Vogue, Harper’s Bazaar, Elle ou encore Femme Actuelle… Le nombre de magazines féminins ne se compte plus. À l’heure où le féminisme prend un nouveau tournant, la presse féminine, contrairement aux idées reçues, fut et demeure un moyen de lutte pour l’émancipation des femmes depuis sa création. Retour sur la petite histoire de cette presse et ses évolutions pour s’adapter à un public en constant changement.
Origines féministes
La presse féminine trouve sa véritable origine au 18è siècle au moment des premières luttes des femmes pour leurs droits et place dans la société. Jusque-là, les journaux féminins n’étaient que de simples parutions non illustrées traitant de la mode comme Le Journal des Dames, paru initialement en 1797. À cette époque, les journaux sont principalement destinés à un lectorat masculin. Associé aux premières luttes féministes, ce contexte favorise l’émergence d’une presse féminine : les premiers journaux féminins voient le jour, surtout adressés aux femmes lettrées et mondaines.
Petit à petit, les magazines féminins émergent : le Petit écho de la Mode, tout premier hebdomadaire dont la première parution date de 1879, comportant déjà des feuilletons, des publicités… Puis les journaux évoluent au fil du temps : La Mode sera le premier journal avec une rubrique concernant le courrier des lectrices, aussi appelé courrier du cœur.
Au 19è siècle, une première division se fera sentir. Les titres sont divisés : d’un côté ceux qui, engagés et féministes, présentent la femme comme ayant une place dans la société et à l’opposé, ceux qui restent dans une vision traditionnelle de la femme.
Les médias continuent d’être le vecteur des luttes des femmes pour leur reconnaissance. La Fronde, journal de Marguerite Durand, se singularise et diffuse ainsi les revendications féministes, des chroniques historiques, les pages boursières ou encore des reportages, incarnant le modernisme féminin de l’époque.
En parallèle, les magazines de mode se développent et suivent les mêmes progressions. Mercure Galant, datant du 17è, est le premier à être illustré. Mais ils connaitront leur essor au 19e siècle, à Paris et Londres. Les tirages augmentent, tout comme les revues : Journal des dames et des modes (1797), La Mode (1829). Mais c’est aussi à cette époque que les grands noms que nous connaissons aujourd’hui voient le jour comme Harper’s Bazaar ou encore Vogue (1892) …
La guerre, un tournant pour les femmes
Au fur et à mesure que les femmes voient leur place se dessiner, les journaux s’adaptent à cette tendance et joueront sur le fait qu’elles acquièrent progressivement une place au sein du ménage, pesant désormais dans les décisions, notamment financières. Les magazines deviennent ainsi très normatifs mais surtout très commerciaux, suivant l’émergence de la publicité.
Tandis que les magazines féminins connaissent un véritable essor pendant l’Entre-Deux-Guerres (Marie Claire en 1937, Grazia en 1938), la Seconde Guerre mondiale marquera véritablement un tournant pour les femmes. Leur participation à l’effort national changera la donne et le mouvement d’émancipation des femmes connaîtra de nombreux changements par la suite.
Les femmes acquièrent le droit de vote et gagnent une place dans le foyer. Mais de plus en plus, elles veulent travailler, faire des études, intégrer la vie sociale tout en étant mères de famille. Une tendance alors suivie par les magazines féminins.
En 1945 est alors créé le magazine Elle dont Françoise Giroud, figure de l’époque, restera rédactrice en chef jusqu’en 1952. Dès ses débuts, sa ligne éditoriale est déjà très centrée sur l’émancipation des femmes et le magazine sera l’un des premiers à y faire figurer des photographies de mode, peu répandues alors.
Crédits : Nina Leen / The LIFE Picture Collection (Getty Images)
Dans les années 60 à 80, les combats féministes prennent une nouvelle tournure avec les luttes pour la liberté sexuelle, l’avortement, etc., la femme ne veut plus être à la merci de l’homme pour évoluer. Pourtant, la presse féminine est déjà très axée « people », astrologie, et renvoie une image de la femme à travers sa place de mère, la catégorisant dans des normes de beauté… La presse a alors dû s’adapter à son lectorat en changement en développant un nouveau format, variant ainsi les sujets proposés. De nouveaux magazines apparaissent alors comme Madame Figaro en 1980 ou Femme Actuelle au début des années 90.
Ainsi la presse féminine, en constante mutation, demeurera toujours le reflet des évolutions sociétales et des rôles de la femme dans nos sociétés.
Place des femmes : témoignages écrits
Aujourd’hui, les médias féminins peuvent paraître aux yeux de tous plutôt superficiels et sexualisant la femme, présentant ainsi une vision opposée aux tendances de notre époque, celle d’une femme toujours en lutte pour ses droits. À l’heure, où les revendications féministes explosent et malgré l’apparition de nouveaux médias, la presse féminine assure sa continuité via Internet, et notamment les réseaux sociaux. En dépit de ce nouveau départ au sein d’une société en perpétuelle évolution, elle doit s’adapter aux dernières mutations du monde qui se profilent.
Crédits : Elle (couverture de 1953) – Marie Claire (Juillet 1970, Fashion Covers Magazines) – Grazia (Décembre 2017, mesdemoisellesparis.com)
Au fil des années, la presse féminine aura été le témoignage de l’évolution de la femme, des modes et tendances de chaque époque : des femmes potelées du 18è à la minceur du 19è, des robes imposantes et corsets aux tenues colorées des années 70 en passant par le style hippie des années 60.
Ainsi, malgré ses origines tirées du mouvement féministe, la presse féminine aura peu à peu évolué vers une vision normative de la femme, et aussi commerciale. De nos jours, forcés de se réinventer face à une société en constante évolution, les magazines féminins diversifient leurs chroniques. Mais entre actualité, culture, mode et conseils beauté, un certain paradoxe reste présent comme un vestige des années passées : prôner un régime et simultanément parler du body positive peut faire perdre le fil.
Initialement cantonnée à sa place de ménagère et de gestionnaire du ménage, de mère de famille à part entière, la femme a réussi à acquérir une place de plus en plus prépondérante dans la presse féminine. Et cela notamment grâce à la présence de rédactrices qui donnent des impulsions éditoriales ciblées afin de rompre avec l’utilisation de l’image de la femme comme objet de désir même si paradoxalement, cette image de perfection reste un argument vendeur pour les marques.
Célia Ory
Crédits photo : Equal.id
Étudiante en troisième année d’information & communication, passionnée d’actualité et de culture, intéressée par le monde & les gens, je souhaite rejoindre la grande famille des journalistes.