Aujourd’hui, jour de déconfinement, ce fut pour certains la délivrance. Ceux, dont les échanges avec leurs professeurs se résumaient depuis presque 2 mois à une vignette carrée sur un ordinateur. Ceux qui ont, pour certains, perdu leur job et ont des difficultés à joindre les deux bouts. Ceux qui doivent faire le choix cornélien des pâtes ou du riz… Les étudiants. Alors tout est-il vraiment tout noir, est-ce vraiment dur d’avoir 20 ans en 2020 ? Rencontre.
Un espace exigu
L’arrivée dans la vie étudiante est souvent synonyme de départ du cocon familial et tous n’ont pas les moyens financiers de vivre dans un espace immensément grand. Un lit, un bureau, un frigo, des toilettes, quelques espaces de rangement doivent parfois trouver leur place dans 9 petits mètres carrés.
À 20 ans, Oumou Barry étudiante guinéenne en deuxième année de DUT GEA à Nantes peut en témoigner. En résidence universitaire depuis février 2019, elle s’est dit « un peu choquée » lorsqu’elle a découvert sa chambre de 9m2 pour la première fois. C’est avec le temps qu’Oumou a pris ses marques et s’est habituée. Dans un si petit espace, difficile tout de même de distinguer les endroits, le bureau sert de table à manger et le lit parfois de bureau : « Il n’y a pas d’espaces spécifiques pour chaque tâche » reconnaît-elle.
Clémentine Vieira, étudiante en deuxième année à l’ISIC, dispose du double : 18m2. Cette plus grande chambre lui laisse la possibilité de la décorer à sa guise, de se l’approprier « Je m’y sens bien » déclare-t-elle. Elle évoque la nécessité, selon elle, d’avoir un espace dédié pour chaque chose « Pour moi, c’est important de bien avoir des espaces distincts ». Mais alors, logements étudiants et confinement font-ils bon ménage ?
2ème confinement : coup de grâce ?
Le 28 octobre dernier, à l’annonce du second confinement, ce n’était pas forcément la joie pour tout le monde. Rester cloîtrer entre 4 murs et, du matin au soir, être devant son ordinateur avec une maigre sortie autorisée dans la journée, on a vu mieux. Comment réagir ? S’énerver ? Mais contre qui ? Alors, comme exutoire, Clémentine a choisi les larmes « J’ai très mal réagi, j’ai pleuré » avoue-t-elle.
Avec l’expérience du premier confinement, Oumou, n’était elle « pas aussi réticente » mais voyait déjà arriver les longues heures assise sur sa chaise, devant ses cours qu’elle décrit comme « très denses ». C’est difficilement dans 9m2 qu’elle va pouvoir s’évader et penser à autre chose qu’aux travaux à rendre et aux examens qui arrivent : « On ne peut même pas tourner en rond » déclare-t-elle en rigolant. Alors pour voir autre chose que les murs plus que familiers de sa chambre, elle sort, va marcher, prendre l’air.
Le travail semble aussi un bon moyen de ne pas perdre le nord en ces temps moroses. Toutes deux ont gardé leur job étudiant et évoquent la possibilité de « changer un peu d’air » pour Clémentine et “une chance de pouvoir encore sortir” du côté d’Oumou. « Si je n’avais pas mon travail, je me serais vite sentie seule » conclut l’étudiante Nantaise.
Et le moral ? ça va ?
Cet enfermement n’est pas sans conséquences. Selon Professeur Bruno Aouizerate, psychiatre à l’hôpital Charles Perrens de Bordeaux, l’isolement, mais aussi les problématiques liées à l’incertitude de l’avenir dans le contexte sanitaire et la précarité étudiante sont les trois éléments majeurs qui sont susceptibles d’entraîner l’apparition de symptômes comme la tristesse, l’anxiété, l’irritabilité, des difficultés à se concentrer ou encore des perturbations du sommeil.
Cette perte des repères sociaux liée au confinement se ressent à l’Espace Santé Étudiant de l’Université de Bordeaux. « On assiste plutôt à une augmentation du nombre de nouveaux patients » nous dit Dr Marion Lenoir-Roy, Psychiatre à Charles Perrens et détachée pour les consultations psychiatriques à l’ESE. Pour faire face à cette demande supplémentaire, l’Espace Santé Étudiant a revu son agenda avec 25 % de créneaux de consultation disponibles en plus.
Les étudiants paient alors un lourd tribut économique mais aussi psychologique à cette crise sanitaire, dans une période de la vie durant laquelle émancipation et expérience semblent aller de pair. « La fac ce n’est pas que les cours, c’est être en groupe, aller en amphi, vivre des rites initiatiques qui nous font grandir » explique Dr Lenoir-Roy. Oumou et Clémentine sont du même avis : « j’ai l’impression qu’on ne peut pas profiter de notre vie d’étudiante » se confie la bordelaise. « 20 ans c’est les années où tu dois découvrir le monde, tu dois certes être confronté à des défis mais pas au Covid 19 » développe Oumou. Elle relativise néanmoins et ajoute « Je suis plus dans une démarche de comprendre pourquoi […] J’essaie de comprendre au mieux, d’accepter même »
Comment surmonter cette période ?
Mais alors, comment triompher de cette période et ne pas broyer du noir tout au long de la journée ? L’organisation est sans doute la clé « Je me suis fixée un cadre » affirme Clémentine. Délimiter temps de travail et moments pour soi paraît donc essentiel. Selon Doctor Marion que l’on garde souvent pour soi « Quand on décroche en cours, on a le droit de le dire ». Pour cela, de nombreux dispositifs ont vu le jour, la plateforme téléphonique COVIDPSY33 à l’hôpital Charles Perrens, mais aussi, et grâce au financement par la CVEC, la mise en place par l’hôpital d’une équipe mobile qui se déplace sur demande chez l’étudiant.
En tant qu’ami.e, sœur, père, tante ou autre, il est donc important de prendre des nouvelles de nos proches et particulièrement des étudiants. Depuis peu, il est d’ailleurs possible de se former et d’obtenir un diplôme de Premiers Secours en Santé Mentale. « Le plus important, c’est de parler avec ses amis et de ne pas rester seul » admet Clémentine. Communiquer, mais aussi rester optimiste « Il faut toujours se dire qu’il a quelque chose de positif derrière le pire truc » conclut Oumou.
Noa Darcel
Crédits photo : Getty image – ch-perrens.fr
Aspirante JRI, en préparation aux concours des écoles de journalisme. Rédactrice et Pop’Casteuse.