Une Coupe du Monde pas comme les autres

Une Coupe du Monde pas comme les autres

Douze ans que le Qatar s’y prépare, nous assistons au lancement de la 22e édition de la Coupe du Monde ce 20 novembre 2022. C’est dans un contexte des plus tendus que ce Mondial marquera l’histoire avant même d’avoir commencé.

 

Mais pourquoi le Qatar ?

Pour comprendre, il faut savoir comment l’organisation de ce Mondial a commencé. Le 2 décembre 2010, cinq pays étaient candidats pour l’organisation de la Coupe du Monde 2022 : l’Australie ; la Corée du Sud ; le Japon et les États-Unis. Sepp Blatter, l’ancien président de la FIFA, affirmait lors d’une conférence de presse « Le monde arabe mérite la Coupe du monde et le Qatar a une bonne chance d’être le premier pays de la région à l’accueillir ». En choisissant ce pays, c’est principalement par volonté de la FIFA de varier la géographie des pays organisateurs et donc toucher plus d’audience. Les choix faits par le comité exécutif de la FIFA ont souvent été critiqués mais la Coupe du Monde ne peut pas s’appeler ainsi si cette compétition a lieu toujours dans les mêmes pays.

Le Qatar, qui a été dénoncé pour avoir acheter les droits d’organisation de la compétition, a réussi son coup et son dossier était travaillé pour. Le pays a pensé à tout. Au niveau des infrastructures sportives, sept stades dont un déjà présent ont été construits pour accueillir les 64 matchs qui se disputeront sur son sol. Ces enceintes aux allures futuristes seront reliées pas un réseau de métros unique au monde. Pour la région, les enjeux liés à cette compétition ne sont pas simplement sportifs et économiques mais surtout politiques et sociaux. Le Mondial est l’un des évènements sportifs les plus médiatisés et porte une image susceptible de renforcer la solidarité de tout un peuple.

Pour que cette compétition prenne forme dans le désert qatari, la compétition a été reportée en hiver pour échapper aux températures extrêmes de ce riche émirat du Moyen-Orient. En plus de ça, ils ont eu l’idée dérisoire de climatiser leurs stades à ciel ouvert en déployant des technologies novatrices. Cette climatisation ne fait que contribuer au réchauffement climatique. Mais derrière les beaux discours des organisateurs, le coût énergétique et l’impact environnemental posent question. Le Qatar et la FIFA affirment que cette Coupe du Monde sera totalement écologique, en réalité l’empreinte carbone liée à ces constructions pourrait avoir été sous-estimée, d’après certains rapports d’ONG.

Un autre problème sur le plan environnemental est celui de la multiplication des vols dans la région en raison d’un nombre de logements insuffisants pour accueillir tout les supporters. Depuis l’annonce de l’attribution de la Coupe du Monde il y a 12 ans, les critiques n’ont jamais cessé, elles ont même amplifié. En février 2021, The Guardian publiait une enquête relevant que 6500 travailleurs migrants sont morts depuis le début des constructions, un chiffre qui fait froid dans le dos. Ce chiffre reste en plus de ça sous-évalué puisque nous n’avons pas les statistiques des travailleurs africains, mais que ceux provenant d’Asie. En effet, parmi les 3 millions d’habitants du Qatar, environ 85% sont des travailleurs étrangers. Ces travailleurs connaissent des conditions de vie épouvantables avec des températures frôlant les 50 degrés et des horaires sans limites. Depuis 2018 avec le travail d’ONG et de l’OIT (Organisation Internationale du Travail), une nette amélioration venant en aide aux travailleurs a été possible. Mise en place d’un fonds d’indemnisation, instauration d’un salaire minimum… c’est mesures ne suffisent pas.

 

Vainqueur des polémiques

Aucune Coupe du Monde n’a suscité tant de reproches, pas même celle disputée en 1978 dans une Argentine sous dictature militaire. Il faut remonter aux JO de Moscou en 1980 et de Los Angeles 1984, deux compétitions marquées par des boycotts.

Le Qatar s’est retrouvé de plus en plus seul ces dernières années pour défendre son Mondial. Soucieux de l’engouement peu avant le lancement de cette 22e édition, le pays est allé jusqu’à inviter des supporters étrangers pour venir assister aux matchs. Ces supporters ont peu à peu investi les rues de la capitale, contactés par l’agence qatarie responsable de la Coupe du Monde pour permettre le bon déroulement de ce Mondial dans une ambiance festive.

Ces « faux » supporters qui devaient recevoir une prime pour jouer leur rôle ont été avertis qu’ils ne seraient plus payés. Selon les informations de The Guardian, on aurait appris l’annulation de ces indemnités pour une raison : les nombreuses vidéos postées sur les réseaux sociaux ont été victimes de nombreuses critiques et les autorités qataries n’ont pas digérées cette « humiliation ». En effet, voir de nombreuses personnes originaires d’Asie du Sud défiler, en scandant des chants, avec des maillots de sélections européennes restait néanmoins ironique. Preuve d’une volonté de trop faire de la part du pays, cette démarche dénaturalise et remet en doute l’authenticité des fans des nations qualifiées. 

On le sait, le Qatar ne tient pas ses promesses, alors que l’alcool était accepté dans l’enceinte des stades avec seulement quelques limites, dorénavant il n’y aura plus d’alcool dedans et autour des huit stades. Hormis dans certains hôtels, restaurants et bars, l’alcool ne sera disponible qu’aux fan zones entre 19h et 1h du matin, où la bière y coûtera 14 euros, ce qui en fait la plus chère de l’histoire de la Coupe du Monde.

Les grandes compétitions sportives ont toujours été un moyen pour les pays de rayonner, elles s’inscrivent dans une logique de puissance. En organisant la Coupe du Monde la plus chère de l’histoire, avec 220 milliards déboursés, le Qatar prépare l’avenir et montre qu’il est capable d’accueillir.  Mais cette Coupe du Monde garde-t-elle la même ferveur habituelle ? La réponse est évidente, non, ce n’est pas le cas, tout d’abord, de par la saison qui est moins propice pour nous, les européens généralement accoutumés à regarder les matchs en terrasses dans la chaleur de juin. Certaines personnes optent même pour le boycott total, ce que le Président de la République française ne partage pas « Il ne faut pas politiser le sport » dit-il. Mais qu’on le veuille ou non, le sport, et notamment le football, est plus que politisé, ce qui en fait un des éléments essentiels du soft power. Le Danemark, adversaire de notre Equipe de France dans les phases de groupe, a annoncé son intention de boycotter la Coupe du Monde. Par l’intermédiaire de son équipementier Hummel, l’équipe a dévoilé les nouveaux maillots de la sélection avec comme particularité d’atténuer tous les détails. Ces maillots portent le souhait de ne pas être visibles durant un tournoi qui a coûté la vie à des milliers de personnes. La sélection australienne a ouvertement accusé le Qatar de ne pas respecter les droits humains. Plusieurs sélections envisagent d’arborer un brassard à haute signification, le brassard « one love » du capitaine de l’équipe qui serait aux couleurs de l’arc-en-ciel. Imaginé pour défendre la cause des personnes LGBTQ+ mais aussi les autres minorités, causes à défendre dans un pays comme le Qatar où l’homosexualité est criminalisée et où l’égalité des genres n’est pas reconnue. Mais alors que Harry Kane, capitaine de l’Angleterre devait donc porter ce brassard en prenant le risque d’être mis à l’amende, ce n’était pas le cas pour notre chère Hugo Lloris. Ce 14 novembre, en conférence de presse, il déclaré ne pas porter ce brassard rejoignant alors l’avis du président de la FFF, Noël le Graët. La sanction est tombée et la FIFA remporte son duel. La FIFA expliquait qu’elle refusait voir des joueurs porter le brassard aux couleurs LGBTQ+ et comptait prendre des sanctions si jamais des joueurs allaient contre cette règle. Ce refus a finalement poussé les sélections à se ranger derrière la décision de la FIFA sans contester.

 

Une troisième étoile, peine perdue ?

En France, selon un sondage commandé par RTL, 23% des personnes s’intéressant habituellement au football déclarent ne vouloir regarder aucun match de la Coupe du Monde. Mais quelles sont maintenant les préoccupations des supporters qui comptent scruter leur télévision ?

Ce dimanche 20 novembre nous avons pu assister au match de lancement de cette 22e édition et, pour la première fois dans l’histoire de la Coupe du Monde, le pays hôte s’est incliné lors du match d’ouverture. Cette rencontre diffusée sur TF1 a réalisé une forte audience, le coup d’envoi donné à 17h a rassemblé 5,13 millions de spectateurs. A titre de comparaison, le match Russie – Arabie Saoudite qui avait lancé l’édition 2018 avait attiré 3,98 millions de fans. Mais alors, comment expliquer ceci sachant que les sondages indiquaient qu’un nombre important de français affirmaient vouloir boycotter cette Coupe du Monde ?

Maintenant, attardons nous sur notre Equipe de France qui joue ce 22 novembre contre l’Australie, équipe que l’on avait rencontré aussi en phase de groupes en 2018. Lors d’un match très serré, la France débutait ce Mondial par une victoire avec un but tardif. On espère un schéma similaire cette année, malgré des gros changements en Equipe de France entre temps.

Contraint par des évolution de joueurs, des blessures et des retours, Didier Deschamps a tenté plusieurs formules depuis la victoire en Russie. Dans le groupe actuel que Deschamps a annoncé le 9 novembre dernier, 11 champions du monde sont présents pour défendre leur titre dont Hugo Lloris, ainsi que Mbappé et Griezmann. Le groupe est donc plutôt expérimenté, mais ce n’est pas le cas forcément du milieu de terrain. Avec les forfaits de nos deux milieux : Paul Pogba et Ngolo Kanté, Tchouameni, notre ancien bordelais, avec seulement 14 matchs en équipe de France paraît comme une évidence aux côtés d’Adrien Rabiot.

Une chose est sûre, les Bleus évolueront à quatre derrière. La concurrence est rude. Varane, qui reste incertain et le forfait de dernière minute pour Kimpembe bouscule le système défensif. Ibrahima Konaté, le joueur de Liverpool, et Dayot Upamecano pourraient être une éventualité, une charnière centrale solide et complémentaire.

L’Équipe de France devra faire sans deux armes majeures en attaque après les blessures de Christopher Nkunku, meilleur joueur de Bundesliga pour la saison 2021-2022, et Karim Benzema. Autant pour l’Equipe de France, qui doit repenser toute sa structure offensive, que pour l’attaquant du club Merengue c’est une catastrophe.

Dans un esprit de revanche suite au dernier Euro et à l’élimination de nos Bleus face aux suisses en huitièmes de finale, l’ambition est claire. Mais la malédiction des vainqueurs ne doit pas rattraper nos tenant du titre face à des équipes en très bonne forme.

 

Crédits photo :  Hummelsport

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