Municipales 2020 : le féminisme enjeu majeur des élections

A l’aube des élections municipales et alors que le 8 mars dernier avait lieu la Journée internationale des droits des femmes, Pop-Up dresse le bilan de l’accession des femmes à la mairie.

 

Elles n’ont jamais été autant à vouloir accéder au fauteuil de maire : 23 % des têtes de liste qui vont briguer la mairie au premier tour des municipales dans les communes de plus de 1000 habitants sont des femmes. Si l’avancée est réelle depuis les dernières élections où elles peinaient à atteindre les 16 %, il semble pourtant difficile de se réjouir tant la dominance masculine se fait ressentir.

Depuis les lois de juillet et mai 2013, pour permettre un partage plus équitable du pouvoir, une obligation de parité est instaurée, respectant une alternance homme/femme, dans les listes des communes de 1 000 habitants et plus. Néanmoins, l’association « Osez le féminisme » souligne que cette obligation est loin d’être établie et que la part féminine au sein des communes reste bien souvent secondaire. Ainsi, si elles étaient environ 16 % à la mairie en 2019, elles sont d’avantage présentes comme adjointe (29 %) et conseillère municipale (40 %). Plus encore, elles seraient souvent affectées à des postes liés à l’enfance ou au scolaire tandis que les hommes sont rattachés à des secteurs tels que l’urbanisme ou les finances.

Dans les communes avec une population inférieure à 1000 habitants, le constat est tout aussi triste : seules 38 % des candidats sont des femmes. Pour le politologue et directeur de recherche à Sciences Po Paris, Martial Foucault, il faudrait sanctionner les partis politiques qui ne respectent pas les règles. L’analyse des six plus grands partis dans les 10 plus grandes villes délivre d’ailleurs un constat sans appel : 29 % des têtes de liste sont des femmes, les mauvais élèves sont le Rassemblement National 10 % et Europe Ecologie 20 %, LREM et les LR sont à 30 % tandis que La France insoumise et le PS sont à 40 %.

 

La politique imprégnée par le sexisme

Il semble donc encore difficile pour la gent féminine de se frayer un chemin dans les plus hautes sphères de l’échiquier politique, mais même une fois atteint, le parcours du combattant perdure. Le sexisme semble, en effet, faire partie prenante des mandats politiques. C’est en tout cas ce que dévoile une tribune du Parisien, le 7 mars dernier dans laquelle des femmes occupant actuellement un mandat dénoncent les violences dont elles sont victimes. Le texte lancé par le réseau EluesLocales recueille les signatures de près de cent têtes de listes.

De même, à la veille des élections, une enquête intitulée #EntenduALaMairie menée conjointement par ElueLocales et NousToutes en mai 2019 révèle que sur 350 élues questionnées, 72 % ont déjà été victimes de sexisme, d’incivilités voire d’agressions. Loin d’être immunisées par leur statut d’élues, les remarques déplacées, les interruptions en Conseil municipal sont autant d’attaques sexistes qui minent encore les instances politiques. Christelle Maurin candidate à la commune de 5 000 habitants Marcheprime en Gironde raconte les difficultés de s’intégrer dans un milieu très masculin : « Forcément, une femme n’a pas les compétences pour porter un projet technique ou financier. Et puis, soit on nous ignore, soit on regarde nos courbes », avant de poursuivre « j’entends dire que je ne serai pas une maire compétente, pas dispo, voir indisposée ». Etonnamment, Martine Vassal également candidate à Marseille sous l’étiquette LR révèle que le sexisme est encore plus présent en politique que chez les électeurs. « Il y a plus de sexisme émanant de camarades élus que de l’électorat ».

 

Régulièrement, les attaques visent également à rendre illégitimes les candidates, preuve en est avec la tête de liste UDI à Aubervilliers Karine Franclet, victime en 2015 de critiques pendant les élections régionales. « On disait que j’avais obtenu ma place car j’avais couché.». Il y a donc un travail de fond à constituer au sein même des institutions.

 

Des motifs d’espoir ?

Ce dimanche 15 mars, les 791 324 électeurs appelés aux urnes pourront malgré le déséquilibre important, nommer des femmes à la tête de leurs villes, si les programmes les convainquent. D’ailleurs certaines ont réussi à s’imposer dans quelques-unes des plus grandes métropoles françaises. A Paris par exemple, le trio de tête des intentions de vote sera 100 % féminin avec une opposition entre la maire sortante Anne Hidalgo, membre du Parti socialiste, Rachida Dati, membre des Républicains, et soutenue par l’ancien Président Nicolas Sarkozy, et Agnès Buzyn pour La République En Marche, fraîchement débarquée après les déboires de Benjamin Griveaux. A Lille également, la candidature de Martine Aubry pour un quatrième mandat socialiste place les femmes au centre des débats et il en va de même à Nantes, sixième ville de France où l’entièreté des têtes de liste sont des femmes : Julie Laernoes (EELV), la maire sortante Johanna Rolland (PS), Laurence Garnier (LR) et Valérie Oppelt (LREM)

Bordeaux en revanche fait figure d’exception avec seule une candidate, Fanny Quandalle pour Lutte ouvrière. Reste donc à espérer, que la succession des mouvements féministes parvienne à changer les mentalités et conduise à réduire la prééminence masculine en politique. Nul doute également qu’étendre la législation sur la parité aux communes inférieures à 1000 habitants serait un grand pas à l’image notamment de l’Occitanie qui compte 85 % de maires masculins.

 

 

Kylian Prevost

Crédit photo : Reuters

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