Depuis l’abrogation du droit à l’avortement par les États-Unis en juin 2022, les pays occidentaux ont été alarmés quant aux droits et à la santé des femmes. Ce droit, considéré comme une liberté fragile, a permis à la France de se questionner quant à sa place dans la loi française. C’est le 4 mars 2024 que les sénateurs et les députés ont voté à l’unanimité en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution.
Le débat s’est ouvert après maintes discussions. Le gouvernement a proposé, fin 2023, un projet de loi constitutionnelle visant à inscrire le droit à l’avortement dans la constitution. L’Assemblée nationale et le Sénat se sont réunis le 4 mars, et désormais cette liberté est intouchable. En France, l’interruption volontaire de grossesse est légale depuis 1975 grâce à Simone Veil et sa loi qui porte son nom. Lors de son mémorable discours à l’Assemblée nationale, elle dit : “aucune femme ne recourt de gaieté à l’avortement”. Cette loi n’est pas un encouragement. Elle permet d’inscrire ce droit dans l’instance sacrée et suprême du droit français. La Constitution est tout en haut de la hiérarchie des normes, il est impossible de supprimer cette loi.
Concrètement, qu’est-ce que ça change ?
Cette nouvelle ne va de prime abord pas changer grand-chose. C’est une nuance fine qui a été votée. L’interruption volontaire de grossesse était jadis inscrite comme un droit, aujourd’hui elle est inscrite dans la Constitution comme une liberté. C’est-à-dire que la femme est libre, elle a la capacité d’avoir recours à l’avortement si elle le souhaite. Mais cela ne change en pratique rien. Il est toujours possible pour des représentants de l’État de diminuer le délai d’intervention, de diminuer l’accès, les soins ou autres. Les militants anti-avortements continueront à rester devant les cliniques pour dissuader les femmes, certains médecins continueront de décourager les femmes, les violences gynécologiques perdureront et les femmes seront toujours soumises à la critique. L’avortement a toujours existé et perdurera, qu’importe qu’il soit légal ou non. Le corps de la femme est depuis la nuit des temps une source de discorde. La pilule contraceptive et l’avortement font partie de la majeure partie des débats. Les idéologies religieuses prennent souvent le dessus, car l’idée d’intervenir à l’encontre de la nature serait immorale. Les États-Unis, pays croyant, ont pris la décision que l’avortement n’était pas un droit immuable, et que chaque État est libre de choisir. Aujourd’hui, 14 États américains interdisent aux femmes de disposer de leur corps au profit de la morale religieuse.
La France est donc le premier pays à garantir explicitement une telle liberté. C’est le signe que la démocratie, malgré les signaux de détresse qu’elle envoie, fonctionne encore, en dépit une droite et une extrême droite parfois dubitatives.
Une France divisée
Éric Zemmour, fervent disciple de l’extrême droite, s’est confessé lors d’un passage à RTL, qu’il “n’aurait pas voté”, sous prétexte que l’avortement n’est pas menacé en France. “La Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux”. Marion Maréchal, la tête de liste du parti Zemmourien “Reconquête”, affirme que la France devrait se préoccuper des priorités, telles que l’immigration et l’islamisme, qui eux seraient une menace. Ce débat est bel et bien mitigé. François Bonneau, sénateur du groupe “union centriste” affirme avoir changé d’avis. Il s’est rendu compte que “la balance entre le risque de fragiliser la Constitution et le droit inaliénable des femmes à disposer de leur corps penchait en faveur de ce dernier aspect.” Certes, l’interruption volontaire de grossesse n’est pour l’instant pas en danger mais personne ne sait de quoi demain est fait.
Simone de Beauvoir a dit : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Finalement, à Versailles, le 4 mars 2024, 780 parlementaires ont voté pour, 72 contre et 50 se sont abstenus. La France est malgré tout majoritairement d’accord, car le débat des parlementaires n’est pas d’être pour ou contre l’avortement, mais sur le fait qu’il n’est pas nécessaire de l’inscrire dans la Constitution puisque ce droit n’est actuellement pas en danger.
L’avortement est-il un droit ou une liberté ?
La liberté signifierait que la femme a la capacité de disposer de son corps, alors que le droit signifierait qu’elle est en règle de le faire. La nuance est fine mais essentielle, car on parle d’un corps et non d’un objet. C’est la question que se sont posée les députés et les sénateurs. La source de la querelle est dans la formulation de la loi. Est-ce que l’interruption volontaire de grossesse doit-elle être un droit ou une liberté ? La réponse est claire, elle est dorénavant une liberté.
Le 4 mars 2024 restera une date gravée dans les annales. Les Françaises et Français se sont réunis ce lundi en fin d’après-midi sur le parvis de la tour Eiffel pour écouter le Parlement sur grand écran et les résultats. Ce sont des larmes de joie qui ont coulé, pour oublier les larmes de colère du passé. C’est une grande victoire féministe et un exemple pour le monde entier. Plus jamais en France la femme ne se souciera des personnes anti-avortement. Plus jamais en France la femme ne mettra sa vie en péril dû aux avortements clandestins. Plus jamais en France, la femme ne questionnera son droit de disposer librement de son corps, du moins concernant l’avortement. Plus jamais en France, autrui ne décidera à la place des femmes. Dorénavant, les aiguilles, les cintres, la javel font partie du passé.
Crédits photo : Jeanne Menjoulet – Flickr
Étudiante en L3 en information communication / allemand à Bordeaux Montaigne, je suis passionnée de cinéma, de musique, mais mon péché mignon c’est des documentaires Arte. J’espère vous faire découvrir de nombreux univers au travers de mes articles. Contact : cla.neuffer@gmail.com