Les 10 albums rap incontournables de 2022

Les 10 albums rap incontournables de 2022

Comme chaque année, 2022 a été chargée en nombre de sorties rap. Or s’il y a bien une particularité avec cette année, c’est l’importante quantité de bons, voire d’excellents albums sortis. On pourrait même parler d’un tournant pour le genre particulièrement en France où la qualité émerge de plus en plus d’une scène moins connue par le grand public, là où certaines grosses têtes d’affiche ont tendance à se répéter voire à devenir inintéressantes. Il s’agit d’une année où de nombreuses générations et styles différents se sont retrouvés dans des sorties assez qualitatives et originales pour la plupart. Peut-être auriez vous manqué certaines d’entre elles, en voici donc une liste qui vous permettra de découvrir ou redécouvrir certains principaux albums qui ont rythmé la scène rap de cette année.

 

Rap US/UK : 

Pusha T – It’s almost dry

Du duo Clipse avec son frère dans les années 90-2000 à ses projets solo dans les années 2010, Pusha T s’est indéniablement classé parmi les rappeurs talentueux à la longévité impressionnante en évoluant et adaptant son style à son époque. Après l’excellent Daytona, le rappeur revient 4 ans après avec un album percutant, court et solide. Parmi les producteurs de l’album, on retrouve son collègue fidèle Pharell Williams ou encore Kanye West qui a ramené son empreinte avec une utilisation des samples propre à lui notamment sur Dreamin of The Past. La présence de ces deux producteurs permet de distinguer deux types de morceaux différents (on peut même le voir lorsque Pusha a par la suite ironiquement renommé l’album « It’s almost dry : Ye vs Pharell ») . Lorsque c’est produit par Kanye, on a en effet parfois droit à un retour aux sources au style de Ye, ce qui a apparemment inspiré Pusha qui y place ses meilleures performances du projet. Les prods de Pharell quant à elles sont beaucoup plus agressives avec des basses et des kicks (percussions) bien plus appuyées où le rappeur fait un récit de la vente de coke dans les rues (thème très présent chez le rappeur). Sur It’s Almost dry, Pusha T parvient à tenir en haleine l’auditeur avec un rap percutant et techniquement excellent sur des productions variées et partagées entre deux styles différents.

 

Danger Mouse & Black Thought – Cheat Codes

Une telle combinaison ne pouvait être qu’une réussite. D’un côté, Danger Mouse, célèbre et talentueux producteur de nombreux grands artistes ayant notamment collaboré avec Mf Doom, Gorillaz, Asap Rocky, U2 etc… formant ici un duo avec une légende du hip hop installée depuis déjà plus de 30 ans. Sur Cheat Codes, les amoureux du hip hop sont servis avec des productions soulful/boom bap toutes aussi travaillées les unes que les autres. Sur ces productions, l’ancien membre des Roots montre pour la énième fois sa faculté à proposer des performances excellentes sans réelle difficulté avec une véritable prestance lorsqu’il rappe. Rajoutons également la qualité des collaborations avec des pointures comme Joey Badass, Conway, Raekwon, Asap Rocky ou encore le défunt MF Doom. En clair, un album complet, respectant le style d’un rappeur de l’ancienne génération sans pour autant rester dans un style dépassé, chose qui peut vite être un inconvénient chez certains anciens rappeurs sortant des albums aujourd’hui. 

 

Kendrick Lamar – Mr Morale & The Big Steppers

Cet album fait indéniablement partie des albums les plus attendus auxquels on a eu droit ces dernières années. Après 5 ans d’attente, le rappeur est revenu avec un album ayant créé des avis assez partagés entre déceptions et éloges. Comme à son habitude, il est revenu avec un projet différent des précédents où ici, les confessions et regards du rappeur vis-à-vis de certains sujets touchants et importants ont une place plus importante que sur Damn qui est bien plus hétérogène et n’a pas une identité aussi marquée. Dans le contenu, l’album se présente sous la forme d’une thérapie  de 14 morceaux (les interludes, l’intro et l’outro ne sont pas comptés) destinée à un certain Ekhart Tolle (le personnage n’a pas tant d’importance ici) mais surtout destinée à son public. Il y exprime sa sensibilité et ses ressentiments face à ses contradictions, les mentalités qu’il a pu observer durant sa vie, ses traumas et des remises en question. Du point de vue musical, pour aborder ces thèmes, il cherche à varier les sonorités en alliant prises de risques (ex : united in grief et we cry together qui est une reprise de Kim d’Eminem) et simplicité dans d’autres productions se limitant parfois à de simples boucles de piano. Le résultat est donc un album riche, touchant, minutieusement travaillé et donc difficile à digérer au début. Le rappeur ajoute un autre grand travail à sa discographie déjà légendaire et a fait évoluer son art avec Mr Morale & The Big Steppers.

 

Denzel Curry – Melt My Eyes See Your Future

Encore un album unique, riche et travaillé dans la scène rap us de cette année, et qui de mieux que l’excellent Denzel Curry pour le faire. Après le gros succès qu’était TA13OO en 2018, considéré comme un des meilleurs projets de l’année, le rappeur revient avec un album différent, du même calibre voire meilleur (à vous de juger). Sur TA13OO on pouvait retrouver des morceaux agressifs pleins d’énergie bien que l’album soit teinté de divers messages comme avec l’excellent morceau éponyme. Sur Melt My Eyez See Your Future, la production est plus ambitieuse et varie entre boom bap, ambiances planantes et jazz rap où le rappeur souhaite « prendre un recul par rapport au monde qui l’entoure » (pour reformuler ses propos) ainsi que se décrire notamment en parlant de sa persévérance ou encore de sa lutte face aux tentations de la vie. Un album soigné, cohérent, bien écrit, accompagné de merveilleux visuels futuristes avec par exemple les clips de Walkin et X-Wing

 

Lancey Foux – Life in Hell 

Le premier et le seul album de rap anglais de cette liste. Life In Hell est un album aux standards assez différents de ces 4 autres albums, ce n’est pas l’écriture ou la qualité des performances, mais la prise de risque et l’ambiance créée par Lancey Foux sur ce projet qui importe. Ce registre est sans aucun doute inspiré de ce qu’a amené Playboi Carti avec Whole Lotta Red qui a inspiré bon nombre de rappeurs de la nouvelle génération. Mais attention, il ne s’agit pas d’une vulgaire copie où il se contente de performer médiocrement sur des beats du style. Effectivement, le rappeur londonien y apporte une signature vocale unique marquée par cet autotune grossière et une voix aigüe ce qui peut même déplaire à un auditeur nouveau. L’album est marqué par une alternance entre morceaux mélodieux et morceaux aux basses puissantes à faire trembler les salles de concerts. Cette prise de risque place donc cet album dans la liste, il s’agit d’un véritable vent de fraîcheur sur un style très exploité mais parfois sans réel intérêt contrairement à ce qu’a fait Lancey Foux avec ce projet unique. 

 

Quelques mentions honorables

– Metro boomin – Heroes and Villains : le célèbre producteur a frappé fort avec un album qui réunit les têtes d’affiche proposant pour beaucoup des prestations à la hauteur des excellentes prods de Metro ainsi que de l’ambiance créée au long du projet.

 

– Armani Caesar – The Liz 2 : la rappeuse membre du label Griselda Records apporte sa touche d’agressivité sur l’identité sonore de Griselda. Un album sombre aux couplets efficaces réunissant de très bons featurings tels que Kodak Black ainsi que les rappeurs de Griselda. Un album qui n’est pas à oublier.

 

– Joey Badass – 2000 : Une décennie après 1999, le rappeur new-yorkais marque une suite avec cet album qui suit de longues années d’évolution durant sa carrière. On a donc eu droit à un album assez boom-bap mais parsemé de morceaux qui rejoignent le style estival de all amerikkkan badass. Le tout est accompagné de très bonnes performances, chose qui n’est pas surprenante chez le rappeur.

 

Rap français

JeanJass – Doudoune en Été

Entre flows parfaits, rimes imprévisibles, références et jeux de mots bien amenés, JeanJass prouve encore une fois l’excellence de son rap sur ces 34 minutes. Un style simple, sans grosses productions ni voix forcée mais pourtant diablement efficace où sur quasiment chaque titre on a droit à d’excellentes démonstrations techniques. La voix et les placements du rappeur de Charleroi accompagnent fluidement et en douceur les productions qui sont généralement assez calmes et peuvent varier entre le boom bap, le drumless (instrumentales au rythme similaire du boom bap mais où les percussions sont peu audibles) et la trap. Toutes ces qualités peuvent en particulier se retrouver sur le morceau Je Glisse qui par ailleurs, représente assez bien le style du rappeur. Cet album s’ajoute aux collaborations, au très bon freestyle chez grunt avec son collègue Caballero ainsi qu’au projet Zushiboyz également en collaboration avec celui-ci (le tout sorti en 2022), faisant de JeanJass un des rappeurs les plus intéressants de cette année. 

 

Prince Waly – Moussa

Un parfait exemple de l’album qui peut aussi bien plaire à une ancienne génération comme au grand public actuel. Une fois lancé, l’album nous plonge dans une véritable ambiance avec des tracks variés, alternant entre démonstrations techniques et morceaux mélodieux. Un projet d’ailleurs assez inspiré du chef d’œuvre Mauvais Oeil en particulier dans l’écriture puisqu’effectivement, le rappeur fait de multiples références au duo et fait quelques références religieuses à la même manière que pouvait faire Ali sur son classique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’on retrouve ce dernier sur Rottweiler, collaboration réussie où le membre de Lunatic parvient toujours à proposer un couplet alimenté de punchlines et de charisme dans sa présence vocale même plus de 20 ans après. Tout au long de Moussa, Prince Waly propose une écriture très imagée avec des punchlines et des références alimentant un style égotrip subtil. Cet album est donc un véritable plaisir pour tout fan de rap qui souhaite quelque chose d’authentique, de bien rappé et de différent d’un rap mainstream parfois bien trop répétitif. 

 

Kyo Itachi – Solide

Un album de producteur qui plaira sans aucun doute aux nostalgiques de l’époque old school du rap français. Solide est un album au style boom bap mêlant grosses têtes de l’ancienne génération ainsi que talents plus récents. Effectivement, d’un côté on peut retrouver des anciens comme Faf Larage, les X-Men et Dany Dan tandis que de l’autre côté on retrouve Alpha Wann, JeanJass et Roméo Elvis. À cela s’ajoutent des rappeurs moins connus mais qui parviennent généralement à produire des bonnes voire d’excellentes performances. Le tout forme un album brisant les frontières entre les générations où différents univers se retrouvent sur le style d’un seul et même producteur. Sur Solide, Kyo Itachi modernise le style boom bap en s’inspirant de ce qui se fait aux États-Unis dans un registre proche notamment avec ce que peut faire le producteur The Alchemist et apporte ainsi de la nouveauté dans le rap français. 

 

Lesram – Wesh Enfoiré

De ses projets de groupe avec LTF et Panama Bende aux freestyles Wesh Enfoiré, le rappeur a affiné son style et sa technique durant ces longues années. Le moment était enfin arrivé : cette année nous avions enfin eu droit à une mixtape complète et représentative du talent de Lesram. Certes il s’agit d’une liste d’albums mais l’exception qu’est cette mixtape s’explique par sa cohérence qui est équivalente à celle d’un album. Dessus, il y propose un récit cru et authentique de la banlieue au long des 10 titres avec une ambiance sombre, fidèle au style du rappeur qui vient cracher sa haine comme Booba en 2000 sur l’intro de Mauvais œil. À cette ambiance se rajoute un rap aux rimes percutantes, aux intonations uniques et aux punchlines assez marquantes sur des prods qui le sont peu, bien que cela permette de laisser beaucoup de place à l’expression du rappeur. Un projet qui respecte ce qui constitue l’essence du rap et nous permet de se réconcilier avec un rap authentique parfois bien trop oublié ou trop mal maîtrisé de nos jours. Décrire la misère, les nombreuses influences auxquelles un jeune de rue peut être confronté ainsi que les difficultés de l’ascension sociale de manière si juste et si bien performée, cela ne s’improvise pas. Ce projet fait donc sûrement partie de ce qu’on a pu entendre de mieux cette année. 

 

Osirus Jack – Nouvelle Ère

Rentrons dans le métaverse avec ce deuxième album solo du membre du collectif 667. La signature sonore du collectif se caractérise en particulier par cette ambiance sombre et macabre créée par les rappeurs du collectif, bien que la drill semble avoir pris une place importante dans le style du 667.  Osirus Jack s’inscrit bien évidemment dans ce registre avec son premier album Nibiru sorti en 2019. En réalité, de la même manière que son ami Freeze Corleone, le rappeur a fait ses débuts bien avant son premier album et a aiguisé son style au fil des années. De l’album commun FFO en 2015 aux collaborations avec les membres du collectif, le rappeur a plusieurs fois montré qu’il savait très bien rapper avec un flow et une voix unique. Nouvelle ère suit cette évolution et ce style qu’il nous avait présenté sur Nibiru. L’ambiance est installée dès l’introduction, puis au long du projet il propose un rap très efficace et technique tout en conservant cette ambiance voulue. L’album comporte des collaborations avec des membres du 667 excepté pour le Roi Heenok bien que celui-ci est très proche du collectif. Ces featurings sont cohérents et ajoutent une qualité au projet notamment avec ce merveilleux passe-passe entre Osirus Jack et Freeze Corleone sur Lampadaire Pt2. Nouvelle ère est un projet unique en son genre où le niveau est haut, un album qui a rythmé le début de l’année 2022 chez les fans du rappeur. 

 

Mentions honorables

– Huntrill – BigStraat : après un EP de qualité, le rappeur du 91 a sorti un deuxième album plutôt réussi. Sur des instrumentales généralement trap, il rappe avec une grande aisance et ce  agressivement. Le seul bémol de l’album serait des morceaux mélodieux peu intéressants qui dénotent un peu du reste et qui sonnent parfois un peu trop génériques. Quoi qu’il en soit, Huntrill est un rappeur underground qui a encore un gros potentiel. 

 

– Jazzy Bazz – Memoria : la mélancolie de Jazzy Bazz liée à ses souvenirs ainsi qu’au temps a permis la création de ce merveilleux album où le rappeur bascule entre tristesse, regrets et rage ce qui nous permet d’avoir un voyage dans ses souvenirs. Encore une fois, c’est un plaisir de voir des albums réellement cohérents avec un fil conducteur auquel on peut se rattacher, chose qui a tendance à être rare.

 

Geremy Rayane

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