La précarité menstruelle n’est que trop peu abordée. Règles, tampons, serviettes, sang sont des mots qui font peur et que nous retrouvons peu au centre du débat politique. La « taxe tampon » imposée par l’Union Européenne fait polémique depuis bien des années. Abolition, amendement ou conservation, les pays font leur choix.
Taxe Rose
1993. L’Union Européenne impose à tous ses pays membres d’appliquer un taux de TVA de 5% minimum sur les protections périodiques des femmes, vulgairement appelée la « taxe tampon ». La commission assigne un taux limite à 20%, le taux dit normal. Les produits taxés sont jugés non-essentiels au même titre qu’une mousse à raser pour un homme, par exemple. Les mouvements de révolte des groupes féministes ne se sont pas fait attendre. En 2007, l’Union Européenne autorise la modification de ce taux. La Hongrie et le Danemark le font s’envoler entre 25 et 27% par exemple.
Les règles de la femme et leurs tabous infondés ne datent pas d’hier. La sphère médiatique les rend mystérieuses et ne montre jamais leur vraie réalité. Elles sont bleues à la télévision, roses selon le ministère des finances mais jamais rouges. Taire ce sujet qui concerne plus de la moitié de la population mondiale est un véritable paradoxe. Une femme débourse en moyenne 80€ par an pour subvenir à ses besoins intimes. Dédier une dizaine d’euros à des protections périodiques devient un gros budget pour les plus précaires. Les tampons prennent la voie du luxe…
Elina Dumont, ancienne SDF, témoigne pour Libération ; « devoir prendre du vieux papier journal comme protection hygiénique certains mois parce que je n’avais pas assez d’argent pour m’acheter des serviettes ». Elle demande au gouvernement français d’abaisser la taxe à zéro et ainsi faire valoir pleinement les droits des femmes. Elina est indignée du retard pris par son pays qu’elle rappelle être « la sixième puissance du monde ». À ce jour, la précarité menstruelle touche 1,7 millions de femmes en France.
En France, le mouvement féministe Georges Sand lance une offensive auprès de l’Etat en exigeant un amendement de la loi sur la « taxe rose ». L’objectif est d’obtenir une réduction du taux normal de 20% à un taux réduit de 5,5%. Demande qui sera acceptée. Manuel Valls, ancien Premier ministre, semble avoir défendu ce projet tout en exprimant son inquiétude pour combler ce « trou » dans le budget des finances publiques. 55 millions d’euros de perte, Michel Sapin, ancien ministre des Finances prévient qu’ « il faudra que cette baisse de TVA soit répercutée sur les prix ».
« Avoir ses règles, ce n’est pas optionnel. » Collectif Georges Sand
Royaume-Uni, bon élève
En juin 2016, le Premier ministre britannique David Cameron annonce un referendum sur le maintien de son pays dans l’Union Européenne. Deux ans plus tard, après de longues négociations, le Royaume-Uni sort de l’entente. Une période de transition se met en place, période qui durera jusqu’au 31 janvier 2020. A cette date, le pays n’est plus tenu par les lois de l’UE et décide de supprimer la « taxe tampon », véritable argument en faveur du Brexit. La mesure est entrée en vigueur ce vendredi 1er janvier 2021.
Sujet de discorde oui, mais sujet politique. Le Royaume-Uni a décidé de faire primer la santé des femmes au détriment du budget des finances publiques. La sortie officielle de l’Union Européenne lui a permis de réaliser cette promesse faite en 2015. La « taxe tampon » a été introduite dans le pays en 1973, et appliquée au taux de 17,5% à partir de 1991. En 2000, le gouvernement l’abaisse à 5%. Dans l’impossibilité d’amener ce taux à zéro, des alternatives avaient été mises en place : distribution gratuite des protections intimes dans les écoles, universités, hôpitaux.
« Je suis fier que nous tenions aujourd’hui notre promesse de supprimer la taxe sur les tampons. Les produits hygiéniques sont essentiels, il est donc normal de ne pas facturer la TVA » Extrait du communiqué de Rishi Sunak, ministre des Finances.
Leur voisin écossais a, quant à lui, été le premier à supprimer cette taxe en faveur des étudiantes puis pour toutes les femmes du pays. De nombreux groupes féministes estiment que la France devrait faire de même. Le gouvernement français rappelle qu’il est tenu de respecter les lois imposées par l’Union Européenne et a fortiori de conserver la « taxe tampon ». Seule une réduction à 2,1% est possible. Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, et Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’Egalité femmes hommes promettent, en 2021, 5 millions d’euros dédiés à la précarité menstruelle.
28 mai 2018, journée mondiale de l’hygiène menstruelle, Marlène Schiappa, ancienne Secrétaire d’Etat chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes : « Oui, les règles des femmes doivent devenir des sujets de politiques publiques […] levons le tabou avec le @gouvernementFR! »
Le pouvoir politique prend peu à peu conscience de ce problème de santé publique mais la tâche à accomplir reste immense.
Camille Juanicotena
Crédits photos : Reporters – Vice.com
Étudiante en M1 Nouvelles Pratiques Journalistiques à Lyon 2, mon but est de devenir journaliste. J’écris sur tout ce qui m’intéresse de la politique à la télé. Tout sujet est bon à traiter.