Malgré l’influence incontestable des marques dans notre quotidien, la portée et l‘impact des réseaux sociaux viennent nettement contrebalancer leur pouvoir. Sur ces plateformes, la parole des consommateurs est sacralisée et il devient impératif pour les entreprises de se plier à la demande croissante de transparence et d’authenticité de leurs clients…
Une influence grandissante
Il est vrai que les marques n’ont jamais été aussi puissantes et omniprésentes dans nos vies. Elles ont envahi le marché et caractérisent une société de consommation de masse qui englobe tous les secteurs : automobile, industrie textile mais aussi et surtout, celui du digital. On le voit bien depuis une quinzaine d’années, l’arrivée des géants de la Silicon Valley a révolutionné nos façons de vivre et de consommer. Effectivement, sur les 17 marques les plus influentes au monde, les 5 premières (Apple, Amazon, Microsoft, Google et Samsung) font partie du secteur de la technologie et leur valeur boursière ne fait qu’augmenter, +38% pour Apple et +60% pour Amazon cette année.
Nous vivons donc dans un monde de plus en plus régis par les nouvelles technologies et notamment par les réseaux sociaux, qui comptent environ 3,8 milliards d’utilisateurs. Les marques se voient alors dans l’obligation de trouver de nouvelles façons de communiquer pour séduire les consommateurs. Elles emploient des professionnels du Web 2.0 toujours plus nombreux, mettent en place des stratégies qui font appel à l’émotion, au storytelling, qui visent à lier et fidéliser encore plus le consommateur à la marque en lui offrant une véritable expérience.
Toutefois si l’essor des réseaux sociaux représente une opportunité en or pour les marques et que leur influence sur ces plateformes est avérée, il a aussi offert aux consommateurs le pouvoir d’exprimer leurs opinions librement et sans limite, ce qui constitue une grande source de danger pour les marques qui n’ont alors plus le contrôle absolu de leur contenu. Avec une étude qui prouve que 25% du contenu des grandes marques n’est pas publiée par les marques elles-mêmes mais par les internautes, ces entreprises peuvent à tout moment voir leur e-réputation basculer sur un « bad buzz ».
Pouvoir partagé
Ainsi, le modèle où les médias et les marques régnaient en maîtres absolus sur l’information et où le consommateur n’était qu’un « réceptacle » vide que l’on remplit de publicité à volonté est bien derrière nous. Désormais, à l’instar de l’allégorie de la caverne, le consommateur prisonnier qui a accédé aux médias sociaux, peut dans une certaine mesure, se détacher des illusions et inverser la tendance. Ceux qui écoutaient silencieusement se sont connectés les uns aux autres, faisant parfois tellement de bruit que l’on n’entend plus qu’eux. Les influenceurs en sont la preuve. Avec des communautés réunissant des millions de personnes, ils sont pour la plupart des gens ordinaires que personne ne connaissait, qui ont construit ces empires par leurs propres moyens. Aujourd’hui, quand on voit certaines des marques les plus luxueuses au monde comme Dior, Yves Saint Laurent, Louis Vuitton s’adresser à des influenceuses telles que Léna Situations (2,5 M d’abonnés sur Instagram) ou Paola Locatelli (1,7 M d’abonnés sur Instagram) pour les aider à communiquer, on voit bien que d’une certaine façon le pouvoir est inversé. Un avis, un tweet, un post d’une influenceuse peut désormais ternir la notoriété d’une marque ou au contraire la lancer et booster durablement sa popularité. Aujourd’hui, même un internaute lambda peut causer du tort à une grande marque en seulement quelques heures. Les réseaux sociaux ont indubitablement sacralisé la parole des internautes, modifiant de façon inexorable les relations des marques et des consommateurs. L’une des campagnes les plus représentatives de ce phénomène est celle de Burger King qui imprime de gigantesques tweets d’internautes dans les rues et les centres commerciaux. Dans ces pubs teintées d’humour, l’avis du consommateur apparaît comme décisif, essentiel. La marque se met presque à ses ordres, agissant selon ses envies.
Crédits photo : Compte Twitter @BurgerKingFR
Avec ce nouveau pouvoir, les revendications des consommateurs sont entendues et leurs exigences plus accrues. On remarque d’ailleurs cette nouvelle demande croissante de transparence et d’authenticité sur les produits qu’ils achètent : impact environnemental, social, composition, origine des ingrédients… Les consommateurs veulent s’identifier et se reconnaître dans la marque qu’ils consomment, ils veulent être de plus en plus en accord avec ses valeurs.
Les entreprises ont donc dû prendre un virage viral pour essayer de survivre à la vague du Web 2.0 et doivent dorénavant rendre des comptes à la société civile, tant sur leurs pratiques commerciales, fiscales que managériales. Le contre-exemple parfait est celui de Findus, qui en 2013 a vu éclater un scandale autour de sa marque. Des sources révèlent qu’ils mentent aux consommateurs en utilisant de la viande de cheval et non de la viande de bœuf dans leurs plats. Le « bad buzz» a été tellement violent que la marque ne s’en est jamais vraiment relevée et reste encore aujourd’hui associée à cette polémique.
L’indignation face à l’aliénation des Ouïghours
Les marques sont ainsi fortement soumises au jugement des consommateurs. Le député Raphaël Glucksmann, fervent défenseur des droits de la communauté des Ouïghours, se félicite d’ailleurs de la création d’un récent « mouvement d’opinion » né des réseaux sociaux. En octobre, une réelle polémique a explosé sur Instagram et sur Twitter, quand il a divulgué les noms de 83 firmes multinationales telles qu’Apple, Nike, Google ou encore Coca-cola, se fournissant dans des camps de travaux forcés en Chine. Ces camps de concentration, selon Ding Yifang, font recours de façon généralisée au travail forcé « impliquant des dizaines de milliers de Ouïghours de Chine dans l’industrie cotonnière ».
Crédits photo : Murad Sezer, Reuters
La hantise du « bad buzz » et du boycott pour les marques, ainsi que la mobilisation massive des consommateurs ont mené plusieurs entreprises comme Adidas ou Lacoste à s’engager à ne plus jamais recourir dans leur chaîne de production « aux travailleurs forcés ouïghours et à couper toute relation avec des fournisseurs le faisant ». Cette mobilisation des consommateurs, notamment chez les jeunes, est donc une source de pouvoir qui a réussi à faire céder quelques unes des marques les plus prestigieuses du monde. Ce changement de stratégie dans la politique d’Adidas et Lacoste est symbolique de la puissance des réseaux sociaux et de l’opinion publique.
Alors si les consommateurs ont la possibilité d’influencer et de faire pression sur les marques, que les marques, elles aussi ont la possibilité d’exercer une influence par le biais des lobbies sur les états, le pouvoir ne serait-il pas indirectement entre les mains du peuple ? Ne serait-ce donc pas à nous d’imposer aux marques des changements radicaux dans leurs pratiques afin qu’elles deviennent plus vertueuses et plus respectueuses, et ce, de façon pérenne ?
Julia Augeard
Crédits photo : Luciano Mortula
Étudiante en L2 d’information communication, spécialisée dans la rédaction des rattrapages