Incidents dans les stades : tous responsables !

Incidents dans les stades : tous responsables !

Depuis cet été, le public est de retour dans les stades de football après de longs mois d’abstinence. Le football peut alors enfin redevenir le football. Hélas, l’euphorie générale s’est vite essoufflée. Les incidents dans les stades en France se succèdent les uns après les autres. Entre envahissements de terrain, jets de projectiles, bagarre entre supporters… La situation actuelle est particulièrement préoccupante. Une prise de conscience collective s’impose face à la gravité des faits.

Chronologie des événements

Cette épidémie de violence qui frappe le football français depuis la reprise du championnat prend sa source le dimanche 8 août. La rencontre entre Montpellier et l’Olympique de Marseille va s’embraser à quelques minutes de son terme. Des projectiles tels que des bouteilles ou des cannettes sont envoyés sur le terrain depuis les tribunes. Plusieurs joueurs sont touchés, un joueur marseillais est même ouvert à la lèvre. Le match sera arrêté une dizaine de minutes avant de finalement reprendre.

Deux semaines plus tard, c’est le derby azuréen opposant Nice à l’OM qui va basculer dans l’irrationnel. Des « supporters » niçois envoient des bouteilles sur les joueurs marseillais, notamment Dimitri Payet. Ce dernier excédé va en renvoyer une dans la tribune populaire niçoise. La suite : une centaine d’individus vont envahir la pelouse. Certains vont même s’en prendre physiquement aux joueurs. C’est le chaos total, la honte absolue. Le match sera arrêté alors que les locaux menaient 1-0. Les visiteurs se sentent en danger et ne souhaitent pas reprendre la partie. Ils seront suivis par les officiels qui prendront la décision forte d’arrêter définitivement le match pour des raisons de sécurité. La ligne rouge a été franchie ce soir-là.

Ce triste spectacle n’a pourtant pas servi de leçon. Trois semaines plus tard, le derby du nord entre Lens et Lille dégénère à son tour. Les ultras des deux équipes se provoquent, s’envoient des projectiles puis envahissent la pelouse pour tenter d’en découdre. Bilan des opérations : 6 blessés.

Ça recommence la semaine suivante. La rencontre entre Angers et Marseille s’est terminée en bagarre entre supporters des deux équipes. A Montpellier en revanche, c’est avant le match qu’il y a eu des incidents entre montpelliérains et bordelais. Le car des supporters girondins a été attaqué, victime d’un guet-apens. Une bagarre générale entre les deux camps a ensuite éclaté. On a dénombré 16 blessés dans cet incident.

Ce week-end encore, un envahissement de terrain est venu perturber la fin de match entre Saint et Etienne et Lyon. Le football français devient la risée du monde entier, alors même que le début de championnat est séduisant sur le plan sportif.

Quelles sanctions ?

En réaction à ces incidents graves, des sanctions exemplaires devaient être prises. La Ligue de football professionnel a statué sur les événements de Nice-Marseille et de Lens-Lille. Dans le premier cas, le club niçois a été condamné à 3 matchs à huis-clos et s’est vu infligé un retrait de deux points au classement, un ferme et un autre avec sursis. Le match sera lui rejoué intégralement sur terrain neutre et sans public. Un verdict qui n’a pas vraiment fait l’unanimité. La ligue a été jugée trop laxiste pour beaucoup. Concernant le derby nordiste, des sanctions provisoires ont été prononcées. Huis-clos total pour Lens jusqu’au verdict définitif et fermeture du parcage visiteurs de Lille.

 

Parallèlement à ces sanctions qui concernent le domaine sportif, des sanctions pénales ont également été requises. Un individu qui avait tenté de frapper Dimitri Payet lors de Nice-Marseille a été condamné à douze mois de prison et à cinq ans d’interdiction de stade. C’est ici l’application de l’article L 332-10 du Code du sport :

« Le fait de troubler le déroulement d’une compétition ou de porter atteinte à la sécurité des personnes ou des biens, en pénétrant sur l’aire de compétition d’une enceinte sportive, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Enfin, les clubs ont eux aussi un pouvoir répressif. Ils disposent de moyens d’identification des fauteurs de troubles et peuvent prendre des mesures adaptées. Ils s’appuient notamment sur la loi Larrivé adoptée en 2016. Elle donne aux clubs la possibilité de refuser la vente de billets à certains spectateurs et de prononcer des interdictions administratives de stade allant jusqu’à 36 mois maximum pour les récidivistes. Ces mesures peuvent être complétées par des interdictions de stade délivrées par la justice pouvant s’étendre jusqu’à 5 ans. Ainsi, le RC Lens a déjà engagé des procédures contre des individus identifiés lors des débordements face à Lille. Des enquêtes judiciaires sont également en cours pour des faits de provocation à la haine et exhibition de signes racistes ou xénophobes ou encore pour des faits d’exhibition sexuelle.

Et maintenant, la suite

Face à cette flambée de délinquance dans les stades, les sanctions au cas par cas ne suffisent plus. Une prise de conscience collective est urgente afin d’éviter un drame encore plus grave. Les clubs, la ligue, la DNLH (Division nationale de lutte contre le hooliganisme), les pouvoirs publics et même le plus haut sommet de l’Etat enchaînent les discussions afin d’agir de manière uniforme et radicale. Il faut taper du poing sur la table.

Parmi les mesures évoquées avec insistance, il y a l’interdiction des déplacements de supporters d’équipes visiteuses. Actuellement, elle est décidée par les préfets au cas par cas en fonction du risque de dangerosité que représente chaque match. L’idée évoquée serait de la généraliser à tous les matchs. Cette éventualité ne fait pas l’unanimité, notamment au sein des pouvoirs publics. La ministre déléguée aux Sports Roxana Maracineanu a plutôt fait part de son souhait de limiter les sanctions collectives au profit de sanctions individuelles plus fortes, notamment via des interdictions de stade plus longues. Pourquoi sanctionner tout un groupe en raison des actes d’une poignée d’individus ?

Le gouvernement a également appelé les clubs à agir en conséquence. La ministre pointe du doigt le manque de courage de certains clubs. Il faut dire que ces derniers se retrouvent pris en otage. Leurs politiques récentes ont contribué à accorder une place de plus en plus importante aux groupes de supporters, les fameux ultras. Maintenant, ces derniers ont pris le contrôle. Les présidents de clubs ne peuvent pas se permettre de se brouiller avec eux. Pourtant, il est essentiel de faire le ménage dans les tribunes.

Les défauts de sécurité de certains stades ont aussi été exposés au grand jour lors des divers envahissements de terrain. L’installation de filets séparant les supporters de la pelouse a des chances d’être systématisée. Quant aux fumigènes et autres engins pyrotechniques, bien qu’en principe interdits sauf exception, ils sont légion dans les tribunes. La responsabilité des clubs dans ces incidents est clairement engagée.

S’inspirer d’exemples précédents ?

Dans un passé récent, un président de club français a eu le courage d’appliquer une politique radicale visant à l’éradication de la violence de la tribune. Il s’agit de Robin Leproux, Président du PSG de 2010 à 2011. Suite au lynchage mortel d’un supporter parisien aux abords du Parc des Princes lors d’un PSG-OM en 2010, Leproux a opté pour des mesures drastiques. Il a choisi de dissoudre les groupes d’ultras parisiens, notamment les kops de Boulogne et d’Auteuil, et d’instaurer un placement aléatoire dans les tribunes. Cette décision a fait l’objet de vives protestations chez les supporters. Il faudra attendre 2016 pour voir le retour progressif des ultras de la capitale.

L’Angleterre a aussi souffert de graves problèmes de violence dans les stades dans les années 80. Cela a abouti à deux terribles catastrophes : le drame du Heysel en 1985 qui a fait 39 morts, et celui d’Hillsborough en 1989 dont on dénombre 97 victimes. Le point commun de ces deux drames : les comportements des supporters en sont à l’origine. Néanmoins, l’enquête effectuée après le second drame a également mis en évidence les défauts de sécurité du stade et la responsabilité de la police dans cet événement. Les supporters ne sont donc pas les seuls responsables.

Face à ces deux catastrophes, l’Etat prend le contrôle de la situation. Sous l’impulsion de Margaret Thatcher, l’Angleterre mène une politique offensive pour lutter contre le hooliganisme. Opérations d’infiltration dans les groupes de hooligans, fichage des supporters, abolition des places debout dans les tribunes au profit des places assises ou encore hausse du prix des billets. Aujourd’hui les rencontres de première division anglaise ne sont plus le théâtre de débordements semblables à ceux observés en France. Pour autant, on ne peut pas dire que le hooliganisme soit éradiqué en Angleterre comme le montre des incidents lors du dernier Euro de football. Les autorités sont confrontées à un problème complexe.

Le football français est dans l’urgence. La solution miracle n’existe probablement pas, mais des réformes concrètes doivent rapidement être prononcées. Il est inadmissible d’avoir peur pour sa sécurité en allant voir un match de football. Ce sport doit redevenir une fête populaire accessible à tous, et non le spectacle pathétique auquel on assiste en ce moment. Il doit redevenir un espace de communion et non de tension.

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