Le mois de novembre est arrivé : à nous les chaudes soirées sous les plaids, à Netflixer et à chiller ! Savez-vous aussi que depuis le 6 novembre, la politique migratoire a été modifiée ? Qu’en est-il des froides soirées des migrants venus chercher sécurité et confort en France et n’ayant trouvé que la précarité et les trottoirs glacés pour dormir ?
La crise des migrants ? Qu’es aequo ?
On parle de « crise des migrants » depuis 2010, lorsqu’un nombre record de personnes venues du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie du Sud sont arrivées en Europe Occidentale par la mer Méditerranée, en quête d’un avenir « décent ». La plupart sont en effet originaires des pays où des crises politiques de grande ampleur ont actuellement lieu, n’assurant ni sécurité ni prospérité aux habitants.
Un « European Dream » a alors émergé dans les esprits de toutes ces personnes qui sont devenues les « migrants ». Un rêve qui a été, qui est, et qui sera atteint aux risques et périls de leur vie à tous, qu’importe l’âge, le sexe ou la classe sociale. Ce flot hors normes de personnes pleines d’espoir qui débarquent en Europe est effectivement constitué autant d’individus extrêmement pauvres que de membres du gouvernement ou des administrations publiques. Face à la misère, tous sont sur un pied d’égalité.
Le processus n’est pas compliqué : partir au plus vite, faire au plus efficace et espérer arriver à bon port. Il existe deux routes pour parvenir aux terres Européennes : par la Turquie et les Balkans ou par la Lybie et l’Italie. Une fois l’Espace Schengen atteint, ils n’ont plus qu’à continuer leur périple dans le pays qu’ils souhaitent, si la législation le leur permet. L’Allemagne reste ainsi la principale destination car elle propose un système d’accueil et de sécurité sociale très attractif. On estime en moyenne que 8 000 personnes empruntent ces routes chaque jour, et les statistiques ne cessent d’augmenter.
Face à cette immigration massive, les gouvernements Européens ont évidemment dû s’adapter et mettre en place des mesures d’accueil et surtout d’insertion :
- En Allemagne, qui avait déjà accueilli plus d’un million de réfugiés entre 2015 et 2017, des cours de langue et des ateliers d’intégration (éducation civile et approche de la culture allemande) ont été offerts à chaque nouvel arrivant. Au-delà d’intégrer chacun et de permettre aux réfugiés de devenir de nouveaux citoyens à part entière, les moyens et le personnel engagés pour y parvenir permettent de réduire considérablement le discours de rejet des citoyens qui prennent activement part à la démarche.
- En Italie, le ton est donné et ce n’est pas vers l’accueil des migrants que se dirige le pays. En effet, si le pays a jusqu’ici été plutôt tolérant, le plus grand centre d’accueil d’Europe, qui se trouvait à Mineo, a fermé ses portes en juillet dernier. Une action dont Matteo Salvini se félicite car selon lui, « la Sicile, Catane et Mineo ne peuvent pas baser leur avenir sur l’immigration». Les réfugiés ont donc été remerciés et invités à quitter le camp, tant mieux pour ceux qui sont parvenus à trouver une autre solution… pour les autres, tant pis…
- Le gouvernement français, quant à lui au départ opposé à l’immigration réglementée par des quotas, est vite revenu sur ses positions. Une lueur d’espoir qui s’éteint pour tous les demandeurs d’asile. Mais c’était sans compter sur la mobilisation massive de nombreuses personnalités, dès 2015, qui ont entraîné avec elles beaucoup de citoyens français. Grâce à ce soulèvement, François Hollande, alors président de la République à l’époque, promet que 24 000 demandeurs d’asile seront accueillis en France entre 2015 et 2017. Ces réfugiés ont bien été accueillis effectivement… ils ont donc quitté leur jungle, qu’ils fuyaient coûte que coûte, pour rejoindre une nouvelle vie pas si éloignée finalement : la Jungle de Calais et des grandes difficultés à s’intégrer.
Le problème commun à tous les pays européens est le nombre de migrants qui arrivent chaque jour, donc le nombre de demandes d’asile à traiter en même temps. Certains restent alors en stand-by pendant des mois voire des années dans des camps ou des squats, car sans l’obtention de papiers valides et la validation de la demande d’asile, pas de logement ni de travail déclaré.
De nouvelles mesures ? De nouveaux espoirs ?
Ce mercredi 6 novembre 2019, la politique de l’immigration a été modifiée et des nouvelles mesures à propos de l’accueil des réfugiés ont été prises. Édouard Philippe compte sur cette mise à jour pour « reprendre le contrôle sur la politique migratoire ». En d’autres termes, l’immigration et l’intégration des migrants ne vont pas vraiment être facilitées. Le Premier Ministre a annoncé 20 nouvelles mesures qui traitent de l’immigration sur le plan diplomatique, de l’action européenne, des aides médicales et financières mises au service des réfugiés en France, des quotas migratoires (professionnels et étudiants) qui ont été décidés, des critères d’admission en France ainsi que des conditions d’accueil et d’intégration, de la question du traitement des mineurs non accompagnés, de la réduction des délais d’examen des demandes d’asile et enfin de l’immigration irrégulière.
Quelques mesures principales sont à retenir (pour voir la liste complète des mesures, vous pouvez cliquer ici) :
- Pour accéder à la protection maladie, les demandeurs d’asile devront, dès la fin de l’année, en passer par une carence de trois mois (jusqu’à présent, il n’y avait pas de délai). Les autorités estiment que cette réforme, qui aligne les demandeurs sur le régime général, permettra d’éviter que le droit d’asile ne soit détourné pour utiliser ces soins. Pendant ce délai, les soins d’urgence seront toutefois pris en charge. Cette mesure est vivement critiquée par les associations. Victor, un des responsables de l’association Utopia 56 à Paris, qui a pu s’exprimer sur France Inter, juge cette mesure « irresponsable et contre-productive », pour lui, l’accès aux soins est un « droit inconditionnel». Plusieurs membres des partis politiques opposés à LREM se sont aussi exprimés à ce sujet.
Ne pas traiter immédiatement la maladie, c’est prendre le risque de son aggravation et de sa propagation. Pourquoi instaurer un délai de carence dans l’accès à l’AME ? #BourdinDirect
— Adrien Quatennens (@AQuatennens) November 6, 2019
- Un débat parlementaire aura lieu chaque année pour débattre de quotas non-limitatifs en matière d’immigration professionnelle, par secteur d’activité et par territoire. Un outil statistique sera mis en place pour tenter de définir les besoins de court et moyen terme en matière de main d’oeuvre. Pour simplifier, la demande d’asile des réfugiés qualifiés sera facilitée si les entreprises françaises cherchent de la main-d’œuvre supplémentaire. Nicole Belloubet, la ministre de la Justice, invitée hier matin dans l’émission Le 7/9 de Nicolas Demorand et Léa Salamé sur France Inter, explique préférer parler de « lignes directrices qui permettront d’accueillir de la meilleure façon possible les personnes qui ont des qualités professionnelles ou des étudiants qui viendront se former en France » plutôt que de quotas économiques. Ce qui lui attire les foudres de Léa Salamé qui l’accuse de « ne pas assumer que cette mesure encourage l’immigration choisie ». De plus, cette mesure ne prend en compte que 33 000 migrants, venus en France pour des raisons économiques, sur les 250 000 réfugiés arrivant chaque année, qui se verront donc sûrement refuser leur demande d’asile car non qualifiés.
- Un autre point est le renforcement de la lutte contre la fraude en matière d’immigration familiale : en d’autres termes, lutter contre les reconnaissances de paternité frauduleuses. Nicole Belloubet, encore une fois, explique que la France ne peut survivre comme terre d’accueil que si elle repose sur un équilibre entre intégration et lutte contre les mécanismes de fraudes migratoires: « une terre d’accueil ce n’est pas faire n’importe quoi ! ». D’accord Nicole…
Visiblement, La République en Marche n’a jamais été aussi proche de la droite…
Le Gouvernement veut instaurer des quotas pour l’immigration économique : c’est une mesure que je réclame depuis longtemps, mais à condition que ces quotas réduisent les flux migratoires en France ! Surtout avec le chômage de masse que nous affrontons… https://t.co/LLniRyP4tq
— N. Dupont-Aignan (@dupontaignan) November 5, 2019
Le vent souffle sur les tentes Quechua
Depuis le 1er novembre, la trêve hivernale a été entamée. Une chance pour tous ceux qui ont un logement en location, réfugiés ou pas, car ils pourront y rester quoi qu’il arrive jusqu’au 31 mars 2020. En effet, cette loi vieille de 61 ans assure à tout locataire de pouvoir occuper son logement sans se faire expulser, aucune coupure d’électricité ou de gaz n’est autorisée, même sous peine d’impayé. Néanmoins, qui dit trêve hivernale dit qu’il commence à faire très froid dehors. Et malheureusement, un grand nombre de demandeurs d’asile sont encore demandeurs d’un logement. Par exemple, un bon nombre de migrants parviennent à trouver refuge dans des campings, mais ces derniers ferment en novembre, il faut donc trouver une autre solution. Un autre exemple serait le camp de réfugiés à Calais que tout le monde connaît, mais des camps de la sorte sont établis un peu partout en France. Enfants et adultes sont alors entassés sous des tentes, sous la pluie, la neige et le vent.
Heureusement, le gouvernement ne reste pas tout à fait bras ballants face à ce fléau qui dure depuis des années : des centres sont ouverts pour accueillir un maximum de personnes au chaud (au moins la nuit), même s’il n’y a pas assez de places pour tout le monde. Mais le gouvernement a expliqué que 16 000 logements seront mobilisés pour les réfugiés au cours de l’année 2020.
Pour autant, si en théorie certaines mesures sont prises en faveur des migrants, force est de constater que toutes les municipalités ne sont pas du même avis. Des logements, même des plus simples, ne sont pas forcément proposés ni mobilisés, ce qui n’empêche pas les squats des familles réfugiées d’être détruits. Cet été par exemple, plusieurs familles ont été expulsées de leur logement de fortune à Bordeaux, sous ordre de la préfète. Un campement clandestin s’est alors construit aux alentours de Bordeaux Lac où une centaine de famille se sont réunies. Le problème qui se pose est le suivant : certes, habiter dans un squat est illégal, mais quelles solutions sont mises à disposition par la municipalité ? Plusieurs associations ravitaillent le campement de Bordeaux Lac en nourriture, vêtements et fournitures. Ces associations sont d’ailleurs nombreuses à œuvrer pour aider les sans-abris en général, migrants ou pas, grâce aux maraudes qui tournent dans les rues de Bordeaux tous les soirs (n’hésitez-pas à adhérer à l’une d’entre elles pour, vous aussi, aider ceux qui vivent dans la rue, voici par exemple le site des Robins de la Rue). Dans des camps autour de Paris, plusieurs médecins essaient de soigner les réfugiés. Mais cela suffira-t-il pour lutter contre cet hiver qui s’annonce vigoureux ?
Alors si pour certains ces réfugiés sont un poids pour la société, tâchons de nous souvenir que l’Europe est perçue comme une terre d’espoir, analogie de l’accueil et d’une Dolce Vita générale. Essayons de faire honneur à notre réputation.
Camille Hurcy
Crédits photo : Le Point / L’Écho / LesObservateurs
Étudiante en 3ème année Information-Communication. Spécialisée dans la rubrique Politique et Société. Quelques rattrapages à mon actif, quelques mots dans le Pop’Cast.
Contact : cam.hurcy@gmail.com