverture, plus de 530 chats ont été adoptés. « C’est plus que la SPA » souffle Lucie. En ouvrant les registres d’arrivées et de départs, on se rend compte de tout le travail fourni.

Depuis janvier 2019, 660 chats ont été accueillis au refuge. Cette « saison des chatons » a été particulièrement agitée : rien qu’en mai, 93 chats ont été pris en charge par l’association, dont une majorité de portées abandonnées. En attendant leur adoption, certains chats sont placés en famille d’accueil, où ils peuvent apprendre à vivre à se sociabiliser avec les humains. « On n’a pas assez de familles d’accueil. Quand je vois le nombre de chats qui seraient beaucoup plus heureux dans une maison… Rien que dans la salle des juniors [jeunes chats sevrés], ils sont entassés, ça ne va pas. » Depuis le début de l’année, 689 chats ont quitté le refuge. Malheureusement, ce n’est pas seulement pour être adoptés ou placés en famille d’accueil, beaucoup décèdent à l’association. « Entre les chats malades et mourants, les chatons qui arrivent après avoir passé leurs premiers jours dans la rue, on ne peut pas empêcher que certains meurent. On essaie de les soigner au mieux, mais quand ça arrive… oui, on pleure. »

C’est une situation d’urgence. La France a été qualifiée de « championne de l’abandon » l’an dernier. L’association stérilise tous les chats accueillis : « c’est une des choses les plus importantes à faire pour éviter la prolifération des chats. » Les refuges sont débordés, le manque de ressources est financier, matériel et humain, pourtant, le nombre d’abandons est en hausse depuis le début de l’année.

Noémie Duq

Crédits photos : Noémie Duq

 

Refuge Potron Minet

05 56 12 00 21

54 rue du pradas, 33 700 Mérignac

potron-minet.com

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