Charlie Hebdo : la blague de trop ? Zoom sur l’affaire Pélicot

Charlie Hebdo : la blague de trop ? Zoom sur l’affaire Pélicot

Après des semaines de procès, Gisèle Pélicot prend enfin la parole face à son ex-mari, Dominique Pélicot, et les 50 autres co-accusés qui l’ont violée. Des médias du monde entier couvrent l’évènement. New York Times, Der Spiegel, El Pais, autant de grands noms de la presse qui traitent ce sujet avec minutie. Puis vient Charlie Hebdo, traditionnelle usine à polémique, qui ne manque pas de faire une nouvelle fois parler de lui. 

“La façade est solide, mais à l’intérieur, c’est un champ de ruines” déclare Gisèle Pélicot avec une voix douce. Un contraste d’autant plus marqué au vu de la violence de la situation.

Le procès des viols de Mazan, ce sont 51 hommes accusés et de nombreux chefs d’accusation dont : viol avec plusieurs circonstances aggravantes ou encore viol commis en réunion.

Ce procès, c’est une femme victime d’innommable horreurs qui ont duré de nombreuses d’années. La même femme, qui, depuis des semaines, subis les vidéos, les témoignages, les passages de ces hommes qui l’ont agressées pendant plus d’une décennie. Gisèle Pélicot, par sa force et son courage, devient une figure de ces combats et arrive à rester stoïque malgré des propos à en tomber de sa chaise. « On a regardé la vidéo et elle a apprécié » (Vincent C, Co-accusé) “la plupart des accusés n’ont pas le profil criminologique de violeurs en série » (venant de l’expert psychiatre alors que plusieurs hommes sont poursuivis pour pédocriminalité ou ont des antécédents d’agressions/violences sexuelles) « Pour moi, elle faisait semblant de dormir » (Simoné M, co-accusé). 

Ce procès, c’est une nouvelle page de l’histoire qui s’écrit. 

Ce procès, il est pour toutes les femmes qui sont dans la même situation, mais qui n’osent pas en parler. 

« La honte doit changer de camp » déclare son avocat et c’est pour cette raison que Madame Pélicot a choisi que la procédure soit en audience publiqueUn choix qui montre une volonté de mettre en lumière cette part d’ombre qui touche un sujet concernant un grand nombre de femmes et malheureusement trop souvent passé sous silence. 

Un silence que Charlie Hebdo ne connaît pas. 

 

Le flirt constant entre critique et polémique

Charlie Hebdo est un hebdomadaire, comme son nom l’indique, fondé en 1970. Il se revendique comme “journal d’opinion, libre, politique, satirique et joyeux”.  Libre et Joyeux. Quelle drôle d’idée. Choix de mots plutôt étrange lorsque le journal sortira trois planches montrant explicitement une femme inconsciente dans une position où elle est en train de se faire agresser, faisant référence directement à l’affaire Pélicot. 

Le 3 septembre, soit le lendemain du début du procès, le média publie sur son compte Instagram (@charlie_hebdo_offciel), deux caricatures. La première est la une d’un numéro hors série. Il représente Emmanuel et Brigitte Macron. La femme a les jambes écartées et revêt un porte-jaretelle. Elle a un visage complètement hagard et la légende marque “soumission chimique […]” qui fait écho à l’affaire.

Le lendemain rebelote. Une nouvelle caricature est publiée sur le réseau social. Cette fois-ci, c’est Marianne qui est représentée en train de subir une sodomie. Des hommes sont en file indienne derrière elle et attendent leur tour pour passer à l’acte. Cette planche suscite de vives critiques parmi les internautes. “C’est dégueulasse”, “La honte ce dessin”, « L’indécence à son paroxysme” : voici quelques réactions retrouvées dans l’espace commentaires. Cette vague de haine ne les a pas empêchés d’en publier une nouvelle. La caricature met clairement en scène la victime, son ex-mari et ses agresseurs, en légendant “l’Amour Ouf, un film de Dominique Pélicot” en reprenant le film du même nom produit par Gilles Lellouche et décrédibilise totalement le combat mené. Sur Twitter, le post fait 8 millions de vues et provoque un tollé encore une fois. Jusqu’où compte aller le journal dans la publication de ces dessins ? 

 

La liberté des uns, s’arrête-t-elle ou celle des autres commencent ? 

On le sait, Charlie est là pour choquer. On ne compte plus le nombre de polémiques que le journal collectionne à cause de l’immoralité de certains de ses dessins. Les critiques se limitent souvent à l’indignation de médias et d’internautes sur les réseaux sociaux, mais peuvent aller beaucoup plus loin. Tout le monde se rappelle du triste événement du 7 janvier 2015 qui a coûté la vie de Charb, Cabu, Wolinski, Honoré et Tignous. Tout ça à cause de simples caricatures.

Entre les accusations considérées comme blasphématoire, la banalisation de la culture du viol ou encore le traitement “spécial” des sujets sensibles, on arrive au questionnement de la liberté d’expression. Charlie Hebdo se positionne en grand défenseur de celle-ci. Mais peut-on vraiment parler de liberté d’expression quand on se moque ouvertement d’un combat de millions de femmes en France et à travers le monde? 

Dans l’hexagone, les libertés de presse et d’expression sont des valeurs primordiales au journalisme. À celles-ci, devrait peut-être s’ajouter le respect. 

Le respect d’une femme, qui s’est fait droguer pendant des années et abusé sexuellement par la personne qu’elle aimait le plus et des dizaines d’inconnus. Une femme qui, même avec tout ce qu’elle a subi, fait preuve d’une grande résilience et qui aura encore besoin de s’armer de courage pour faire face aux publications de Charlie Hebdo. 

Quelles sont les prochaines limites que le journal décidera d’atteindre ? 

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