« La plus grande catastrophe agronomique de ce début de XXIe siècle ». C’est tel que Julien de Normandie (Ministre de l’agriculture et de l’alimentation) décrit la vague de gel qui submerge actuellement les vignobles français. Depuis près de deux semaines, dans l’obscurité de la nuit, les vignerons sont au chevet de leurs vignes. Ils veillent sur elles du couché jusqu’à l’aube, en réalité c’est une question de vie ou de mort pour leurs cépages menacés par le gel.
Des vignes enrhumées
C’est à rien n’y comprendre, 15 jours en arrière l’été semblait presque pointer le bout de son nez. Et bercées et séduites par ce climat très doux, les vignes n’ont pas attendu pour bourgeonner. Mais en pleine croissance cet épisode de gel peut être fatal pour la production viticole. Si rien n’est mis en place, ce sont des mois de travail anéantis en une nuit. Selon le Comité National des Interprofessions des Vins, 80% du vignoble français a été touché par le gel ces deux dernières semaines, le syndicat des exploitants agricoles estime lui, qu’⅓ de la production française a déjà été détruite. Évidemment, les vignerons ne sont pas les seuls martyrs ; les arboriculteurs, les maraîchers font aussi partie des victimes collatérales du gel. Mais entre la sécheresse, la grêle et le gel, les vignobles semblent crouler sous ces épisodes climatiques à répétition.
Certains vignerons sont au bord du gouffre, à ces dérèglements météorologiques s’ajoutent les taxes d’importations (15% à 20%) imposées par Donald Trump en janvier dernier. Et même si le nouveau locataire de la Maison-Blanche, Joe Biden, a suspendu ces taxes au niveau européen, le manque à gagner pour l’année en cours représenterait 600 millions d’euros pour la filière française. Comme si ça n’était pas assez, il semblerait qu’un virus passe également par là. La pandémie et la fermeture des bars, hôtels et restaurants qui en découle freine considérablement les ventes des producteurs viticoles. Une année qui semble déjà falloir oublier pour la filière.
Un problème, une solution ?
Face à cette situation, le gouvernement appelle les vignerons à recourir au régime de calamité agricole. Mis en place depuis 1964, il doit indemniser les agriculteurs ayant subi une perte de récolte ou de fonds en raison des aléas climatiques. Malgré tout, ça ne semble pas être suffisant pour la survie de leur exploitation qui meurt à petit feu, les viticulteurs français tirent la sonnette d’alarme et réclament davantage d’aides. Les pertes sont de l’ordre de plusieurs zéros, 2 milliards d’euros selon les professionnels du secteur et 20 millions d’hectolitres de vin ont déjà intégralement gelé sur pied.
Malgré tout, des solutions existent afin d’assurer la survie des vignes. Néanmoins, elles peuvent être très onéreuses et rapidement épuiser les réserves financières des viticulteurs. Certains ne roulant pas sur l’or, ils assistent impuissants à la mort lente de leur production.
Pour les autres, plusieurs méthodes leurs sont proposées. L’aspersion en est une, technique qui consiste à asperger les vignes d’eau en périodes de gel pour préserver le bourgeon. Pris dans la glace, ce dernier est protégé. Opération délicate, car si la glace dégèle trop rapidement, le choc thermique peut être fatal pour le bourgeon.
Les tours antigels ou éoliennes mobiles, installées de façon continue dans le vignoble, permettent d’uniformiser les températures au sol et en altitude. Un tel dispositif nécessite un lourd investissement, de 30 000€ pour 3 ha à 40 000€ pour 5 ha de couverture. Des hélicoptères peuvent également être déployés pour lutter contre le gel en rabattant la masse d’air chaud (en altitude) au sol. Quelques degrés sont alors gagnés.
L’équivalent du canon à neige existe aussi pour les vignes, les convecteurs à air chaud. Ils fonctionnent au gaz, diffusent de l’air chaud et protègent 0,5 ha par dispositif. Mais la plus médiatisée des solutions des deux dernières semaines semble être les bougies. Peut-être vous êtes-vous réveillés un matin, une odeur de fumée dans les narines. En réalité, elle émane des vignobles voisins. Les bougies sont allumées aux pieds des vignes avant l’aube dans l’espoir de contrecarrer la gelée matinale.
De nombreuses solutions pour un seul objectif, sauver la récolte. Leurs vignobles d’ordinaire touchés par des maladies de la vigne dévastatrices, les viticulteurs doivent désormais faire face à un nouvel adversaire, le réchauffement climatique.
Noa Darcel
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Aspirante JRI, en préparation aux concours des écoles de journalisme. Rédactrice et Pop’Casteuse.