Dans la nuit du 23 au 24 mars, l’Ever Given, un porte-conteneurs de 400 mètres de long, s’est retrouvé bloqué en travers du canal de Suez. Le cargo a bouché une artère primordiale du commerce maritime mondial. Après une semaine, la situation commence à se débloquer…
L’Ever Given, navire de 220 000 tonnes avec une capacité de 20 000 conteneurs, est parti à la dérive mardi 23 mars au soir. Le cargo arrivait de Chine et se rendait à Rotterdam. À l’embouchure du canal de Suez, pris dans des rafales de vent et de sable, les membres de l’équipage ont perdu le contrôle et le bateau a dévié sa trajectoire. Le porte-conteneurs bouche les deux sens du canal depuis maintenant une semaine.
En 1867, Ferdinand de Lesseps a imaginé un passage qui relirait les ports d’Asie et d’Europe. Le canal de Suez c’est 193 kilomètres de distance, 19 000 navires qui traversent chaque année, 5,61 milliards de dollars de revenus pour l’Egypte et un raccourci de 6 000 kilomètres. L’Ever Given a mis en pause tout ce trafic maritime… Selon Lloyd’s list, 9,6 milliards de dollars de marchandises sont bloqués dans plus de 400 bateaux. La remise à flot du cargo se fait attendre…
Les 25 membres de l’équipage sont sains et saufs. Malgré le choc de la coque du bateau avec la rive, aucune fuite de carburant n’a été détectée, ni dommage quel qu’il soit. La cargaison reste intacte. Plusieurs compagnies dont les bateaux sont en attente se posent des questions quant à des « options de remplacements » déclarent Maersk, compagnie danoise et Hapag-Lloyd, compagnie allemande. Contourner le problème ou attendre qu’il soit résolu ?
La seule solution serait de mettre le cap vers Bonne-Espérance. Un détour de 9 000 kilomètres est à prévoir soit 10 jours de navigation supplémentaires. Nikolaï Korchounov, un responsable de la diplomatie russe : « [Le blocage du Canal de Suez] a mis en lumière la nécessité avant tout de la poursuite du développement de la route maritime du Nord ». Le gouvernement russe a profité de la situation pour promouvoir une voie située dans l’Arctique russe devenue praticable depuis le réchauffement climatique.
L’incident a d’ores et déjà impacté l’économie mondiale. Le prix du baril s’est envolé : une hausse de 6% au cours de la journée de mercredi 24 mars. Le canal de Suez concentre 10 à 12% de volume du commerce maritime mondial chaque année. Il est l’intermédiaire entre les usines d’Extrême-Orient et celles d’Europe. Le pétrole demeure une marchandise prédominante. Les craintes concernant l’approvisionnement en hydrocarbures se font ressentir.
Creuser, creuser, creuser
La force des vents a entrainé le navire contre la rive. L’Ever Given s’est ensablé, le seul moyen de l’en extraire est de creuser. Depuis mercredi 24 mars, SCA (autorité égyptienne du canal de Suez) tente de dégager le bateau à l’aide de remorqueurs et de dragues pour briser les rochers. Entre 15 000 m 3 et 20 000 m3 de sable sont à retirer pour atteindre une profondeur de 12 mètres à 16 mètres et donc, remettre le cargo à flot.
Le jour de l’incident, le propriétaire du bateau et SCA pariaient sur une remise à l’eau le lendemain : « demain dans la soirée à l’heure japonaise ». Optimiste à la vue de la situation actuelle. La société mandatée pour le sauvetage du bateau semblait plus prudente et avait déclaré : « des jours, voire des semaines » avant la reprise du trafic. Le temps est compté. Si le navire reste trop longtemps dans le sable, il devra être déchargé d’une partie de sa cargaison, d’eau et de fioul.
Crédits : Reuters
Les États-Unis apportent leur aide en envoyant une équipe d’experts de l’US Navy. La Turquie fait de même et met à disposition un remorqueur. Finalement, la première tentative échoue. La BSM, compagnie basée à Singapour qui assure la gestion technique du navire, annonce que « d’ici le 28 mars, deux remorqueurs supplémentaires [aux 8 initiaux] de 220 à 240 tonnes » seront de la partie.
Yvon Mounes, spécialiste du sauvetage en mer, est atterré devant la situation « Par rapport à toutes les opérations de sauvetage que j’ai pu faire, celle-là m’a l’air d’une simplicité déconcertante. […] On retire le sable et le bateau se remet naturellement à flotter ! »
Lundi 29 mars, l’Ever Given bouge. « L’arrière du navire s’est éloigné de 102 mètres de la rive alors qu’il était à quatre mètres seulement » affirme SCA. Le navire serait remis à 80% dans la bonne direction. Non pas 10 remorqueurs mais 12 ont été mobilisés. Le président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi tweete fièrement « Aujourd’hui, les Egyptiens ont réussi à mettre fin à la crise du navire échoué dans le canal de Suez, malgré l’énorme complexité technique entourant ce processus ».
15h15 heure française, l’Ever Given a repris sa route ainsi que tous les bateaux qui attendaient derrière lui. Le trafic maritime se rétablit peu à peu. Cet incident dévoile le rôle majeur du commerce maritime, l’impact économique dès que le trafic est perturbé mais aussi la nécessité d’avoir une voie d’accès alternative.
Camille Juanicotena
Crédits photo : Satellite image 2021 Maxar Technologies / AFP
Étudiante en M1 Nouvelles Pratiques Journalistiques à Lyon 2, mon but est de devenir journaliste. J’écris sur tout ce qui m’intéresse de la politique à la télé. Tout sujet est bon à traiter.