C’est dans les coulisses de la Boulangerie de l’Hôtel de Ville où les murs sont couverts de farine que nous avons pu rencontrer le directeur Grégory Lacolonge. Maison lyonnaise importée dans la ville de Bordeaux, il nous en a livré tous les secrets. Le succès d’une histoire d’amitié, recettes signatures, et philosophie seront abordées. Récit.
Philippe et Grégory histoire d’amitié
Depuis maintenant dix ans, Grégory Lacolonge est à la tête de la Boulangerie de l’Hôtel de Ville. Située entre la place de la mairie et la cathédrale, une bonne odeur de brioche à la praline s’échappe des cheminées. Ce petit endroit regorge de souvenirs d’antan, de chaleur et de générosité. Son fondateur, Philippe-Marc Jocteur, lyonnais pure souche, a ouvert sa première affaire en 1991 à l’île Barbe à Lyon. Cet homme de presque 60 ans aujourd’hui, est issu d’une famille d’agriculteurs, une mère agrégée de français et un père parti bien trop tôt. C’est à 16 ans qu’il décide de prendre sa vie en main et de devenir boulanger. Son apprentissage se fait dans des maisons parisiennes, puis le grand groupe Banette l’embauche. Son âme de boulanger se dessine alors petit à petit.
Dans les années 90, Grégory Lacolonge vivait non loin de la charmante île Barbe lyonnaise. Parisien, il commence par étudier l’économie puis réalise un master dans le sport. Pendant une dizaine d’années, il fut commercial pour la marque Puma mais comme il le dit « J’avais envie d’autre chose […], [envie] de quelque chose avec du sens, du concret, du réel ». La proximité entre ces deux amoureux de la vie, leur a permis de se rencontrer de nombreuses fois autour d’un café ; « on s’est vu une fois, puis 2, puis 10 puis 100 ». Un lien fort s’est créé et la crème chantilly est montée !
Philippe-Marc Jocteur adorait la ville de Bordeaux, il savait que son ami Grégory y avait déjà vécu c’est pour cela que « sur une boutade il [lui dit], j’adore Bordeaux, trouve-moi une boutique et on fait une boutique ! »
20 ans et une phrase de comptoir plus tard, la Boulangerie de l’Hôtel de Ville est née. Grégory Lacolonge nous confie qu’il avait déjà pour projet d’ouvrir un salon de thé seul, Philippe-Marc Jocteur lui a simplement tendu une perche qu’il s’est empressé de saisir. Ouvrir un commerce de bouche avec une telle entité est un vrai pari pour la Maison. « On [avec Philippe] est parti ensemble sur un tandem » pour développer ce commerce de bouche au cœur d’une ville bordelaise où personne ne les connaissait. L’emplacement dans le centre historique répond aux « codes Jocteur » (proche de monuments historiques, quartier Pey Berland). La Maison Jocteur a par exemple eu une boutique pendant 12 ans aux Invalides à Paris. Le directeur se livre à dire que s’il n’avait pas vécu ces 3 ans à Lyon, il n’en serait pas là.
Comme chez mamie
La Boulangerie de l’Hôtel de Ville est devenue un lieu incontournable de Bordeaux. Lieu en apparence désuet qui renferme une multitude de surprises tant gourmandes que visuelles. A l’entrée, les odeurs de bois vieilli et de pain grillé envahissent tout le volume de la boutique. Ce décor vintage, intemporel et indémodable est le parti pris par Grégory et Philippe, sans pour autant « trop en faire ». Ce cocon d’époque révèle les valeurs de la Maison : la chaleur humaine. A titre personnel, le directeur nous glisse qu’il aime chiner et nettoyer ces « vieilleries », « on se sent comme chez mamie ». L’ambiance et le concept de l’endroit lui donnent une personnalité, une âme propre à elle-même. La réussite de cette boulangerie est aussi un coup de chance, « on est arrivé au bon moment ». Le centre de Bordeaux était plus ou moins désert lors de leur installation, ce qui a joué en leur faveur.
Mamie gâteaux oui mais lesquels ? L’équipe de Grégory Lacolonge prépare chaque jour une multitude de généreux mets boulangers : cakes, cookies, fondants, pain etc. Il nous précise que la gamme de produits se divise en quatre sections : les gâteaux boulangers (sans aucun « snobisme » souligne-t-il), le pain, le salé et les produits dérivés (miel, et autres marchandises non créées sur les lieux). Rien de compliqué dans la saga sucrée, « quand j’étais enfant, à la boulangerie, on achetait un éclair, un mille-feuille, des viennoiseries » et c’est tout. Un boulanger n’est pas un pâtissier. Des recettes signatures font la renommée de la Maison tel que tout le travail autour de la praline rose de Lyon. Cette délicate amande enrobée de sucre coloré en rose sublime les tartes et les brioches. Les bordelais viennent pour déguster « l’originale », les boulangeries des alentours ayant repris l’idée.
Créativité et renommée
Un bon gâteau, un bon pain ou une bonne tarte cache un bon produit de base. Grégory Lacolonge est attaché au fait de « travailler avec bon sens ». La boutique suit les saisons de fruits par exemple ; « on ne fait pas de la fraise ou de la figue en hiver ». Pas de bio mais peu de fournisseurs et des fournisseurs français. La boutique de Bordeaux et celles de Lyon (deux autres existent en plus de la Maison Mère), travaillent avec seulement quatre fournisseurs : lyonnais, normands et bordelais comme le grossiste Laplace. C’est un choix stratégique assumé : Jocteur et son adjoint préfèrent passer de grosses commandes à quatre entreprises plutôt que de les démultiplier.
Au sein des quatre boutiques Jocteur de France, 80% des produits proposés sont les mêmes. Une ligne de conduite est très ancrée notamment pour poursuivre le développement de la Maison Mère et la transmission de ses valeurs. Les différentes boutiques sont tout de même libres d’innover en lançant de nouvelles créations.
« J’ai créé quatre gâteaux notamment un avec mon premier pâtissier Antoine : le millionnaire. C’est un palet breton avec du chocolat et du caramel et aujourd’hui c’est une de nos recettes signatures ».
Ces déclarations vous font saliver n’est-ce pas ? Elles ont aussi fait envie au monument de la gastronomie française : le chef Paul Bocuse (décédé en janvier 2018). Depuis plus de 30 ans, la Maison Jocteur continue de fournir le pain à ses restaurants. A Lyon, les boutiques collaborent avec une cinquantaine de restaurants tout comme la boutique de Bordeaux. Le Mama Shelter est un des très fidèle client de la Maison « ce qui montre une linéarité dans les produits ».
Derrière l’image champêtre de la boutique, se cachent les coulisses et son effervescence. 18 salariés dont quatre boulangers et trois pâtissiers remplissent de douceur nos estomacs demandeurs. Grégory Lacolonge, se positionne en tant que « chef d’orchestre », son rôle est de vérifier que tout le monde est à son poste et que chacun joue correctement de son instrument. De 2010 à aujourd’hui les équipes ont bien changé. Le directeur, de façon transparente, s’assure du bon fonctionnement et de la bonne entente des salariés, si ça ne marche pas on change affirme-t-il. En ce qui concerne les invendus, « on est contraint de les jeter […] on essaie de trouver des alternatives pour gaspiller le moins possible ».
L’âme lyonnaise d’une boulangerie d’antan a fait valser les papilles des bordelais. Philippe Jocteur et son associé Grégory Lacolonge sont fiers des valeurs transmises à travers leurs boutiques. La chaleur, la convivialité et les produits de la Maison sont le symbole d’un véritable succès. Cet ancien commercial parisien a gagné son pari. Aujourd’hui il nous confie qu’ « [il a] le cœur lyonnais ».
Adresses des lieux mentionnés :
* La Boulangerie de l’Hôtel de Ville : 76 rue des Trois-Conils, 33 000 Bordeaux
* Maison Mère : 5 place Henri Barbusse, 69 009 Lyon
Camille Juanicotena
Crédits photos : Pixabay
Étudiante en M1 Nouvelles Pratiques Journalistiques à Lyon 2, mon but est de devenir journaliste. J’écris sur tout ce qui m’intéresse de la politique à la télé. Tout sujet est bon à traiter.