Depuis des décennies, nombreux sont les jeunes des Outre-Mer qui quittent le cocon familial pour les études. On estime qu’un antillais sur quatre et un réunionnais sur sept vit en France hexagonale, et pourtant plus de la majorité d’entre eux survit dans la précarité une fois arrivée, se voyant refuser la bourse. Jadis et jusqu’à aujourd’hui aucune disposition concrète ne voit le jour pour venir en aide à ces jeunes.
La vidéo virale d’une étudiante d’outre-mer met en lumière les conditions de vie des étudiants
Le mardi 1er Novembre 2022, Maëlle, étudiante en 4ème année à Science Po, originaire de Mayotte, poste via son compte TikTok une vidéo. Elle y explique, en colère et en larmes, qu’elle a vu sa bourse baisser drastiquement depuis quatre ans, ne lui laissant aujourd’hui que 100 € par mois pour vivre. Une décision jugée injuste, puisque le montant de sa bourse est calculé en partie selon la situation de ses parents vivant dans les Départements d’Outre-Mer (DOM), elle déclarait «mes parents habitent à Mayotte, donc ils ont un salaire plus élevé ». Beaucoup d’étudiants ultramarins se voient refuser la bourse pour les mêmes raisons. Son père est au chômage et si les revenus de sa mère ont augmenté, c’est uniquement pour payer les courses onéreuses sur l’île. Maëlle pointe du doigt le système boursier qui selon elle est très injuste, et ne réagit pas face à la situation. Sa vidéo cumule plus de 8 millions de vues, elle se veut populaire parce que pleins d’autres étudiants (anciens comme nouveaux) se sont reconnus dans cette vidéo. L’étudiante déclare que plusieurs jeunes l’ont contactée car ils sont dans la même situation, certains ont même arrêté les études pour des raisons financières insuffisantes.
Pour pallier sa précarité, l’étudiante travaille plus de 20 heures par semaine depuis sa deuxième année, en plus de ses études et de projets professionnels. Elle déclarait lors d’une interview pour Brut : « On est en France, un pays où, normalement, on prône que tout le monde peut s’éduquer, que c’est possible, mais ce n’est pas vrai. Et surtout, j’ai envie que le débat sur les revenus des étudiants soit sur la place publique, qu’on en parle, qu’on fasse quelque chose, qu’on se bouge, qu’on informe tout le monde ».
La ministre de l’Enseignement supérieur s’est attelée à réagir sur une vidéo le 2 Novembre 2022 et où elle déclarait de contacter le Crous dont leurs missions incombent aux difficultés financières. Cependant, ce discours est jugé très généraliste et incohérent puisque l’étudiante a posté sa vidéo suite à l’inaction du Crous. Aujourd’hui encore, nombreux sont les étudiants originaires des DOM ne peuvent pas jouir de la bourse sous prétexte que les revenus de leurs parents sont jugés élevés, pourtant ces mêmes parents peinent à aider leur enfant à l’autre bout de l’océan.
La bourse est calculée en fonction des ressources de la famille telles qu’elles sont indiquées sur la déclaration fiscale, la composition du foyer et la distance qui sépare le domicile familial du lieu d’études sont également des critères pris en compte pour calculer l’échelon. Pourtant, aujourd’hui encore, nombreux sont les étudiants originaires des DOM qui ne peuvent pas jouir de la bourse sous prétexte que les revenus de leurs parents sont jugés élevés, et ce même s’ils font leurs études à plus de 8000 km de chez eux, ces mêmes parents peinent malheureusement à aider leur enfant à l’autre bout de l’océan.
Flambée des prix des billets d’avion et précarité étudiante : comme l’eau et l’huile
A la mi-octobre c’est la douche froide : vient alors s’ajouter à l’équation la flambée des billets d’avion atteignant un paroxysme qui vient confirmer la situation inconfortable que vivent ces étudiants.
C’est le moment de regarder les prix des billets pour rentrer à la maison passer les fêtes en famille, et là c’est le désarroi, les prix se voient très excessifs, on parle de billets à plus de 1000 €. En un an, les billets d’avion ont vu leur prix croître intensément. On parle d’une hausse pouvant atteindre jusqu’à plus de 30% pour les voyages en direction des Outre-Mers. Et quand les billets deviennent onéreux, rentrer chez soi pour passer les fêtes en famille devient un cas épineux quand on est étudiant.
Les réactions fusent de partout sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui témoignent ne pas pouvoir rentrer à la vue des prix, d’autres disent regretter être partis de chez eux, les médias locaux en parlent sans omettre de dire que cette situation risque d’en empêcher plus d’un de revenir. Ceux qui disent rentrer sont traités de riches et de bourgeois.
Entre tristesse, colère, déprime et mélancolie une inégalité pèse entre les étudiants ultramarins et les étudiants de la France hexagonale, les uns pourront rentrer respectivement chez leur famille, les autres seront obligés de passer les fêtes loin des leurs à plus de 8000 km.
Ce n’est pas la première fois que les étudiants ultramarins se sentent mis de côté par les grandes institutions, tel que le gouvernement, puisque les étudiants corses peuvent jouir d’un « tarif résident corse » instauré depuis le 25 Mars 2020, il suffit de fournir le dernier avis d’imposition sur le revenu d’un des parents (ou de l’étudiant lui-même) avec une domiciliation fiscale en Corse.
N’est-il pas possible de fixer une aide similaire pour les étudiants à destination des Outre-Mer ?
Quand les élus locaux décident de lever le pied
À la suite de la vague des contestations sur la situation des étudiants des DOM, que ce soit au niveau de la forte hausse des prix des billets d’avion ou les critères de calcul de la bourse pour ceux-ci, les élus locaux notamment ceux de la Martinique et de la Guadeloupe ont rédigé respectivement un courrier adressé au gouvernement.
Serge Letchimy (ancien président de la collectivité de la Martinique ) interpelle dans son courrier la Première ministre E. BORNE sur l’augmentation alarmante des billets d’avion. En effet, cette croissance pénalise de manière disproportionnée la population. Il propose donc la mise en place d’un plan de stabilisation sur six mois des tarifs des billets d’avion, en garantissant que ces derniers, en classe économique, ne dépassent pas le montant de 500€.
Quant à Elie Califer (député de la Guadeloupe), il écrit au Ministre délégué chargé des Outre-Mer J-F CARENCO, à la suite des nombreuses interpellations des Guadeloupéens concernant l’augmentation excessive des billets d’avion. Le député propose la mise en place d’un système d’un tarif résident à l’instar de la Corse et préconise des réunions pour en discuter.
La Première Ministre et le Ministre chargé des Outre-Mer n’ont tardé à répondre en déclarant qu’une réunion concernant la situation des étudiants ultramarins devrait très vite être mise en place. Aucune disposition n’a à ce jour été mise en place. Cette réponse n’était-elle que du vent ?
Combien de temps encore le gouvernement fermera ses yeux face à la situation des étudiants ultramarins ? Pendant encore combien de temps le gouvernement ne prendra-t-il pas au sérieux les secours à l’aide des étudiants ultramarins ?
Crédit photo : ©ULiège / SchoolMouv
Étudiante en Information-Communication, originaire de la petite île papillon qu’est la Guadeloupe, j’aspire à être journaliste grand reporter spécialisé dans les conflits géopolitiques en Amérique Latine. Courageuse et intrépide, le monde du fameux Pablo Escobar n’a qu’à bien se tenir