Union à l’ouest, Hongrie à l’est.

Photo AFP / Peter Kohalmi

 

Sa capitale avait pourtant été mise à l’honneur dans une chanson câline de Georges Ezra ; sa mélodie n’eut guerre le pouvoir d’envoûter l’oreille des eurodéputés mercredi 12 septembre lorsque ceux-ci condamnent Budapest par l’article 7 de la constitution européenne. Viktor Orban, premier ministre hongrois affilié au parti conservateur est pointé du doigt : les droits fondamentaux de l’Union Européenne sont mis à mal dans son pays, par lui-même. Ce pays dont la spécialité culinaire le Goulasch nous rappelle nos vieilles angoisses de cantines aux plats douteux mais auxquelles on a quand même plaisir à repenser, est au cœur des élucubrations de l’Europe : nerf d’un paradoxe entre division et recomposition unitaire sur un continent mouvementé.

 

Retour en force

Viktor Orban a été premier ministre de la Hongrie pour la première fois en 1998, et déjà affilié au mouvement conservateur du Fidesz. Année où la France gagne la Coupe du Monde de football. Rappelons-nous que quatre ans après, les français sont sortis en phase de poule sans marquer un but. La destinée en sera de même pour Orban et son parti : la droite n’est pas reconduite au pouvoir en 2002. Il faudra alors attendre 2010, au jour du 29 mai pour qu’Orban prenne à nouveau des fonctions de premier ministre. Réélu à la tête du pays en mai 2014, sa politique anti-immigration et minorités fait débat depuis et agite les instances internationales. Il prend position cette année-là sur sa vision de la démocratie en infirmant les valeurs de libéralisme et de pluralisme politique. L’état hongrois est selon lui le reflet d’une forme d’illibéralisme politique, de quoi créer déjà un climat de défiance vis-à-vis de l’UE. Derniers coups de force en date après la réélection aux législatives de 2018, la création d’une instance ayant pour but de sanctionner les médias déstabilisant le pouvoir en place, l’affirmation d’une politique anti-immigration qui refuse les quotas d’accueil votés par l’UE et l’inscription dans la constitution hongroise du rôle essentiel de la famille traditionnelle représentant une discrimination envers les minorités homosexuelles. Les souverainetés ne sont plus compatibles.

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Été mouvementé, rentrée en sanctions

Le mardi 11 septembre les eurodéputés du Parlement Européen montent au credo pour fustiger la politique façon Orban en s’appuyant sur le rapport conduit par l’écologiste néerlandaise Judith Sargentini. Cette dernière invoque le non-respect de la notion d’état de droit, inscrite dans la charte des principes fondamentaux de l’Union évoquée dans l’article 7 de sa Constitution. C’est le lendemain que le vote a lieu à Bruxelles et une question agite toutes les discussions dans les couloirs du Parlement : le Parti Populaire Européen va t-il continuer à soutenir Viktor Orban ?

En effet, l’union des droites européennes avait jusque ici soutenu, parfois sans trop se mouiller, la politique de Budapest et le Fidesz pour ne pas risquer l’isolement total de son allié. Manfred Weber, chef de file du PPE s’exprime sur Twitter en disant qu’il voterait pour le déclenchement de l’article 7, lui qui n’attendait plus aucun geste de la part d’Orban. Au soir du mercredi 12 septembre, la répartition des votants s’affiche sur la tableau numérique du Parlement : 448 voix pour, 197 contre et 48 abstentions. L’article 7 est activé, les procédures de sanctions promises. La droite européenne s’est défaite largement de la Hongrie pour la première fois. Le pays est électron libre détaché du noyau dur parmi euro-joyeux et euro-sceptiques.

L’Union contre-attaque

Ce que la Hongrie risque à présent va de simples sanctions économiques de marché jusqu’à l’interdiction d’être représentée au Parlement et au Conseil de l’Europe en tant qu’état. De quoi écarter de manière procédurière et plus seulement verbale Orban et son gouvernement. Une revanche de l’Union et des pro-migrants ? C’est en tout cas ce qu’expriment les dires des derniers partisans du premier ministre hongrois au Parlement européen. En effet cet été, les dossiers et rebondissements autour de l’Aquarius et de ses migrants ont vu s’affronter le tandem Salvini-Orban avec les autres dirigeants européens.

Une position totalement anti-immigration et accueil tenue par les leaders italien et hongrois, qui a mis en émoi l’Union. Une façon, par l’activation de l’article 7 que leur position et pas seulement par l’aspect anti-immigration, est contraire aux principes érigés au sein de l’Europe. Alors que peut-on imaginer pour la suite ? Une bipolarisation certaine du Parlement européen entre un camp majoritaire d’euro-convaincus allant de la gauche centriste au bout de la droite, se heurtant à des euro-sceptiques minoritaires mais tout autant convaincus de leur force, à présent qu’ils se retrouvent isolés pour de bon de tous les autres. Et si les débats n’en revenaient désormais plus qu’à ces questions migratoires et d’état de droit ? Ce nouveau groupe réduit de droite est en tout cas à l’origine d’une recomposition à l’échelle du Parlement européen et à l’échelle de l’Europe. L’on imagine déjà l’éventualité d’un départ mais reste alors à questionner qui de l’Union ou des opposants partira le premier. Cette possibilité ne saurait être réalisable aujourd’hui tant elle ne bénéficierait à aucune des parties. Le Parlement européen va donc encore un peu plus cristalliser les tensions. A savoir si représentants, dirigeants et institutions souhaitent privilégier le débat acharné au silence menaçant et incertain.

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