C’est un phénomène mondial. En 2024, plus de 620 millions de personnes pratiquent la course à pied, en club ou en solo, sur route ou au cœur de la nature. Alors pourquoi un tel engouement ? Quelle est cette frénésie du dossard, cette fièvre soudaine qui touche plus de 12,5 millions de Français ?
Le jogging n’est plus une pratique occasionnelle « du dimanche », c’est une discipline intergénérationnelle que l’on pratique régulièrement. Le nombre de coureurs augmente chaque année. Et moins de 1 runner débutant sur 10 arrête la pratique dans l’année. C’est la troisième discipline la plus pratiquée en France derrière la natation et le fitness. Le running, c’est aussi un sport qui se féminise. Si le nombre d’hommes reste majoritaire, les progressions du nombre de runneuses dépassent largement celles des hommes.
Est-ce l’envie de se maintenir en forme ? de se dépasser ? Selon une enquête de l’Observatoire du running, 72% des coureurs souhaitent rester en forme. Les autres arguments sont évacuer le stress, se faire plaisir, préparer une course ou encore socialiser. La sensation de bien-être est l’une des principales raisons pour enfiler ses baskets. Les rythmes de vie se sont accélérés, et le jogging permet de faire redescendre la pression. La course à pied devient alors un refuge. Mais cette sensation rend accro.
La fièvre du running
Aujourd’hui, certains adeptes se disent incapables de rester en repos plus d’une semaine, et redoutent la blessure. Courir est devenu un train de vie, un besoin vital. La performance et le dépassement de soi permanent. Le marathon, dit « la course mère », distance légendaire de 42 kilomètres en référence à la mythologie grecque, n’est plus une expérience inoubliable : c’est une étape dans un conformisme encré. Tel un athlète de haut niveau, il faut télécharger l’application la plus en vogue, suivre ses courses, regarder ses allures, se constituer un programme d’entrainement à respecter à la lettre afin d’atteindre son objectif. Le dossard devient plus convoité que de l’or, il faut s’inscrire des mois à l’avance ou bien fixer son placement sur la liste d’attente, en espérant participer à la course la plus demandée. Aujourd’hui, plus de 800 marathons sont organisés à travers le monde, avec chaque année toujours plus de participants. Selon « Runners world » plus de 2 millions de personnes y participent.
C’est surtout le trail qui est devenu la poule aux œufs d’or du running. Ce sport qui consiste à courir en pleine nature, est confronté à un paradoxe entre sa popularité croissante et les impacts environnementaux qu’il génère. Il attire pour sa promesse de communion avec la nature, le dépaysement et l’évasion des espaces urbains. Mais l’hypermodernité et le marketing ont déteint sur la discipline. La majorité des traileurs oscille entre des valeurs contradictoires : hyperconnectivité et retrait du monde, régimes alimentaires à base de produits bio et consommation de gels et de poudres chimiques…Les collectivités locales peinent à restreindre le nombre de participants, les parcours pouvant être dangereux si les coureurs ne se sont pas suffisamment entrainés. Le trail est devenu un phénomène de mode. La montagne, un terrain de performance. On ne profite plus du paysage mais du temps sur la montre.
Un sport pour les riches
La course à pied est catégorisée comme étant l’un des sports les plus accessibles au grand public. L’équipement est simple, t-shirt, short et paire de baskets. Il ne reste que les jambes et le cœur. Pourtant, le running devient un nouveau mode de vie, de plus en plus cher, voire désormais un sport réservé aux classes favorisées. Christopher Hautbois, spécialiste du marketing sportif affirme : « dans les années 1980, la course était l’activité la plus ennuyeuse du monde, mais la perception a changé. C’est devenu un phénomène de mode, qui se marie très bien avec le digital ». De plus en plus nombreux, de plus en plus dépensiers, les accros du running multiplient les sorties et se ruent vers des nouvelles technologies qui promettent d’optimiser les chances de réussite. Les gadgets accessoires deviennent des indispensables à la tenue du futur marathonien : la montre de sport haut de gamme qui donne l’allure, la paire de lunettes colorée, la veste thermique, le gilet d’hydratation, les manchettes de compression, la ceinture cardio… sans oublier la paire de baskets avec plaque carbone pour favoriser une meilleure propulsion du coureur. Virgile Caillet, délégué général de l’Union Sport et Cycle, indique que le coureur dépense en moyenne environ 500 euros par an pour sa pratique : « Contrairement à son image de sport très simple, la course à pied a un panier assez élevé ».
Une forte inflation touche les courses officielles. Les organisateurs de compétitions, conscients de cette fièvre pour ce sport, ne se privent pas. Les frais d’inscriptions ont connu une forte augmentation depuis 10 ans : environ 20 euros de plus en moyenne pour les marathons français, selon le site sport-up. Sur le prestigieux marathon de Paris, qui attire 60 000 participants, les prix montent chaque année, avec un dossard minium à 89 euros cette année.
Les 10km des Quais de Bordeaux, course très prisée en plein cœur de la ville, ont lieu dans une semaine, le dimanche 3 novembre. Cette année pour la 20ème édition, 6 000 coureurs participeront à la course. Vous en faites partie ?
Crédits photo : Total Energies Marathon de Bilbao
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