D’abord sorti en salles aux États-Unis en septembre 2024, puis dans l’Hexagone ce mercredi 6 novembre, le long-métrage de la réalisatrice française Coralie Fargeat fait l’objet d’un engouement inédit. Retour sur la recette de ce film mêlant body horror et dénonciation féministe.
“Avec The Substance, vous pouvez générer une autre version de vous-même, plus jeune, plus belle, plus parfaite. Il suffit de partager le temps. Une semaine pour l’une, une semaine pour l’autre. Un équilibre parfait de sept jours. Facile n’est-ce pas ? Si vous respectez les instructions, qu’est ce qui pourrait mal tourner ?”
Voilà comment est résumée l’intrigue de The Substance. Le film suit Elizabeth Sparkle, star d’Hollywood qui fête ses 50 ans et voit sa carrière d’actrice s’éteindre à petit feu à cause de son âge, comme s’il s’agissait d’une date de péremption. Elle cède alors à la tentation et s’injecte un produit promettant d’offrir une seconde jeunesse : The Substance. Mais le rêve vire bientôt au cauchemar…
Primé meilleur scénario original au festival de Cannes 2024, le film a pu choquer certains spectateurs, notamment de par le body horror assumé jusqu’au bout. Ce sous-genre du film d’horreur se définit par des violations graphiques ou psychologiquement dérangeantes du corps humain (Frankenstein, The Thing, Alien…). L’évolution des effets spéciaux et des costumes permet un effet plus perturbant encore.
Body horror sans but ou messager d’une critique sociale ?
C’est justement cet aspect-là qui revient tout au long du film, faisant basculer les diktats lisses et sans bavures d’Hollywood en un bain de sang et de chair. Dès les premiers instants, le focus est mis sur les corps et l’importance de leur “beauté”, ce qui rend plus terrible encore les transformations physiques monstrueuses. Les standards d’esthétique sont irréalisables, arbitraires et surtout imposés par des hommes d’affaires extravagants. L’ironie est d’autant plus marquée que la mise en scène force l’écoeurement du spectateur à leur égard, tandis que les métamorphoses du corps attirent la pitié.
Car si le body horror est une forme qui sait attirer l’attention du spectateur, le fond n’en pâtit pas. Au contraire, elle le met plus encore en avant, et The Substance ne se réduit pas à un film d’horreur sanglant. Il porte en effet un message féministe savamment illustré sans jamais être explicité, et sans que cela ne soit nécessaire : celui de la beauté et de l’âge. Non, il ne s’agit pas de périssables qui, passé 50 ans, s’arrêtent, comme aime à le croire le supérieur de la protagoniste. Le principe même de la substance est imprégné de ce cliché : plus jeune devient ici synonyme de meilleur.
Des stéréotypes irréalistes à la dent dure
Ce sujet auparavant tabou, abordé dans le long-métrage par le prisme du monde du cinéma, concerne en réalité des clichés plus généraux, bien trop répandus et définitivement plus que jamais hors de propos. Le passage de la réalisatrice ce samedi 2 novembre sur le plateau télé de C L’Hebdo témoigne de la difficulté à dénicher une actrice capable de jouer ainsi avec son image et son âge, énième preuve que ces mentalités sont bien inscrites dans les esprits.
C’est finalement Demi Moore qui interprète brillamment Elizabeth Sparkle. Bombardée de critiques sur son apparence, celle-ci est bientôt poussée à transformer son corps, ce qui ne paraît pas si surréaliste que cela lorsqu’on voit l’usage de plus en plus important de la chirurgie esthétique pour masquer les marques du temps. Margaret Qualley joue quant à elle Sue, la version plus jeune d’Elizabeth. L’absence de personnages secondaires marquants concentre le regard sur les deux femmes et sur le message porté.
C’est entre autres cette volonté d’acceptation de soi qui nourrit les louanges du film. Illustré par une scénographie irréprochable inspirée notamment par Stanley Kubrick (Shining, Orange Mécanique, 2001 : l’Odyssée de l’Espace) ou d’autres films comme Le Bossu de Notre-Dame et accompagné d’une bande-son puissante, The Substance sait marquer les esprits. Il fait un démarrage sur les chapeaux de roue dans les salles tant en France qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, ses 3 pays de production. Une chose est sûre, ce film sait marquer ses spectateurs avertis et assure de beaux jours à venir au cinéma français en s’extirpant des clichés barbants des films primés au Festival de Cannes.
Romain Vallat
Crédit photo : affiche promotionnelle https://cuttothetake.com/review-the-substance/
Étudiant en L3 info-comm/anglais après une (longue) prépa lettres, j’ai pour objectif de devenir à terme journaliste. Passionné de cinéma, de photo, de chats, de littérature, de politique, de fromage ou encore de sport, je mange des cartes graphiques à mes heures perdues.
Ah, et je suis littéralement Spider-Man, Batman et Ryan Gosling (les 3 à la fois).
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