La COP29 constitue le seul forum multilatéral de prise de décision sur le climat au monde à rassembler la majorité des pays de la planète. Mais la présence d’entreprises d’exportation pétrolière dans les délégations nationales freine la lutte contre le réchauffement climatique.
La COP, ayant lieu chaque année, doit convenir des mesures à prendre pour faire face à la crise climatique, comme limiter l’augmentation de la température mondiale, aider les communautés vulnérables à s’adapter aux effets des changements climatiques et parvenir à des émissions nulles d’ici 2050. Ici se rassemblent les chefs de gouvernement, les climatologues et les représentants de la société civile qui partagent leur point de vue pour renforcer l’action climatique collective et inclusive.
Cette année, la COP se déroule en Azerbaïdjan, l’un des plus grands producteurs d’énergies fossiles, ce qui explique la forte présence de lobbyistes. Ces derniers défendent les intérêts d’entreprises intervenant dans les secteurs du charbon, du pétrole et du gaz. Environ 1 800 entreprises de ce genre ont obtenu une accréditation. Leur nombre dépasse le total des représentants des pays les plus vulnérables au changement climatique. Pour rappel, la présidence azerbaïdjanaise doit adopter des règles censées mieux encadrer les marchés carbones.
Une hérésie selon de nombreuses associations
Alors que la réunion des nations doit accélérer la lutte contre le dérèglement climatique, dont les énergies fossiles sont les principales causes, ces entreprises ont une place au cœur des négociations climatiques. Martins Ogunlade Olamide, nigérien responsable de l’organisation Corporate Accountability and Public Participation Africa (CAPPA) répond à nos questions et offre un témoignage exclusif :
« Ces lobbyistes ne sont là que pour défendre des intérêts commerciaux. Ils ne manqueront donc pas de manipuler les procédures, de distraire les décideurs politiques et de détourner l’attention des vraies solutions. »
« Ce sont des loups déguisés en agneaux, ils sont là pour voler et prendre. »
Par cette métaphore, qui désigne les PDG d’entreprises pétrolières présentes dans les délégations nationales, parmi les scientifiques et les ONG, Martins fait référence au néocolonialisme dans des formes plus discrètes et détournées, comme cette volonté de domination sur les ressources que procurent les pays africains, fortement convoitées.
La fuite des responsabilités des pays du Nord
Les ONG déplorent le manque de prise de responsabilité des pays occidentaux et leur incapacité à s’engager en faveur de la réparation et de la justice. Nombreuses rejettent l’initiative d’un marché du carbone car il n’apporte aucun bénéfice à l’Afrique et ses habitants, si ce n’est des dettes, des destructions et des dévastations environnementales. La CAPPA demande la justice pour les communautés de première ligne, et que la situation des opprimés influence les priorités des gouvernements et des partis.
Martins : « Nous demandons la justice climatique et la responsabilité environnementale des entreprises et des pays du Nord, qui sont incontestablement responsables des crises climatiques dont souffre le monde »
Qu’en est-il de la transition « verte » ? C’est la question délicate, celle du financement de l’adaptation des pays en voie de développement au changement climatique. Personne ne se berce d’illusion. Cette mobilisation du financement traîne, malgré les engagements forts pris à l’issue de la COP21 de Paris, en 2015.
« Si l’idée de la transition verte ne tient pas compte des réalités et des attentes des communautés en première ligne en Afrique et dans les pays du Sud, alors c’est vaste blague »
Gaïa Febvre, responsable des politiques internationales au Réseau Action Climat, nous partage en exclusivité son opinion sur les décisions de la conférence. Voici son témoignage du jeudi 21 novembre, de Bakou :
“Le nouveau texte reste incomplet car le tabou dans la pièce n’est pas levé : le montant est le grand absent. Pourtant, une option indique que des milliers de milliards sont nécessaires. L’horloge tourne : les Pays du Nord doivent absolument mettre un chiffre sur la table. Sans ça, on ne sait pas du tout de quelle ambition on parle. Ils refusent donc leur responsabilité historique dans le changement climatique. Il est également nécessaire que les pays du Nord ne cèdent pas aux chants des sirènes de la finance privée et des marchés carbones. Abandonner n’est pas une option”
Peu ou pas du tout industrialisée, l’Afrique n’émet pratiquement pas de gaz à effet de serre. Sa part n’excède pas 4 % de l’émission globale. Pourtant, les pays occidentaux souhaitent qu’elle intègre la transition énergétique à son processus de développement. Mais cette transition a un coût que le continent africain, en proie à des défis primaires, ne peut pas supporter.
« Aux premières loges, le continent africain subit de plein des changements climatiques désastreux dont il n’est pas responsable. »
Alors quelles sont les solutions proposées par la CAPPA et plus généralement les ONG qui défendent les intérêts des pays en développement ?
« Les vraies solutions signifient trois choses, la reconnaissance des responsabilités historiques, un engagement contraignant pour le financement climatique et l’élimination progressive des combustibles fossiles »
Cette année, l’Afrique se sent particulièrement concernée et souhaite plus de visibilité, car elle subit les conséquences du dérèglement climatique, avec des catastrophes récentes et destructrices, comme des pics de chaleur enregistrés à Bamako ou Conakry, des sécheresses et des inondations.
La COP29 s’ouvre et se ferme dans un climat géopolitique plombé par les guerres en Ukraine, à Gaza et au Liban. La lutte contre le réchauffement climatique n’a jamais été autant fragilisée. Les 198 parties ont jusqu’à aujourd’hui, vendredi 22 novembre, pour se mettre d’accord sur un montant de financement afin d’aider les pays en développement à réussir leur transition « verte ». C’est une entreprise difficile marquée par le retour de Donald Trump à la maison blanche et l’alerte sur l’année 2024, qui dépassera 1,5 degrés de réchauffement climatique. En fin de compte, la COP29 peut se conclure sur l’acceptation de la marchandisation des ressources naturelles et la promotion de l’extractivisme.
Étudiante en Géographie sociale et politique, je suis passionnée par l’actualité, le cinéma, les bouquins et j’écris à mes heures perdues sur plein de sujets, autant le partager avec vous ! On se retrouve pour une nouvelle actu ! vous pouvez me contacter par mail : s0l.n@yahoo.com ou par insta : @s0l.n