Le Portugal est parvenu, vendredi 20 septembre, à maîtriser les feux de forêt qui ont ravagé le nord et le centre du pays durant cinq jours. Le district d’Aveiro est la zone la plus touchée. Ces feux de forêts ont coûté la vie à cinq personnes dont 3 pompiers et blessant une centaine d’autres. Quelque 100 000 hectares de végétation sont partis en fumée.
« Toutes les situations qui étaient encore actives hier et aujourd’hui à l’aube ont été dominées », a déclaré le commandant national de la protection civile, André Fernandes, le 20 septembre. La chute des températures et l’arrivée de précipitations a permis au Portugal d’arriver à bout des méga feux de forêt, même si la vigilance reste toujours de mise au cas où les incendies repartiraient de nouveau. Jeudi 19 septembre, au soir, deux incendies importants étaient encore actifs au Portugal, mais les pompiers avaient bon espoir de les dominer le lendemain. André Fernandes a prévenu que des averses plus fortes risquaient de provoquer dans les prochains jours des glissements de terrain dans les zones affectées par les incendies.
Un millier de départs de feu
Depuis le samedi 14 septembre, les pompiers ont dû faire face à plus d’un millier de départs de feu, attisés par la chaleur étouffante et les vents violents qui s’étaient abattu sur le Portugal. 4 jours après le début des incendies, la situation était devenue très tendue pour les pompiers qui devaient faire face à une cinquantaine de feux actifs dont 20 hors de contrôle. Des évacuations ont dû avoir lieu car le feu progressait beaucoup trop vite et menaçait des villages avoisinants. Selon le bilan dressé vendredi 20 septembre, les incendies ont causé la mort de cinq personnes, dont quatre pompiers, et une centaine de blessés, dont 14 graves. Le gouvernement a décrété une journée de deuil national et a remercié la France, l’Espagne, l’Italie et le Maroc pour leur renfort en avions bombardiers d’eau, suite à son appel à l’aide.
La région d’Aveiro a été particulièrement touchée par les feux. Quatre foyers ont atteint un périmètre d’une centaine de kilomètres. Environ 20 000 hectares de végétation ont brûlé uniquement dans ce district, selon une estimation fournie par l’observatoire européen Copernicus. 600 pompiers étaient mobilisés pour cette seule région qui inquiétait le plus les autorités.
La surface brûlée s’élève à 94 000 hectares, soit dix fois plus que durant tout le reste de l’été, selon une estimation provisoire du ministère de l’Intérieur. Le Portugal avait jusqu’ici connu un été relativement calme sur le front des incendies. Une surface de 10 300 hectares avait brûlé jusqu’à fin août, soit un tiers de celle de 2023 et sept fois moins que la moyenne des dix dernières années. Il aura fallu à peine 3 jours pour que les incendies de septembre dépassent la surface brûlée de cet été.
Nord du Portugal le 16/09/2024
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Le Portugal face à ses difficultés en matière de protection et de lutte des incendies
Le bilan de ces méga feux est lourd pour le pays et alors même que les feux n’étaient pas encore maîtrisés, les incendies de septembre 2024 sont considérés comme les pires depuis les feux de forêts tragiques de 2017 où près de 115 personnes avaient péries.
Le Portugal, qui est pourtant trop bien habitué à ce type de catastrophes, a fauté en matière de protections et de lutte. De nombreuses plaintes se sont élevées pendant et après les incendies, dénonçant le manque de moyens pour lutter efficacement contre les flammes. Certains maires des communes les plus touchées ont par exemple dénoncé un manque criant de ressources pour faire face au brasier comme un manque de pompiers sur place ou un manque de moyens par les airs. Le président de la ligue des pompiers s’est défendu en mettant en cause le manque de coordination du commandement de la protection civile qui aurait dû renforcer les zones susceptibles de s’enflammer.
Les multiples raisons de ce désastre
Le manque d’investissement dans l’entretien des forêts et la protection de celles-ci et de la population aux alentours sont aussi une énorme faute des autorités portugaises. Le gouvernement portugais avait pourtant promis la mise en place de nouvelles mesures servant à éviter que les méga feux dévastateurs de 2017 ne se reproduisent. Une loi qui existait déjà sur le débroussaillage avait été remise au goût du jour et obligeait les propriétaires à défricher leurs espaces boisés et de couper les arbres dans un rayon de 50 mètres autour des habitations, routes et usines. Mais ces règles ont été trop peu respectées et l’abandon des forêts dans certaines régions, faute de moyens les entretenir, n’ont en aucun cas empêché la propagation de grande ampleur des incendies.
Le réchauffement climatique est évidemment une des raisons de ce désastre car les scientifiques considèrent que les canicules et les sécheresses favorisent de plus en plus les départs de feux. Mais, dès le début des incendies, les circonstances des départs de feux laissaient penser à une activité criminelle, puisqu’ils se sont tous déclenchés durant la nuit et que les foyers étaient assez dispersés. Alors même que les feux étaient encore en cours, Luis Montenegro, le premier ministre portugais promettait “des actions répressives” contre de tels crimes sans apporter plus de précisions. 14 personnes ont été depuis arrêtées par la police portugaise car suspectées d’avoir mis le feu volontairement. Plusieurs pistes sont privilégiées pour expliquer le geste des personnes arrêtées, notamment des intérêts économiques, comme l’achat de bois brûlé ou de terrains à moindre prix, ou « des problèmes de santé mentale », avance le chercheur et criminologue André Inacio.
Une étude de cas intitulée « Incendies de forêt au Portugal en 2017 », réalisée par plusieurs auteurs, dont le centre commun de recherche de la Commission européenne, a montré que les incendies criminels représentaient près de 36 % des incendies mortels en octobre 2017, soit à peu près la même proportion que l’utilisation négligente du feu. »
Si le calme est revenu sur le pays ibérique, nul doute que la saison estivale prochaine risque d’être aussi calamiteuse que fut cette fin de septembre 2024. Mais la colère des Portugais face à l’inaction de leur gouvernement va peut-être pousser à la fin de ces cycles de catastrophes estivales.
En conséquence de l’orientation des vents de sud, sud-ouest, les panaches de fumée dégagés par les incendies se dirigent vers la France, principalement sur la côte Atlantique et la Bretagne, dès vendredi 20 septembre. Une légère odeur de brûlé, ainsi qu’un voile dans le ciel voire quelques résidus de cendre sont à prévoir en France. Le service Copernicus pour la surveillance de l’atmosphère (CAMS) alerte sur la toxicité de ces nuages de particules. La dégradation de la qualité de l’air dans le nord du Portugal, attendue pour les prochains jours, pourrait avoir des répercussions sur la qualité de l’air en France. Ces feux de forêt ont entraîné la plus forte quantité d’émissions estimées pour le mois de septembre, y compris le carbone et les polluants nocifs, au cours des 22 ans d’observation effectuées par le CAMS.
Lily Rey et Léa Patrocinio
Crédits photo : Pexels.com, carte : © fogos.pt
Étudiante en L3 Sciences de l’information et de la communication, je suis passionnée d’histoire et de géopolitique. Je m’intéresse un peu à tout, que ce soit au sport, à l’art ou à l’écologie. J’ai pour ambition d’intégrer une école de journalisme l’année prochaine, pour devenir journaliste politique ou journaliste police-justice. Contact : lilyrey@orange.fr