Organisée dans le cadre de « Néo Terra, le festival des solutions », la conférence « Comment accélérer les transitions ? » a réuni acteurs et spécialistes de l’agriculture et de l’agroécologie, jeudi 28 novembre à Bordeaux. Un débat qui a rappelé l’importance de la protection de l’environnement dans ces domaines, mais comment l’écologie peut arriver à se faire une place, dans un contexte de crise agricole absolue ?
« Nous crevons sous les papiers à remplir, sous les contrôles, nous crevons à tous les niveaux » s’exclame Thierry, agriculteur cenonnais de 54 ans, qui s’est rendu au Hangar Darwin en quête de réponses. Inquiets et révoltés face au potentiel accord entre le MERCOSUR (Marché commun du Cône sud) et l’UE, qui pourrait les placer dans une concurrence déloyale, les agriculteurs se confrontent à un casse-tête : assurer la préservation de la nature avec la fabrication de produits bio, tandis que les normes, les contraintes et les difficultés financières ne cessent de s’écraser sur eux.
Une solution se présente à eux : l’agroécologie, une agriculture qui utilise au maximum la nature comme facteur de production, tout en maintenant ses capacités de renouvellement. Sophie Devienne, agroéconomiste, spécialiste des systèmes agraires, détaille ses bienfaits devant les 200 spectateurs, curieux d’en savoir plus : « L’agroécologie est vraiment une solution à la fois parce qu’elle permet d’avoir un niveau de production relativement stable, tout en étant résiliente face au changement climatique en maximisant la fertilité des écosystèmes et de sols, ce qui engendre beaucoup moins de coûts pour les agriculteurs bio. » Cependant, qui dit création de produits bio dit plus de main d’œuvre et moins de rendement, ce qui entraîne un surcoût et des prix moins attractifs que la concurrence délaissant le bio.
Les agriculteurs bio délaissés ?
Romain Espinosa, chercheur en économie au CNRS, prend le micro et propose « la taxation des subventions » afin de limiter l’écart et répondre à la fois aux problèmes écologiques et économiques : « Plus vous polluez, plus vous serez taxé. Je sais qu’actuellement ce n’est pas très populaire, mais ce qu’il se passe sans ça, c’est qu’on laisse les agriculteurs qui essaient d’être le plus vertueux dans une logique de marché où les consommateurs n’ont pas d’intérêt à acheter leurs produits plus chers » affirme-t-il.
Les inquiétudes écologiques autour de l’agriculture ne viennent pas de nulle part. À l’échelle mondiale, en 2022, le premier mètre d’un sol de France métropolitaine renfermait deux à trois fois plus de carbone que l’atmosphère et trois à sept fois plus que la végétation d’après une étude de l’INSEE et de l’UNICEM. Des chiffres pour le moins alarmant, mais pas pour tous, comme le dénonce en aval de la conférence Gaspard Koenig, philosophe auteur du livre « Agrophilosophie », qui évoque à notre micro un paradoxe politique anti-écologique du côté de la droite : « J’ai fait un débat le 16 novembre avec Céline Imart – la numéro deux LR au Parlement européen – ancienne agricultrice, qui me disait que les sols vont bien et voilà point. Pourtant des études scientifiques comme celle de la Commission européenne, montrent le contraire, mais elle me dit qu’il y a d’autres études. Il y a dans le camp de la droite un obscurantisme qui très paradoxalement se revendique du progrès et de la science. »
Le bio divise les classes politiques, mais les avancées de l’agroécologie laissent un espoir aux agriculteurs, qui pourraient, dans un futur proche, trouver refuge dans cette pratique limitant les dépenses et l’avancée du dérèglement climatique. Aujourd’hui, la priorité pour eux est de combattre l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le MERCOSUR, véritable menace pour l’agriculture bleu, blanc, rouge.
Steven Tayant
Crédits photo : Steven Tayant
Étudiant en L3 Information-Communication/Espagnol. Passionné par la géopolitique, la musique mais surtout par le sport, j’aspire à devenir journaliste sportif et en attendant, écrire me permet d’affiner ma plume !