!! Attention, cet article contient des spoilers !!
Le second volet de Joker, tout autant incompris que son héros éponyme, évoque les thèmes de la maladie mentale, des abus et des violences commises par la société. Le film est très mal reçu par un public qui n’espérait pas voir dans cette suite, le fameux vilain DC, dans une comédie musicale.
Qu’elles soient professionnelles ou amatrices, les critiques positives de Joker: Folie à deux sont rares. Sur Google, la recherche du film nous indique la note de 1.9/5 sur une totalité en ce jour de 2660 avis. Malheureusement, ce n’est pas un cas isolé. Sur Allociné, dans l’onglet “critique presse” la moyenne s’établit à 2.8/5 sur 33 avis et pour la presse spécialisée américaine de Rotten Tomatoes les avis positifs n’ont gagné que 32 pourcents des critiques. Ce n’était pourtant pas l’accueil destiné au Joker: Folie à deux. Cette froide réception s’explique par la comparaison établie entre le premier et le second long métrage. “Joker”, sorti en octobre 2019 récoltant plus d’un milliard de recettes et acclamé par les critiques fut un vrai succès. Dans ce nouveau DC*, on y découvre l’histoire du fameux vilain au passé sombre et violent, qui étant abandonné par la société incarnera le personnage du Joker pour espérer sortir de sa réalité misérable. C’est donc un renouveau dans la cinématographie DC, qui, mettant de côté l’aspect aventurier et fictionnel de ses œuvres passées, s’attarde sur la psychologie d’Arthur Fleck et démontre la complexité de son caractère. L’engouement distingué du Joker créa pour la sortie de son prochain des attentes élevées. Cependant, et à la déception de la majorité, les projections imaginées de ce que représenterait un deuxième volet ne furent pas celles espérées. Joker: Folie à deux se distingue du Joker par la forte de présence de chansons, – on le qualifie de “comédie musicale” – par le changement d’environnement qui se restreint principalement à la prison et non à une vie d’ouvrier arpentant la ville comme dans Joker et par le fait que le film s’intéresse davantage à la psychologie d’Arthur Fleck et moins à l’ascension du célèbre vilain.
Des paroles, des paroles, des paroles…
Cette surprenante révélation eut comme conséquence une vague médiatique négative. Il n’est pas rare de voir la mention de “flop” qualifiée ce film. Un échec provenant selon les différents avis de la perte d’argent colossale (environ 200 millions de dollars) et des diverses critiques basées sur le fait que le scénario ne soit qu’un ressassement du premier Joker et que la forme adoptée de la comédie musicale soit un très mauvais choix. Néanmoins, si l’univers musical du second volet a été très critiqué par les spectateurs qui espéraient voir une suite semblable au premier film, cette décision n’en reste pas moins cohérente.
Lors du premier acte, le spectateur assiste à la création du joker qui jusqu’alors n’était qu’Arthur Fleck, un pauvre homme violenté et soumis par la société. Ayant vécu des abus dans sa jeunesse, par les amants d’une mère déséquilibrée qui n’a jamais su s’occuper de lui, il fut contraint de s’inventer un monde imaginaire dans lequel il pourrait se réfugier pour fuir cette sombre réalité. A la fin du premier opus, le public découvrait un des troubles mentaux du personnage qui semblait s’être créé un univers psychique plus plaisant que la réalité. En effet, Arthur avait imaginé une relation avec sa voisine afin d’apporter un peu de joie dans sa triste vie. Dans le second volet, le réalisateur semble avoir préféré exploiter le caractère psychologique du personnage en basant l’histoire sur ses troubles psychiques. Joker: Folie à deux perd donc en action mais gagne en profondeur. Le spectateur peut alors se questionner sur le choix d’une comédie musicale, un genre souvent associé à des thématiques plus joyeuses pour traiter d’un sujet si complexe. Cette décision semble pourtant justifiée.
Le choix de la musique reflète l’état mental d’Arthur Fleck qui échappe à l’horreur de son existence en imaginant cet univers musical et décalé où il devient celui qu’il a toujours rêvé d’être, un comédien, un humoriste qui rend ses couleurs à cette société. Arthur porte alors des tenues sobres et ternes, reflétant le monde gris dans lequel il vit, tandis que Joker apparaît vêtu de costumes colorés et extravagants symbolisant son refuge mental. À chaque fois qu’Arthur s’évade de la réalité, il se met à chanter, plongeant dans un monde de couleurs qui contraste nettement avec la grisaille de sa ville natale. Ces teintes vives, ainsi que l’humour parfois enfantin qui imprègne ces scènes, suggèrent que l’imagination du Joker n’est pas simplement un refuge joyeux, mais avant tout le monde imaginaire d’un enfant. En effet, Arthur est atteint depuis son enfance d’une pathologie dite “pseudo-bulbaire” qui est le déclencheur de ses rires inopportuns. Sa mère, pour l’aider à accepter son rire, lui a raconté qu’il était né pour redonner le sourire aux personnes qui l’entourent. Arthur a donc basé sa vie sur cette croyance, tentant de devenir un comédien. Le choix du personnage de clown pour le Joker découle du désir profond d’Arthur de faire rire les gens depuis toujours. Son univers coloré, son personnage clinquant et ses shows sont le reflet de ses rêves. Joker incarne ce qu’Arthur souhaitait devenir, un symbole du rire, un homme de scène, ce qui explique l’importance de la comédie musicale qui représente le monde du spectacle.
That’s entertainment **
Durant tout le procès, qui constitue l’axe principal du film, il est question de savoir si Joker est un alter provenant d’un trouble dissociatif de l’identité ou s’il ne fait qu’un avec Arthur. L’issue de ce questionnement n’est pas explicité dans le film, néanmoins, de nombreux personnages divisent les deux entités, se servant de l’une ou de l’autre à leur avantage. C’est le cas de Lee, qui tente d’imposer à Arthur la personnalité du Joker. Par ailleurs, si Arthur chante lorsqu’il est avec elle, c’est parce qu’elle est une source de bonheur pour lui, il la place donc dans cet univers de joie. De plus, elle l’incite à incarner cette figure d’homme du spectacle, ce qui crée des scènes de chants et de danses. Le Joker, à travers les yeux du spectateur, est un symbole de divertissement abusif et d’une société prête à tout pour faire le buzz quand bien même son personnage est censé incarner tout l’inverse. Si dans le film, il est l’emblème révolutionnaire et critique de cette société de distraction, il est finalement réduit à ce qu’il représente et prouve encore une fois que les hommes cherchent le divertissement au détriment des conséquences néfastes que cela peut avoir sur certains. Arthur quant à lui incarne ces personnes délaissées. Si finalement, Arthur décide d’oublier Joker et d’affronter la réalité, ses fans eux ne sont pas prêts à accepter cette décision et vont chercher à faire vivre ce symbole par tous les moyens. Lee est la représentation de ces fans, qui oublient l’homme derrière le clown.
Le premier volet montre donc la création de Joker à partir d’Arthur Fleck, un homme abandonné par la société tandis que le second dévoile l’abandon du Joker et le retour de l’homme derrière cette figure. Cette suite peut donc être interprétée comme une critique sociétale. Celle d’un monde qui délaisse les personnes dans le besoin comme Arthur au profit d’une quête constante du divertissement. En dépit de la volonté d’Arthur, Joker demeure tandis que lui disparaît, tué par sa propre création. Lors de la scène clôturant le film, Arthur se fait poignarder par un homme réutilisant la blague que Joker avait faite dans le premier volet. Encore une fois, l’homme dans le besoin qu’était Arthur décède seul et sans bruit tandis que sa création, le Joker perdure dans la mémoire des Hommes. Ainsi, même les partisans du symbole révolutionnaire qu’est le Joker, ont eux aussi sombré dans ce qu’Arthur dénonçait à travers son personnage.
Toc toc
- qui est là ?
- Critique
- Critique qui ?
- Critique… ment mal reçu, mais on sait que dans dix ans, ce sera un chef-d’œuvre incompris !
* DC: Detective Comics est l’une des principales maisons d’édition américaines de comics.
** That’s entertainment: bande son originale de “Joker: Folie à deux”
©WarnerBros
Étudiante en licence de lettres, plus précisément en métiers de l’écrit et de l’intermédialité, je suis passionnée par la littérature et le domaine de la culture. J’ai rejoint Pop Up pour travailler mon écriture journalistique et aborder des sujets qui me tiennent à cœur.
Étant de nature timide, je privilégie l’écriture pour communiquer, c’est pourquoi Pop Up représente une super opportunité pour faire entendre ma voix.