Dès mi-décembre, la date d’autorisation pour l’utilisation du glyphosate, se verra expirer. La Commission européenne a soumis aux États membres un renouvellement pour dix ans encore. Ce dernier s’inscrit dans la continuité du cas chlordécone qui continue de faire grincer des dents au sein de la population guadeloupéenne encore aujourd’hui.
L’usage du glyphosate renouvelé pour 10 ans encore
L’utilisation du glyphosate, cet herbicide controversé, a, le 16 novembre officiellement été renouvelée pour 10 années, soit jusqu’en décembre 2033. Les 27 pays membres de l’UE étaient censés prendre une décision. Cependant, aucun accord n’a été trouvé pour appuyer ou rejeter la proposition de renouvellement. En vertu de la législation de l’UE et étant donné l’absence de majorité au Conseil dans un sens ou dans l’autre, la Commission était contrainte de prendre une décision avant le 15 décembre 2023, date de fin de la période d’approbation actuelle. C’est pourquoi, la Commission a autorisé l’utilisation de l’herbicide sur le territoire européen pour une période supplémentaire de dix ans. Dix-sept pays ont exprimé leur soutien à la reconduction de l’herbicide, tandis que sept parmi les pays les plus peuplés d’Europe, dont la France, l’Allemagne, la Belgique, la Bulgarie, l’Italie, Malte et les Pays-Bas, se sont abstenus. Leur abstention a empêché toute motion d’atteindre les 65 % requis. En outre, seuls trois pays, à savoir l’Autriche, la Croatie et le Luxembourg, ont voté contre.
En France, Emmanuel Macron avait pris l’engagement, en 2017, de mettre fin à l’utilisation du glyphosate dans un délai de trois ans, avant de revenir sur cette décision en 2022, qualifiant cette volte-face d’ « erreur ». Et Paris a essayé de réduire la période de renouvellement de 10 à 7 ans, mais a été lent à se mobiliser pour défendre cette option.
Le Gouvernement n’apprend pas de ses erreurs ?
L’abstention de la France permet le renouvellement de l’herbicide. Cette décision, bien qu’anticipée, représente un nouveau revers pour les ONG environnementales, les syndicats et fragilise davantage la biodiversité ainsi que l’agriculture biologique, déjà affectées par la proposition réglementaire sur les OGM/NTG. Dès 2015, le glyphosate a été classé comme cancérogène par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer) de l’ONU. Il est important de souligner le lien étroit entre l’histoire du glyphosate et les OGM, puisque plusieurs cultures transgéniques ont été spécifiquement conçues pour tolérer cet herbicide.
L’abstention de la France témoigne de son silence dans ce débat, un mutisme qui, idéalement, ne devrait pas se reproduire, notamment en référence à un événement similaire survenu il y a 51 ans avec le « cas chlordécone« . L’autorisation de ce pesticide en France a déclenché une cascade de conséquences dont les effets sont encore bien présents aujourd’hui. Un nouveau schéma à l’effigie de celui du chlordécone est-il en train de voir le jour ? Quelles seront les conséquences pour la population cette fois ?
Le triste héritage laissé par le chlordécone
Le chlordécone, pesticide organochloré utilisé en Guadeloupe de 1972 à 1993 pour combattre le charançon du bananier, demeure un symbole de l’humiliation post-coloniale. Ce poison, aux effets dévastateurs sur l’économie, la société, l’environnement et la santé, a été autorisé par le ministre de l’Agriculture, Jacques Chirac, malgré des avertissements sur sa dangerosité datant des années 1960 aux États-Unis. Son efficacité a conduit à deux décennies d’utilisation en Guadeloupe, provoquant des problèmes de santé chez de nombreux agriculteurs, avant d’être retiré du marché en 1993, trop tard pour éviter les conséquences graves.
À partir des années 2000, l’attention se concentre sur le chlordécone grâce à Eric Godard, responsable de la santé des eaux à la DDASS, découvrant des traces à grande échelle dans l’eau. Des études du professeur P. Blanchet et L. Multigner en 2010 confirment la contamination généralisée de la faune, de la flore et du réseau d’eau guadeloupéen. Une cartographie révèle que 1/4 des terres agricoles, surtout dans le Sud Basse-Terre, sont touchées, décourageant les agriculteurs. Ce pesticide affecte gravement la santé des Guadeloupéens, avec 90 % de la population contaminée et une corrélation avec le cancer de la prostate, doublant les risques selon les études. Les effets sur les enfants incluent des troubles d’apprentissage, des naissances prématurées et un développement neurologique ralenti. En tant que perturbateur endocrinien, même à faibles doses, il provoque des conséquences. En mer, la pêche est entravée, car de nombreuses espèces sont contaminées, affectant les pêcheurs qui cherchent à se reconvertir alors que les ressources locales diminuent et les importations augmentent.
Figures politiques locales, associations locales, le collectif « Lyannaj Kont Pwofitasyon » (LKP) et l’Union Générale des Travailleurs de la Guadeloupe (UGTG) mènent un combat depuis des années pour trouver les vrais coupables et comprendre la chaîne de responsabilité concernant l’utilisation du chlordécone en Guadeloupe. Cette course pour trouver les coupables est très compliquée entre le double langage des autorités, le déni et le fait que l’État a toujours nié sa responsabilité concernant le pesticide. De nombreuses questions restent donc sans réponse claire. Les Guadeloupéens sont fatigués et considèrent ce sujet sensible et flou.
Crédits photo : DES Daughter – Flickr
Étudiante en Information-Communication, originaire de la petite île papillon qu’est la Guadeloupe, j’aspire à être journaliste grand reporter spécialisé dans les conflits géopolitiques en Amérique Latine. Courageuse et intrépide, le monde du fameux Pablo Escobar n’a qu’à bien se tenir