Espagne : Vers une société plus égalitaire grâce au féminisme

Espagne : Vers une société plus égalitaire grâce au féminisme

Jeudi dernier, l’Espagne franchissait un nouveau tournant dans le droit des femmes et des personnes LGBT+ en adoptant une nouvelle loi permettant, entre autres, aux femmes de poser des congés menstruels. Zoom sur un pays avant-gardiste en la matière.

Avortement, « loi trans »… Que dit ce nouveau texte ?

« Les règles cesseront d’être un tabou », « c’est un jour historique pour les avancées féministes ». Jeudi 16 février 2023, voilà une date à marquer pour l’Espagne qui devient le premier pays d’Europe à adopter définitivement une loi créant des congés menstruels pour les femmes souffrant de règles douloureuses. Ces congés menstruels s’inscrivent dans un projet de loi plus vaste en faveur du droit des femmes mais aussi des personnes LGBT+. 

Les femmes souffrant de règles douloureuses pourront poser un congé menstruel. À noter que la loi ne prévoit pas de durée maximale pour ce congé, le médecin le délivrera et en déterminera la durée. Il sera financé par la sécurité sociale. 

Le texte prévoit notamment un renforcement de l’accès à l’avortement dans les hôpitaux publics.  Dépénalisé en 1985 en Espagne, l’avortement a été légalisé en 2010, sous le gouvernement Zapatero. L’avortement est ouvert aux femmes dès 16 ans et surtout, accessible dans les hôpitaux publics. Mais l’Espagne est un pays où, fidèle à sa tradition, le catholicisme reste encore très présent. Ainsi, l’accès à l’IVG n’est pas sans embûches. La large majorité des avortements réalisés en Espagne sont faits dans des cliniques privées. En effet, dans les hôpitaux publics, il arrive régulièrement que les médecins refusent de pratiquer ce genre d’intervention pour raisons religieuses.

Enfin, dernier volet de ce nouveau texte : la loi sur l’autodétermination du genre. Surnommé « loi trans » par le gouvernement, ce volet aura été la source des plus gros débats, et des plus grosses ruptures au Parlement mais aussi au sein même du mouvement féministe.

Cette loi permet désormais aux Espagnols de pouvoir changer de genre sur leurs papiers d’identité officiels et ce, par une simple déclaration administrative. Un changement majeur puisque l’aspect médical est totalement occulté : plus aucune preuve n’est à fournir. Le changement de genre est accessibles aux personnes de plus de 16 ans de façon entièrement libre. Pour la tranche des 14-16 ans, un accord parental est nécessaire tandis que pour les plus jeunes âgés de 12 à 14 ans, il faudra une autorisation de la justice.

Alors que la loi sur l’avortement et celle sur le consentement féminin ont reçu le soutien de la majeure partie de la société, la « loi trans » a profondément divisé. Le journal espagnol El País écrit « Aucune loi n’a provoqué plus de tensions et de ruptures majeures au Parlement, entre les membres de la coalition [gouvernementale], au sein de parti socialiste lui-même, et dans le mouvement féministe, dont une partie a été jusqu’à faire sécession, en raison de son opposition à la législation ».

Néanmoins, comme l’ont pointé certains médias espagnols, la ménopause n’est nullement mentionné dans ce nouveau texte. De quoi laisser une marge pour de nouvelles avancées dans la reconnaissance de cette pathologie qui concerne tout de même 8 millions de femmes en Espagne (chiffres de 2017 – womens.es), un chiffre non négligeable. 

 

Quelles évolutions en Europe ? 

En matière de droits des femmes, l’Espagne se place en haut du podium européen et est devenue une référence en la matière. En fin d’année dernière, une loi sur le consentement féminin avait été adoptée. Elle stipulait que pour avoir des relations sexuelles avec une femme, son consentement devait être manifesté de façon explicite. « C’est réellement révolutionnaire, dans le sens où c’est désormais à l’homme de démontrer que la femme était d’accord », déclare Carole Viñals, maîtresse de conférences à l’université de Lille et spécialiste du féminisme et de l’Espagne contemporaine au journal Ouest-France.

Le projet de loi a été adopté par les députés du gouvernement de Pedro Sanchez, gouvernement de gauche composé de plus de femmes que d’hommes. Un détail significatif pour le pays puisque l’Espagne oeuvre depuis un moment pour le droit des femmes, devenant ainsi un pays avant-gardiste en la matière en Europe.

Pour la ministre de l’Égalité, Irene Montero, c’est la fierté qui prime : « c’est un jour historique pour les avancées féministes » déclare-t-elle sur Twitter. 

En Europe, une loi offrant la possibilité d’un congé menstruel est une première. Pour autant, cela existe déjà dans d’autres pays du monde tel que le Japon, l’Indonésie ou encore la Corée du Sud. Au Japon par exemple, il n’est pas payé mais sans limite de temps, toutefois, celui-ci est rarement pris. 

Néanmoins, cela reste un débat dans bon nombre de pays. Exemple en Suède : en 1972, le pays avait légalisé le changement de genre, faisant de lui le premier à l’autoriser. La Suède est revenue sur ses pas en interdisant les traitements hormonaux ainsi que les mastectomies aux personnes de moins de 18 ans.

Même situation en Écosse, la loi dite sur la réforme de la reconnaissance du genre a été « bloquée » par le gouvernement britannique. Le motif ? Une potentielle influence « négative grâce » sur la législation du Royaume-Uni. 

Malheureusement, aujourd’hui rien n’est acquis et nous ne sommes pas à l’abri que le progrès soit aussi un retour en arrière.

Tandis qu’en France était débattu l’inscription dans la Constitution du droit à l’avortement, des députés du groupe Europe Écologie Les Verts ont lancé une concertation pour la création d’un potentiel congé menstruel en France dans le but de « nourrir le débat avec des organisations syndicales et féministes ». Si la classe politique se dit pour, nous sommes encore bien loin de l’adoption du texte. 

 

© M W de Pixabay

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