Quand l’imaginaire ne suffit plus à écrire des histoires, le réel s’invite dans l’esprit des auteurs. Si la littérature permet de s’évader, elle retranscrit aussi un contexte où actualités et faits divers marquent le trait d’une société. À l’instar des Rougon-Macquart d’Émile Zola qui représentaient les dysfonctionnements des classes sociales, les auteurs continuent de s’inspirer de phénomènes sociétaux pour leur fiction.
Le reflet de la société
Violences conjugales, faits divers, prises de pouvoir, oppression des femmes, crise sanitaire… Les œuvres de fiction dépeignent le malaise dans lequel les individus s’inscrivent et s’identifient par le biais du roman, qui se fait miroir de notre société.
La rentrée littéraire signe cette tendance par des romans largement inspirés de la situation économique, politique et sociale de la France et d’ailleurs. Retour sur ces ouvrages lassés et écœurés de cette actualité ouvrant une fenêtre sur la réalité de notre civilisation.
Femmes et enfants : des victimes de violence
Marie-Pierre Lafontaine ouvre cette sélection avec son roman autobiographique Chienne : l’histoire d’une enfance détruite par un père abusif. Un texte faisant largement écho à la hausse de 50% des violences sur enfants constatée dès la première semaine d’avril 2020, au début du 1er confinement, au 119, le numéro de l’enfance en danger.
Quant à Alissa Wenz, dans son roman À trop aimer, elle décrit une relation toxique dans laquelle la femme est victime et l’homme bourreau… Un scénario qui renvoie aux violences sexuelles et psychologiques faites aux femmes. Un phénomène dont de nombreuses associations en font leur combat – telles que la Fédération Nationale Solidarité des Femmes (FNSF) ou l’ACV2F, association girondine.
Vient ensuite l’histoire touchante La laveuse de mort, écrite par Sara Omar, une immigrée kurde du Danemark. L’auteure dénonce « l’oppression dont les femmes sont victimes, de leur naissance à leur mort dans les communautés religieuses conservatrices ». Ce roman a suscité un retentissement au sein de la communauté danoise. Même si le gouvernement souhaite avancer sur les questions du viol et des violences faites aux femmes, ce problème sensible et délicat n’évolue pas, ou peu.
Dans cette même idée, nous retrouvons l’ouvrage Les Orageuses de Marcia Burnier qui dessine une solidarité féminine naissante face aux agressions sexuelles, une histoire à laquelle de nombreuses femmes peuvent s’identifier. Une spirale traumatisante qui inspire bien d’autres auteur.e.s dont Kate Elizabeth Russel avec Ma sombre Vanessa, Sept gingembres de Christophe Perruchas et Sale Bourge de Nicolas Rodier.
Des scénarios au cœur des tabous, synonymes d’une société patriarcale où toute une mentalité est à revoir.
La pression sociale et professionnelle
Entre ambition de carrière, développement personnel et horloge biologique, les femmes sont soumises à une telle pression qu’il est parfois difficile de s’en défaire. L’Intimité, roman d’Alice Ferney, raconte l’histoire d’une femme qui s’émancipe des schémas traditionnels pour devenir la personne qu’elle veut être. Cette comédie, derrière sa vérité apparente, dénonce en demi-teinte l’inégalité entre les hommes et les femmes : «l’utérus est l’ennemi numéro un de l’égalité, l’organe sexiste par excellence».
La politique dans le roman
American Dirt, de Jeanine Cummins relate une histoire de migration latine, du Mexique vers les États-Unis d’Amérique pour échapper à la misère et à la violence. Une hymne « poignant aux rêves de milliers de migrants qui risquent chaque jour leur vie » pour une existence meilleure.
Dans un autre registre mais tout aussi révélateur de notre société, David Dufresne, dans son premier roman intitulé Dernière Sommation, s’est emparé d’un sujet qui stimule les médias depuis les manifestations des Gilets jaunes en France. Un roman écrit dans l’urgence « pendant les faits, comme une biographie de l’actualité, comme une traversée du réel ». Il invite à se questionner sur les «dérives autoritaires du maintien de l’ordre en France » et amène le lecteur dans sa réflexion.
Manifestation à Marseille, 08/12/2018/ Boris Horvat
1984, récit d’anticipation et symbole d’opposition dans la gestion de la crise sanitaire
Le célèbre récit de George Orwell, 1984, quant à lui narre un régime totalitaire abolissant les libertés personnelles que nous retrouvons dans les administrations autocratiques encore en place dans quelques pays du monde. Mais George Orwell fait également référence au ‘Big brother’, au pouvoir totalitaire et à la restriction de liberté. Cette œuvre 1984 résonne étrangement avec l’ère de la Covid-19. La maladie est même surnommée par le #Covid1984, amenant à réfléchir sur la « technopolice qui est en train de s’installer en France ».
Quand les auteurs s’inspirent du réel, ils deviennent des auteurs engagés et de leur plume, ils dénoncent l’état d’une partie de notre civilisation. Des livres qui sauront piquer notre curiosité.
Léa Marchebout
Crédits photo : Pexels de Pixabay
Etudiante en Info-com. Food, com’, marketing et culture, j’écris sur ce qui me passionne !