Président, maire, député, à la fois moderne et conservateur mais aussi fervent européen, Valéry Giscard d’Estaing nous a quitté le 3 décembre. Revenons sur l’homme dont le septennat a marqué un tournant pour la politique française.
Un septennat social…
Son septennat ne sera pas passé inaperçu. Il arrive à l’Élysée à seulement 48 ans et sera le plus jeune président de la Cinquième République… Jusqu’à Emmanuel Macron.
Moderne et tourné vers la jeunesse dès son arrivée au pouvoir, il ne s’en cache pas : « De ce jour, date une nouvelle ère de la politique française », et ce fut chose faite.
Successeur de Georges Pompidou, décédé en fonction, Valéry Giscard d’Estaing remporte de justesse les élections présidentielles face à François Mitterrand en 1974. Premier président non–gaulliste depuis 1958, il fait de Jacques Chirac son Premier ministre.
Tourné vers la jeunesse, il l’était. En effet, sa première grande réforme sociale concernera l’âge de la majorité. Alors fixé à 21 ans, il l’abaisse à 18 ans. De plus, il réformera l’éducation secondaire avec la loi Haby de 1975. La réforme du collège unique repousse au lycée le choix des filières spécifiques. Le collège devient alors l’école de l’enseignement commun.
Reposant sur le climat d’après-élections, il engage rapidement la discussion pour légaliser l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Cette loi historique et très controversée à l’époque fut portée par Simone Veil, ministre de la Santé, et adoptée le 17 janvier 1975. Mais il ne s’arrêtera pas là dans ses réformes en faveur de la liberté des femmes. Quelques mois après le vote de la loi en faveur de l’IVG, la loi du 11 juillet 1975 autorise désormais les divorces avec consentements mutuels. Jusque-là, le divorce était autorisé uniquement pour faute. Enfin, il est aussi à l’origine du remboursement de la pilule contraceptive par la Sécurité Sociale.
Au-delà de ces réformes en faveur d’une plus grande liberté des femmes, il a également contribué à d’autres changements majeurs. Ainsi, en 1974, il réforme le Conseil constitutionnel en permettant aux parlementaires de pouvoir contester la constitutionnalité d’une loi, pouvoir que seul le président de la République, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat ainsi que le Premier ministre détenaient. La même année, il réalise aussi la refonte de l’audiovisuel en démantelant l’ORTF (Office de radiodiffusion-télévision française) en plusieurs entreprises telles qu’on les connaît aujourd’hui : TF1, Radio France…
… Rattrapé par le contexte mondial
Malgré ses nombreux changements sociaux, « VGE » doit aussi faire face au contexte économique mondial, loin d’être rose.
En effet, lorsqu’il arrive au pouvoir, la France est encore marquée par la crise pétrolière de 1973 et traverse une période de chômage et d’inflation.
Cependant, lui et son Premier ministre Jacques Chirac, sont en opposition sur le sujet. Tandis que Chirac veut relancer la croissance du pays, Giscard veut poursuivre ses réformes et continuer de lutter contre l’inflation. Ces désaccords aboutiront à la démission de Jacques Chirac, en 1976. Il sera remplacé par Raymond Barre.
Aussi grand européen, il s’engage pour la construction européenne dès son élection. Combat qu’il continuera de mener après son mandat en devenant député européen.
Une communication politique réinventée
Au cours de son septennat, Valéry Giscard d’Estaing réinvente complètement la communication politique. En comparaison avec son prédécesseur, il utilise beaucoup la télévision et il est fréquent de le voir mis en scène dans des activités tout à fait ordinaires.
Un tantinet mélomane, on l’a vu tantôt à l’accordéon, tantôt au piano avec Claude François lors du Noël de l’Élysée en 1975 mais aussi chantant la Marseillaise.
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Au-delà, c’est aussi un président sportif. En short et crampons sur le terrain de foot, chaussé de ses skis sur les pistes enneigées ou sur le court de tennis, Valéry Giscard d’Estaing, en plus d’être musicien était un adepte du sport, notamment en famille.
Crédits photo : Sipa
Toujours décontracté, il s’affiche dans une image de président proche de son peuple en s’invitant notamment à dîner chez des français lors du réveillon du 31 décembre 1975. De plus, seulement quelques mois après son élection, il invitait aussi des éboueurs de l’Élysée à venir y prendre le petit-déjeuner.
Cependant, ses loisirs ne se constituent pas uniquement autour du sport et la musique, Giscard aime prendre la plume et outre quelques essais politiques ou encore ses mémoires, il écrit des romans. Cinq au total. Et bien sûr, ses romans sont scrutés par le public et parfois, il en résulte quelques rumeurs. Un de ses romans a notamment suscité une importante attention : La Princesse et le Président, sorti en 2005. Paris Match titre alors « Giscard et Diana, Love Story » et la rumeur se répand comme une trainée de poudre. Il déclarera plus tard qu’il ne s’agissait que d’une fiction en dehors des lieux et décors.
Mais, comme de nombreux hommes politiques, il est rattrapé par quelques scandales. Connu pour être un président séducteur, on lui attribue le surnom de « Valéry Folamour ». Malgré ses faibles pour les actrices, princesses ou encore journalistes, sa femme Anne-Aymone restera à ses côtés jusqu’au bout. Elle sera d’ailleurs la première femme de président français à présenter ses vœux aux Français à la télévision.
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Enfin, un scandale d’un autre genre le rattrapera : celui des diamants de Bokassa. Dévoilée par le Canard Enchaîné en 1979, l’affaire met en cause VGE pour avoir reçu une plaquette de diamants de trente carats par le président de Centre-Afrique Bokassa, alors que Giscard est encore ministre des Finances. Cette affaire minera sa campagne de 1981, jouant ainsi sa réélection.
Un après-mandat toujours engagé
Mais pour Giscard, la fin de la présidence ne signifie pas la fin de sa carrière politique. En effet, celui qui a déjà occupé plusieurs postes en politique, devient député. Il sera ainsi le seul président à devenir député à l’Assemblée Nationale après son mandat.
Il se tourne aussi vers l’Auvergne, son grand amour et devient par la suite président du Conseil régional d’Auvergne pendant 18 ans. Un temps membre de l’Académie française, il quittera finalement la scène politique en 2004.
Crédits photo : Veterin / Sipa
C’est un président à la vie animée qui nous a quitté la semaine dernière des suites du coronavirus, à 94 ans. Emmanuel Macron a alors fait une allocution pour lui faire honneur. Le mercredi 9 décembre sera un jour de deuil national pour le pays où il sera possible de lui rendre hommage.
Célia Ory
Crédits photo : La Documentation française – Jacques-Henri Lartigue
Étudiante en troisième année d’information & communication, passionnée d’actualité et de culture, intéressée par le monde & les gens, je souhaite rejoindre la grande famille des journalistes.