Jeudi 13 janvier dernier, lors du Congrès de la Conférence des Présidents d’Universités, Emmanuel Macron a partagé sa vision du système universitaire français. Le président souhaiterait réformer le modèle actuel en se dirigeant vers des universités payantes. Retour sur cette réflexion pour le moins contestée…
Les mots de Macron : un système actuel « révolu »
Jeudi dernier, les 50 ans du Congrès de la Conférence des Présidents d’Universités ont donné l’occasion au président Macron de prendre parole. Au cours de son discours d’environ une heure, il a notamment fait état des lieux du système universitaire français. Selon lui, ce modèle est révolu. En cause, le double fonctionnement entre grandes écoles et universités – l’un consacré à la « formation des élites », l’autre servant la « démocratisation de l’enseignement et la gestion des masses ». Le problème se pose d’après lui du côté de ces universités, où les investissements publics semblent ne pas porter leurs fruits : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont considérés comme boursiers et où pourtant nous avons tant de précarité étudiante, et une difficulté à financer un modèle beaucoup plus financé par l’argent public que partout dans le monde. » A ces paroles, la réflexion du président a rapidement été cernée vers un enjeu précis, et les mots « universités payantes » n’ont pas tardé à faire écho dans la sphère médiatique. Car si le modèle de financement de l’enseignement public supérieur pose problème, en faire payer les frais aux étudiants s’envisage rapidement comme la première option. Une solution qui paraît paradoxale alors que les difficultés financières des étudiants sont régulièrement au centre des regards.
En effet, même si la résolution de ces problèmes budgétaires évolue peu à peu depuis 2016, la crise pandémique a vu les conditions de vie étudiantes rechuter de façon vertigineuse. En 2020, une enquête de l’Observatoire National de la Vie Étudiante a notamment indiqué que plus d’un étudiant sur deux rencontrait des soucis budgétaires au point de ne pas suffisamment se nourrir. Les démarches solidaires se sont bien multipliées – repas boursiers à 1€, initiatives associatives, paniers solidaires – mais n’ont pas suffit à contrebalancer le poids des difficultés financières chez certains étudiants. Alors sur quelle alternative compterait le président pour mettre en place une « transformation systémique » des universités sans faire sombrer davantage les principaux concernés ? A trois mois des élections présidentielles, Macron s’est félicité – lui et le Congrès – d’avoir commencé à « colmater les brèches », mais il évoque aussi le futur. A l’intention des Présidents d’Universités, il explique : « […] nous devons redoubler d’efforts pour que, à l’horizon de dix ans, notre université soit plus forte. ». Le probable candidat à sa réélection considère en outre que les universités « doivent être les piliers de l’excellence ». Alors qu’avril 2022 approche, on comprend assurément que Macron tente de développer ses idées sur des projets à long terme. Mais la crainte des étudiants de voir l’enseignement supérieur devenir intégralement payant a dépassé ses déclarations, et les projets de ce dernier ont vivement secoué l’opposition.
Des contestations de toutes parts
A la connaissance de cette nouvelle, les réactions n’ont pas tardé à se faire ressentir. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses contestations ont émergé face à l’idée de rendre les universités payantes. Les valeurs démocratiques d’un système universitaire public ont notamment été défendues. Un questionnement s’est ajouté à ces contestations : quel est le sens de la réforme systémique des universités voulue par Macron ? Serait-ce une solution à adopter ? Chez la majorité, la réponse est assurément « non ». Dans ce sens, les prises de position sur Twitter ont été nombreuses. « Universités Payantes : Rien que ça!!. Cela les rendra inaccessibles aux classes modestes. C’est cela que nous voulons ? » écrit un certain @Denis_Compingt. D’autres internautes ont déclaré cette idée « inadmissible » ou encore « inacceptable ».
Du côté des syndicats étudiants, la colère se fait ressentir. La présidente de L’Union Nationale des Etudiants de France, Mélanie Luce, est intervenue sur RTL. Elle estime que le président souhaite «construire une université qui évince les étudiants pauvres». Ce serait donc une injustice de son point de vue et de celui de la majeure partie des citoyens ayant réagi au discours de Macron. Si l’incompréhension se ressent chez eux, c’est davantage un sentiment d’opportunité qui anime l’opposition politique du président.
En effet, en pleine période de campagne présidentielle, les différents candidats à l’élection se sont empressés de partager leur position sur le sujet. Fabien Roussel, représentant du Parti Communiste Français, a écrit sur l’oiseau bleu et qualifié la vision d’Emmanuel Macron d’être « complètement à côté de la plaque ». A l’antenne d’Europe 1, Valérie Pécresse (Les Républicains) a, elle, déclaré : « Parler de la hausse des frais d’inscription pour les familles qui sont aujourd’hui en vraie problématique de pouvoir d’achat, alors même qu’il y a un désengagement aussi fort de l’État pour l’université, pour moi c’est de la provocation ». Le candidat d’Europe Ecologie les Verts, Yannick Jadot, s’est quant à lui exprimé sur RTL : « C’est choquant, l’éducation est au cœur d’une société de l’intelligence, de la solidarité et de l’épanouissement et de l’émancipation, comme l’hôpital ça doit rester gratuit ». Ainsi, que ce soit du côté droite ou gauche de l’échiquier politique, les candidats se sont largement opposés à l’idée d’un système universitaire payant.
Un enjeu loin d’être nouveau
Si les débats autour de la gratuité des universités se sont animés la semaine dernière, ils ne sont pour autant pas inédits. De fait, l’accès à l’enseignement supérieur est un enjeu qui pose question depuis des décennies. Dès 1947, le préambule de la Constitution stipule que « La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. » (alinéa 13). D’après ce texte, la gratuité des universités s’impose comme un devoir de l’État. Ainsi, à cette époque, la nécessité de poser les fondements de l’accès à l’enseignement supérieur semblait déjà prendre son importance. Mais ces dernières années, ce principe de quasi-gratuité a eu besoin d’être ré-ancré pour éviter tout ébranlement. En effet, 4 ans avant le récent discours de Macron, la Cour des Comptes souhaitait déjà augmenter les frais universitaires de façon considérable. En cause, un manque de financement des établissements universitaires. Les syndicats étudiants s’étaient alors mobilisés si bien qu’en 2019, le principe de gratuité des universités a été acté par le Conseil Constitutionnel. Un soulagement pour les étudiants. Cette décision met en exergue à quel point la gratuité des universités est une idée forte en France. D’une part inscrit dans le préambule de la Constitution, d’autre part acté par le Conseil Constitutionnel, la gratuité de l’enseignement supérieur public semble ainsi se révéler comme un pilier de la démocratie.
Alors dans ce contexte juridique et sociétal, le projet de réforme universitaire d’Emmanuel Macron pourrait-il réellement voir le jour ? Les interrogations sur la possibilité de renversement du principe de gratuité, ainsi que sur les transformations qui lui seraient inhérentes restent en suspend… Reste à voir si de nouvelles propositions de réforme systémique de l’enseignement supérieur feront surface dans les prochains mois, ou si le débat demeurera hypothétique autour des idées développées par Macron.
Etudiante en licence information-communication/anglais, je m’intéresse un peu à tout : dessin, peinture, musique, astronomie, langues étrangères… J’aime garder un œil sur le monde qui nous entoure et écrire sur des sujets qui m’accrochent.