Nouvelle année, nouvelle résolution : en 2021, la Chine se débarrasse définitivement de son image de poubelle du monde. Loin d’être anodine, cette décision bouscule l’organisation mondiale en matière de retraitement des déchets, mettant les pays riches face aux problèmes liés à la surconsommation.
La fin d’une ère
Le 1er janvier 2021, les frontières du plus gros importateur de déchets se fermaient officiellement aux détritus provenant de l’étranger. Cette mesure finalisait un processus qui avait débuté en 2017. La Chine avait alors drastiquement réduit ses importations, en interdisant 24 types de déchets (certains matériaux plastiques, textiles, papiers…).
Outre l’objectif évident de montrer son engagement en matière d’écologie, le gouvernement chinois souhaite aussi se concentrer sur le recyclage de sa propre production de déchets qui est bien assez suffisante pour occuper les usines du pays.
Provenance des importations de déchets en Chine – Crédits : ScienceAdvances
Quelles répercutions ?
En 2017, les mesures prises avaient eu des effets catastrophiques aux quatre coins de la planète. Pour les gros producteurs de déchets (Europe, États-Unis, Australie) c’était tout un secteur qu’il avait fallu réorganiser. En effet jusqu’alors l’Europe ne traitait que 50 % de ses déchets. Inutile de préciser où était envoyée l’autre moitié de ce chiffre. La facture était encore plus salée pour les États-Unis, qui chaque année expédiaient plus de 17 millions de tonnes d’ordures en Chine. Pris de court, les pays riches n’ont eu d’autre choix que de s’occuper d’un souci qu’ils avaient évité de regarder en face. Ils se sont d’abord tournés vers les pays asiatiques voisins : le Vietnam, la Malaisie et l’Indonésie. Mais face à l’afflux massif de déchets, des restrictions ont très vite été prises par les gouvernements concernés. Retour à la case départ pour les pays occidentaux, qui ont cherché du soutien sur le continent Africain. Le président américain Donald Trump s’est rapproché du Kenya, en proposant au pays un « plastic deal ». Celui-ci aurait permis au géant américain d’exporter chaque année 500 millions de tonnes de plastiques à recycler, soit la moitié de ce qui était envoyé vers la Chine par le passé. La Turquie quant à elle est devenue la principale destination d’envoi de matériaux à recycler pour l’Europe. À défaut de mesures concrètes, les grands producteurs de déchets n’ont fait que déplacer la source du problème. Mais avec cette nouvelle annonce chinoise, les pays d’Asie du Sud-Est s’attendent à voir une nouvelle vague de déchets les envahir. Reste à voir si les pays riches auront mieux anticipé cette seconde décision.
Où vont nos déchets ?
Cette crise aura au moins permis de dévoiler au grand jour la face cachée du recyclage. En 2016, 2 milliards de tonnes de déchets ont été produites dans le monde et selon des prédictions de la Banque Mondiale, ce chiffre s’élèvera à 3,4 milliards de tonnes en 2050. Ces statistiques font d’autant plus froid dans le dos lorsque l’on se penche sur les conditions de retraitement des déchets.
Depuis des dizaines d’années, dans un souci écologique, les déchets sont envoyés dans les pays d’Asie de l’Est pour être traités et recyclés. En exportant leurs déchets à l’étranger, les pays riches consomment sans avoir à se soucier des conséquences dramatiques que cela provoque. En effet, au-delà de l’impact environnemental causé par les déchetteries à ciel ouvert où sont triés les détritus, cette industrie du recyclage contribue à précariser les travailleurs et entretient des réseaux violents. Elle permet l’enrichissement des mafias locales aux dépens du reste de la population. Celle-ci est contrainte de travailler en subissant les pollutions qui se dégagent des décharges et des incinérateurs servant à brûler les déchets, s’exposant ainsi à de nombreuses maladies respiratoires.
Source : wastetradestories.org
Comment s’en sortir ?
Cette crise prouve l’urgence d’agir. Il est grand temps que le recyclage devienne une préoccupation majeure pour les gouvernements et que les pays se dotent d’infrastructures suffisantes pour être en capacité de retraiter leurs déchets. De ce côté-là, les restrictions chinoises ont permis un début d’engagement en Europe. Selon Patrick Kornberg, président de Federec métaux non ferreux, l’Europe entre dans une période de transition et investit pour être capable de traiter les déchets sur le continent. Le 1er janvier 2021, la Commission européenne a fait appliquer un nouveau règlement concernant les transferts transfrontaliers de déchets plastiques. Il s’agit de contrôler davantage l’exportation de ces matériaux et de limiter ces transferts aux pays membres de l’OCDE*. Une petite avancée donc puisqu’elle se limite aux matières plastiques mais qui montre une prise de conscience européenne.
Après quarante ans de retraitement de déchets, la Chine se retire de la scène mondiale du recyclage. Cette décision marque un tournant important qui donne l’occasion aux principaux acteurs d’assumer enfin leurs responsabilités et d’inverser la tendance.
*L’OCDE réunit des pays Membres et différents partenaires qui travaillant en collaboration des problématiques internationales clés de notre temps.
Telma Valero
Crédits photo : Christopherteh
Étudiante en information communication et espagnol, toujours prête à m’exprimer sur les sujets qui me touchent !