Islande : une troisième éruption volcanique en deux mois

Islande : une troisième éruption volcanique en deux mois

Une nouvelle éruption volcanique a eu lieu jeudi 8 février 2024, près de la commune de Grindavik, en Islande. Cette série d’éruptions annonce-t-elle un nouveau cycle éruptif pour le pays de glace et de feu ?

Le 8 février 2024, une nouvelle éruption volcanique a eu lieu, au nord-est de Grindavik, petit village de pêcheurs situé sur la péninsule de Reykjanes, au sud-ouest de l’Islande. Une nouvelle fissure s’est ouverte au nord-est de la montagne Sylingarfell, presqu’au même endroit où avait eu lieu l’éruption de décembre 2023. C’est près de quinze millions de mètres cubes de lave qui se sont déversés de cette fissure, au cours des sept premières heures de l’éruption. Des jets de lave vers le ciel étaient même visibles depuis la capitale, Reykjavik. Si cette fois, la lave n’a pas atteint le village de Grindavik, à chaque fois impacté par ces catastrophes naturelles, une importante quantité de lave a submergé une route et détruit la conduite principale d’eau chaude de la péninsule de Reykjanes. 30 000 habitants se sont alors retrouvés privés d’eau chaude.

Éruptions précédentes

La première éruption de cette série date du 18 décembre 2023. Une fissure de plus de trois kilomètres de long est apparue au niveau du cratère Sundhnúkagigar. C’était la quatrième fois qu’une éruption touchait la péninsule en moins de trois ans, en déversant dix fois plus de lave par seconde que les trois précédentes (éruptions du volcan Fagradalsfjall en 2021, 2022 et juillet 2023).

Le 14 janvier 2024, des sirènes d’alerte réveillent les habitants de Grindavik à trois heures du matin, signalant une prochaine éruption volcanique. La ville est alors évacuée immédiatement pour la deuxième fois. Mais c’est vers huit heures du matin que le spectacle cataclysmique commence quand de la lave se met à jaillir d’une fissure localisée au nord de la ville, avant de se mettre à couler vers les bâtiments malgré des murs de protection installés lors d’une précédente éruption. Puis c’est une deuxième fissure qui s’ouvre et qui permet au liquide enflammé d’atteindre quelques habitations, détruites sur-le-champ.

Pays de glace et de feu

L’Islande, littéralement “pays de glace”, surnommée ainsi pour ces montagnes et glaciers, est aussi appelée “pays de glace et de feu”. L’Islande est l’un des endroits du monde où l’activité volcanique est la plus prononcée. Elle compte 33 volcans actuellement considérés comme actifs, soit le nombre le plus élevé d’Europe.

Cette île a d’ailleurs elle-même été créée par des éruptions volcaniques. Elle se situe sur la dorsale médio-atlantique, une grande chaîne de montagnes essentiellement sous-marine qui traverse tout l’Atlantique et qui sépare les plaques tectoniques eurasiennes et nord-américaines. Les quelques endroits où la dorsale émerge, il s’agit d’îles volcaniques comme l’Islande. Ces plaques s’écartent très lentement l’une de l’autre, d’environ 2,5 centimètres tous les ans, dans la direction est-ouest, créant un espace pour la roche chaude en fusion, appelée magma. Et au fur et à mesure qu’il s’accumule sous terre, la pression augmente, produisant des séismes, avant qu’il finisse par éclater lors d’une éruption.

Mais d’après des explications de Tamsin Mather, spécialiste des sciences de la Terre à l’université d’Oxford, la fréquence de déplacement des plaques tectoniques pourrait varier et passer par “des périodes d’activité plus intenses”. “Et c’est probablement ce que nous observons actuellement dans la région de Reykjanes”, confie-t-il à la BBC.

Après 800 ans de calme   

L’Islande a toujours connu des éruptions volcaniques, et la péninsule de Reykjanes au XVIIIème siècle, n’était pas épargnée et subissait ponctuellement des éruptions causées par des fissures. Après cette période d’activité, la région la plus peuplée de l’île, a ensuite connu le calme pendant près de 800 ans. Mais c’est en mars 2021, qu’une éruption spectaculaire a rompu le silence devenu habituel, de la péninsule. Après 6 000 ans d’inactivité, le système volcanique de Fagradalsfjall s’est réveillé en sursaut. Trois petites explosions se sont ensuite produites.

Mais la situation est devenue alarmante en octobre 2023, lorsque la région de Svartsengi, au sud, connue pour son célèbre Lagon bleu, une importante centrale géothermique, et la ville de Grindavik, a commencé à trembler. Une série de tremblements de terre de plus en plus rapprochés et violents s’est produite, en atteignant un pic le 10 novembre, présageant une remontée conséquente de magma à la surface. La population de Grindavik avait alors été évacuée d’urgence. Finalement, l’éruption ne s’est produite qu’à la mi-décembre.

Le responsable de cette activité volcanique très localisée est un dyke de 15 km de long, situé dans la péninsule de Reykjanes. Depuis son identification, d’autres éruptions ont atteint la ville de Grindavík. Si l’activité volcanique doit s’intensifier, il est donc très probable que cela se produise dans cette zone. Mais qu’est-ce qu’un dyke ? Il s’agit d’un filon souterrain permettant la remontée du magma à la surface de la Terre.

Habitants impactés ? 

Seuls les habitants de Grindavík, évacués le 11 novembre dernier, avant la première éruption survenue en décembre, sont les plus impactés par ce sursaut d’activité volcanique. 4 000 résidents du village avaient abandonné leur foyer pour se mettre à l’abri.

A ce jour, aucun blessé n’a été recensé durant cette succession d’éruptions plus ou moins intenses. Les dégâts restent seulement matériels avec quelques habitations malencontreuses détruites par la lave.

Les habitants, délogés d’urgence, peuvent désormais revenir dans leur commune et y rester s’ils le souhaitent. Les autorités locales précisent quand même que la situation n’est pas entièrement sans danger et qu’il convient de rester très vigilant. Le chef de la police de Sudurnes Ulfar Ludviksson a précisé que ceux qui décidaient de retourner dans le village le faisaient “à leurs risques et périls” et que ce n’était “pas un endroit pour les enfants”.

Le Lagon bleu, l’une des attractions les plus populaires du pays qui se situe non loin de la zone surveillée, a été fermé au public à plusieurs reprises par mesure de précaution. La capitale, d’où était parfois visible le spectacle de la nature, n’a pas été impactée et son aéroport international a gardé une activité habituelle.

Le tourisme impacté ?

Vous aviez prévu un road trip en Islande dans les prochains jours ?  Ne vous en faites pas, il est toujours possible de voyager dans le pays. L’activité volcanique se concentre essentiellement dans la péninsule de Reykjanes. Il est donc possible de se déplacer dans le reste du pays, où les principaux sites touristiques sont ouverts.

Il est quand même fortement recommandé de se tenir informé auprès de l’Office météorologique islandais et des pages de conseils aux voyageurs de France Diplomatie, qui sont actualisées en fonction de l’évolution de la situation.

Des prévisions difficiles

Mais que va-t-il se passer dans les jours, les semaines voire les mois à venir ? L’Islande pourrait être entrée dans un nouveau cycle éruptif, selon plusieurs volcanologues, qui pensent que cette période d’activité volcanique pourrait durer plusieurs années. Sans certitude pour autant, il est difficile de prévoir la durée de ce cycle avec précision. Mais selon le volcanologue Jacques-Marie Bardintzeff, la présence d’un “gonflement” depuis l’éruption du 8 février, pourrait annoncer une nouvelle éruption dès le mois prochain.

Pour Mike Burton, volcanologue à l’université de Manchester, ce phénomène répétitif d’éruptions volcaniques dans une zone délimitée, pourrait bien s’apparenter à un cycle continu. Il explique que le réservoir de magma concerné “perd une si petite fraction de son volume qu’il ne s’évacue complètement, et peut donc continuer à le faire”. C’est-à-dire que tant que le réservoir est alimenté par les profondeurs comme actuellement, le système n’a pas le temps de se figer, ce qui permettrait pourtant l’arrêt des éruptions.

Il est aussi difficile de déterminer le lieu précis d’une éruption, car pour les éruptions de type fissure, comme c’est le cas des récentes activités volcaniques, la lave ne provient pas du volcan mais de crevasses formées à des endroits qui ne peuvent pas être localisés avant la phase d’explosion. Ce type d’éruptions est donc assez imprévisible, mais ne devrait pas se propager à d’autres volcans du pays.

 

Julia GAILLARD

 

 

Crédits photo : Gylfi Gylfason – Pixabay

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