« Livret de Famille » au cœur de Bordeaux, rencontre avec Meriame Louattani

« Livret de Famille » au cœur de Bordeaux, rencontre avec Meriame Louattani

À l’occasion de son exposition « Livret de Famille », l’artiste franco-marocaine Meriame Louattani embarque les spectateurs.trices dans son univers débordant de couleurs. Un voyage entre identité et poésie jusqu’au 28 novembre à l’Espace 29.

Artiste plasticienne, Meriame Louattani travaille différents matériaux tels que la peinture, le textile, le cuivre et la céramique. Elle est résidente à l’atelier Espace 29 à Bordeaux, c’est là que sa création opère. Le 7 novembre a eu lieu le vernissage de son exposition « Livret de Famille », accessible librement du mercredi au samedi de 14h à 18h.

Meriame Louattani commence à peindre et « stimule son imaginaire » tôt dans son enfance afin de « fuir l’ennui ». Depuis, elle ne quitte plus ses crayons et ses pinceaux. Elle se détourne d’un premier destin scientifique et fait des études de design de mode et de design textile. Elle reste tout de même fidèle à son besoin de créer. L’art de Meriame Louattani se confronte et tente de répondre aux questions existentielles qui se posent à une femme d’origine franco-marocaine. « Livret de Famille » s’ancre alors dans le thème de la « recherche perpétuelle de l’identité ». L’exposition est le résultat d’un voyage au Maroc, source et racine de sa personne. Les souvenirs d’enfance ressurgissent également et à cette identité culturelle se mêle la culture des animés avec des Pokémons qui apparaissent en totems. Ce mélange artistique singulier affirme alors la touche de Meriame Louattani et nous transporte dans l’intimité de ses moments de vie.

Des tableaux dans un style figuratif, des céramiques, des ornements de cuivre, une « porte de l’enfance »… À travers les couleurs chaudes d’Orient, Meriame Louattani entraîne le public dans son voyage intérieur, son enfance et dans un jeu de regards avec ses personnages. La poésie règne au sein des œuvres et sur les murs avec les mots de Sarah B. Harnafi, poétesse et artiste visuelle.

     Lors d’une rencontre avec Meriame Louattani, j’ai eu le plaisir de l’interviewer sur ses œuvres et les réflexions qu’elles entraînent.

Tes tableaux sont remplis de ce mélange entre la culture des animés et la culture marocaine, quels sont les éléments de ces deux mondes qui t’inspirent ?

           En fait je m’inspire particulièrement de ce que j’ai connu quand j’étais plus petite et de ce que j’aime encore aujourd’hui. C’est vrai que tout ce qui tourne autour de l’univers du manga et des animés c’est encore présent et donc ça m’inspire dans mes tableaux. Maintenant, par rapport à la culture marocaine, ça vient naturellement. Je viens piocher différents éléments selon le tableau et le sujet que je veux aborder. Mise à part le petit Pikachu qui est mon petit symbole parce que c’est mon personnage préféré et qui pour le coup est vraiment lié à mon enfance ; tout le reste c’est comme quand un artiste ou n’importe quelle personne s’inspire d’une œuvre de littérature par exemple. Parfois il y a un moment, une rencontre avec un personnage, avec un récit et ça matche avec le sujet dont tu veux parler. Parfois ce sont simplement des rencontres. Mais oui, plus généralement, ces deux cultures elles font ce que je suis.

Tu parles beaucoup de recherche d’identité, qu’est-ce que cette exposition te permet vis-à-vis de cette recherche-là ? Est-ce qu’elle te fait franchir une étape ?

           Je ne suis pas encore sûre de ce que cette expo représente pour moi. C’est effectivement une question que je me pose beaucoup depuis peu avant le vernissage, quand j’étais vraiment dans le moment, quand j’étais en train de travailler sur la porte [de l’enfance] par exemple. Je pense que oui, je suis en train de passer une étape. Je ne sais pas encore ce que c’est, je n’arrive pas à mettre de mots dessus. Mais c’est peut-être mon identité en tant qu’artiste qui est en train de se préciser.

On retrouve beaucoup de figures féminines dans ton travail, comment est-ce que tu expliques la place de la féminité dans ton art ?

     Je pense qu’elle va avec la recherche d’identité. En tant que femme, encore très récemment, on se confronte à pleins de questions sur ce qu’est la féminité et finalement ce qu’elle est pour nous aussi en tant qu’individu. Je représente beaucoup de femmes parce que j’ai envie de parler d’elles, de la féminité, comment, moi, je la vis et comment j’ai envie de l’exprimer. Et, plus largement, peut-être questionner ma place en tant que femme maghrébine en France. Et c’est vrai que dans cette expo j’ai posé beaucoup de regards sur les femmes qui m’ont entourée plus jeune et qui m’entourent aujourd’hui. C’est vrai qu’elles m’inspirent énormément et c’est pour ça qu’elles se retrouvent sur mes tableaux. Il y a beaucoup de questionnements qui sont soulevés et de voir évoluer d’autres femmes ça m’aide à trouver des réponses et à comprendre.

On plonge souvent dans les regards que tu peins, à qui s’adressent ces regards ? Plutôt à toi en tant que peintre ou aux spectateurs.trices ?

    Je pense que c’est plus pour viser le spectateur, mais je me considère comme spectatrice aussi de ce que je peins. Je pense que j’ai commencé mon travail de peinture en travaillant le regard. Donc j’ai fait beaucoup de portraits, j’ai beaucoup essayé de créer des regards qui seraient neutres et en fait ils ne le sont pas du tout. Et puis c’est tant mieux. Mais oui, du coup je pense que c’est un peu des deux. Je pense que je compte parmi les spectateurs parce que quand la toile est terminée (ou que je considère qu’elle est terminée) ce qui se passe entre le public et elle, ça la regarde et ça regarde le public. Et je considère que mon regard sur ma propre toile et le regard de mes personnages me concerne. Donc oui, [ça s’adresse] sûrement [aux] deux.

Vous pourrez retrouver au programme de « Livret de Famille » une table ronde à l’Espace 29 sur « la place des femmes maghrébines dans la société française » mercredi 20 novembre (17h) ainsi qu’un dévernissage jeudi 28 novembre (18h).

Pour suivre l’activité de Meriame Louattani et de l’Espace 29 sur Instagram : @mlouattani et @espace29_bx

 

Jo’anna Boutros

 

Crédits photo : Jo’anna Boutros – « 5 femmes et les oranges » Meriame Louattani

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