Ce jeudi 19 janvier, les opposants péruviens de Dina Boluarte se sont rassemblé dans les rues de la capitale, Lima, pour faire entendre leurs voix. Des protestations qui durent depuis décembre dernier sans trouver de réponses concrètes de la part du gouvernement.
Les exigences des Péruviens
L’appel général à l’opposition et à la grève a été donné lundi 16 janvier par la confédération générale des travailleurs du Pérou (CGTP). Depuis, des milliers de manifestants venant notamment des régions de Cusco et de Puno au sud se déplacent vers Lima. Bien que l’aéroport de Cusco ait rouvert, ce sont des centaines de routes qui sont encore bloquées, attestant de l’ampleur du mouvement dans une grande partie du pays.
Mais que revendique la population ? Depuis le 7 décembre, la colère monte. L’ex-président Pedro Castillo, qui appartient au parti socialiste Pérou libre, avait été destitué à la suite d’une accusation de coup d’État. Il avait tenté de faire dissoudre le Parlement dominé par les partis de droite, afin d’empêcher une motion de destitution à son encontre. C’est donc sa vice-présidente, Dina Boluarte, qui a pris la tête du pays depuis cet incident.
Ce nouveau régime ne convient pas à une grande partie de la population. La plupart des protestataires sont des paysans indigènes venant des régions les plus pauvres. Ces électeurs de gauche voyaient en Pedro Castillo un président issu du peuple qui permettait aux Noirs et aux Andins largement discriminés de se sentir représentés. Dina Boluarte est donc perçue comme une traîtresse du Pérou libre qui ne tient qu’à préserver son intérêt personnel. Les accusations fusent depuis le début du mouvement, comme l’indique le slogan amplement repris lors des marches « Dina assassin, Dina traîtresse ».
Concrètement, le peuple ne reconnaît pas la légitimité de la Présidente et demande sa démission, ainsi que la dissolution du Congrès et l’organisation de nouvelles élections démocratiques.
Les répressions du gouvernement ne font qu’accentuer la colère
La capitale se prépare cette semaine à accueillir une vague de contestations et n’hésite pas à mettre en place des moyens policiers et militaires importants. En effet, l’état d’urgence décrété dimanche dernier autorise l’armée à intervenir auprès de la police sur une période de trente jours.
Mais ce dispositif ne suffit pas à calmer la colère des manifestants. Il implique la suspension de droits constitutionnels tels que la liberté de circulation et de réunion. Dans toutes les régions où il est en vigueur, les rassemblements continuent malgré tout. En plus des revendications politiques, le peuple s’indigne de la manière dont ont été réprimées les manifestations depuis décembre. Les sanctions de la police péruvienne ont déjà fait 43 morts, dont une femme mercredi dernier à Macusani, dans le sud du pays.
Certains manifestants brandissent des drapeaux du Pérou teintés de noir et de blanc en hommage aux victimes. Une enquête pour « génocide » a été ouverte à l’encontre de la présidente Dina Boluarte ainsi que du président du Conseil des ministres et de deux autres ministres. L’enquête a été lancée le 11 janvier par la procureure de l’État Patricia Benavides suite au constat du nombre de manifestants tués depuis décembre.
Un peuple exaspéré par une crise politique sans fin
La colère et la fatigue des Péruviens ne sont pas nouvelles. Elles sont le résultat de dizaines d’années de gouvernance instable et corrompue dans le pays. La population accuse les grands groupes privés de profiter des richesses du territoire, notamment du pétrole. Ces grandes entreprises bénéficient de concessions, c’est-à-dire d’exclusivités de vente et d’exploitation grâce au gouvernement. Or, le programme de Pedro Castillo s’opposait à ces concessions. Certains membres de la CGTP pensent alors que l’éviction de l’ex-président a été permise par des membres du Parlement corrompus par ces groupes.
La succession incessante de chefs d’État de tous les bords politiques rend également difficile la stabilité du système péruvien. Cinq présidents se sont succédé en six ans, promettant l’un après l’autre des solutions à la pauvreté et à la corruption. 30 % de la population se situe toujours en dessous du seuil de pauvreté. La crise du COVID-19 a fait chuter le PIB de 11 % et a laissé de fortes répercussions sur le secteur du tourisme qui est une part importante de l’économie du pays. Les classes les plus pauvres ne supportent donc plus de voir le gouvernement s’enrichir sans apporter plus de solutions à la question des richesses.
Et pour cause, une nette distinction se creuse entre la présidence et le Parlement. Tout comme pour le Pérou libre de Castillo et Boluarte, le parti présidentiel est rarement celui qui détient la majorité au Parlement. Ainsi, les décisions du président sont bloquées par les députés qui empêchent toute tentative de réforme. Difficile donc de répondre aux demandes du peuple.
La crise politique au Pérou ne semble pas arriver à son terme. Les pays voisins commencent à y prendre part, chacun affirmant leur penchant politique. La légitimité de la nouvelle présidente a été reconnue par le Brésil et le Chili, tandis que le Mexique, l’Argentine ou encore la Bolivie condamnent cette élection.
Malgré les appels à la grève incessants, Dina Boluarte ne semble pas se résoudre à la démission. Elle estime qu’abandonner son pays dans un contexte aussi difficile reviendrait à « ouvrir la porte à l’anarchie ». Elle a tout de même proposé une avancée des prochaines élections à 2024 au lieu de 2026.
Crédits photos : World Economic Forum via Flickr
Étudiante en L2 information-communication et, avec un peu de chance, future journaliste. J’écris pour le plaisir, alors pourquoi pas le faire aussi pour Pop-Up !