À New-York, le printemps n’a guère été différent que dans le reste du monde. Face à une épidémie hors de contrôle en constante progression, les mesures radicales déjà adoptées par plusieurs pays, ont rattrapé la ville. Loin d’être sa première crise, New-York s’adapte à une nouvelle épreuve.
La grosse pomme à l’arrêt
Premiers cas recensés fin janvier dans le pays, l’épidémie progresse rapidement. En mars, le nombre de décès passe brutalement de 30 à plus de 200 en à peine une semaine. Les États-Unis se ferment progressivement au reste du monde. Mais l’inévitable doit avoir lieu et comme de nombreux pays, les États-Unis se confinent petit à petit. Le 16 mars 2020, l’État de New York décide de fermer tous les établissements scolaires et universités, établissements culturels, etc.
Ainsi, du jour au lendemain, la ville « qui ne dort jamais » s’est retrouvée éteinte. Les centaines de taxis jaunes, les touristes, les habitants en effervescence, le monde de la culture animant Broadway, les soirées mondaines et les avenues bondées ont laissé place à une ville désertée de toute vie, une grande première pour New-York.
Ce pour quoi les habitués de la grosse pomme vivent à New-York perd alors tout son sens. Et si les plus fortunés ont rapidement quitté la ville pour leurs résidences secondaires dans les Hamptons, les plus démunis sont contraints de rester en centre-ville pour travailler. L’épidémie touche alors les quartiers les plus pauvres, où le télétravail n’est pas envisageable, faisant ainsi grimper la courbe des contaminations. Début avril, on recense plus de mille contaminations dans le quartier d’University Heigh, dans le Bronx, tandis que dans d’autres quartiers comme Soho (Manhattan), le nombre de cas est nettement moins élevé.
Jusqu’à la fin de l’été, les États-Unis, notamment New-York, sont restés l’épicentre de l’épidémie dans le monde. Tandis que le début de la saison estivale avait apporté une vague lueur d’espoir avec un nombre de décès qui semblait diminuer dans l’État de New-York ainsi que d’autres états massivement touchés par l’épidémie, ce ne sera finalement que pour repartir de plus belle.
Pourtant, à la rentrée scolaire, New-York est la seule grande métropole à rouvrir ses écoles. Une ouverture qui n’a pas duré bien longtemps : début octobre, des quartiers refermaient déjà leurs écoles et se confinaient à nouveau.
Les restrictions ont été plus ou moins levées pour la fête de Thanksgiving, une erreur qui a pu servir de modèle pour le reste du monde concernant les fêtes de fin d’année suite à une recrudescence de cas après la traditionnelle dégustation de dinde.
En fin de compte, le nouvel an se sera déroulé comme ailleurs : en solitaire. Times Square, où se déroule le classique décompte de la nouvelle année, était bouclé, tout comme le reste de Manhattan.
Une fête remplacée par Gloria Gaynor en concert télévisé où I Will Survive résonnait drôlement avec le quotidien des New-Yorkais.
Une ville hantée par ses crises passées
Pourtant, la pandémie de coronavirus est loin d’être la première crise que traverse la ville.
Cela passe des grèves massives après la Première guerre mondiale où les travailleurs réclament une augmentation des salaires face à l’inflation ainsi que de meilleures conditions de travail, à la prohibition des années 20 avec les fameux speakeasies et bootleggers, et la « règne » des mafias.
Les années 30 seront, elles, marquées par la Grande Dépression économique, mondialement initiée par le krach boursier de 1929 à Wall Street. Meurtrie par le chômage et la misère, New York ne coule pas pour autant, notamment grâce à l’arrivée en 1934, de Fiorello LaGuardia au poste de maire.
Suite à la Seconde Guerre Mondiale, dont la ville n’a pas été particulièrement touchée, New-York devient un véritable foyer culturel, notamment dans les quartiers de Greenwich Village ou Soho. Mais elle sera rattrapée par les mouvements des droits civiques dans les années 60, des tensions raciales qui persisteront jusque dans les années 90.
Les années 70 seront véritablement la période où New-York semblera au plus bas. Les services publics se dégradent, les dépenses explosent, et avec les désordres sociaux, la criminalité et la drogue explosent. La désindustrialisation et le spectre de la faillite entraînent un déclin démographique à New-York. Une situation qui ne sera pas améliorée avec le choc pétrolier de 1973.
Pourtant, elle rebondira dans les années 80, avec le nouveau maire David Dinkins, le premier maire afro-américain de New-York, qui aidera la ville à remonter la pente.
Mais « Big Apple » sera par la suite frappée par de nouvelles crises d’un autre ordre : le terrorisme. Dès les années 90, le World Trade Center est déjà la cible d’une attaque terroriste en février 1993.
New-York vacille mais reste d’aplomb. Avec la nouvelle montée des tensions raciales, le nouveau maire républicain, dans une ville à tendance démocrate, Rudy Giuliani a réussi à remettre la ville sur pieds en la rendant plus sûre pour les New-Yorkais et attractive pour les investisseurs. Il s’est aussi distingué pour sa gestion des attentats du 11 septembre 2001 et la reconstruction du World Trade Center, des attentats qui restent marqués dans l’esprit des New-Yorkais.
Ainsi, dans ces temps incertains liés à la pandémie de coronavirus, le fantôme des crises passées hante la ville plus que jamais. New-York, devenue si sûre ces dernières années, plonge à nouveau dans un climat de violence. Au début du mois d’août dernier, le constat est sans équivoque : les meurtres ont augmenté de 29% et les fusillades de 78% par rapport à 2019, même si, mis en parallèle avec les données des années 90, cela reste tout de même inférieur.
Bien-sûr, le confinement a non seulement arrêté le pays, mais aussi freiné cette montée de violence. Mais cela ne l’a pas empêché de repartir à la hausse en mai, surtout dans les quartiers où le chômage et la dislocation sociale sont importants.
La pandémie a aussi entraîné un important retard juridique dans la ville. Le maire actuel : Bill de Blasio, s’est retrouvé au centre des critiques pour « avoir vidé les prisons à l’excès » afin de limiter les contaminations.
Mais selon le New-York Times, la montée des violences ne trouve pas son origine dans les décisions de Bill de Blasio. Le journal évoque au contraire que sur les quelques milliers de prisonniers libérés, ils ne sont seulement quelques dizaines à avoir été arrêtés à nouveau pour des faits similaires.
Cependant, après plusieurs scandales de bavures policières aux États-Unis en 2020, la police se retrouve désormais prise entre ces affaires et la violence lui étant destinée.
Alors aujourd’hui, après 40 000 morts du coronavirus dans l’État de New-York dont 25 700 dans la capitale, la plus grande ville du pays place ses espoirs dans le vaccin pour endiguer l’épidémie.
L’arrivée de Joe Biden au pouvoir, dont la pandémie était l’un de ses grands objectifs de campagne, New-York et plus globalement les États-Unis voient une lueur d’espoir.
Pourtant aujourd’hui, malgré une situation difficile où les hôtels sont vides à l’image du célèbre Plaza, où les risques de faillite pèsent sur les consciences, et où l’exode est important, la renaissance ne peut qu’être de bon augure car, New-York, comme elle l’a toujours fait, renaîtra de ses cendres, à l’image de la devise de son état : « ever upwards ».
Célia Ory
Crédits photos : Elvin Kristian (Instagram) /Paul Wright & Yvon Maurice / lonelyplanet.fr
Étudiante en troisième année d’information & communication, passionnée d’actualité et de culture, intéressée par le monde & les gens, je souhaite rejoindre la grande famille des journalistes.