Kazakhstan, avancer pour mieux reculer

Kazakhstan, avancer pour mieux reculer

En seulement quelques jours, le Kazakhstan a plongé dans le chaos. Les révoltes, dénonçant initialement la montée des prix du carburant, ont rapidement pris une tournure politique. Et dans ce pays, anciennement partie de l’URSS, la Russie veille sur ses intérêts. Le point sur une semaine explosive.

De violentes émeutes, comme jamais auparavant

Tout a commencé début janvier lorsque le président Kazakh, Kassym-Jomart Kemelouly Tokaïev, a annoncé la hausse du prix du gaz naturel liquéfié ou GNL. Cette décision a eu pour conséquence une envolée brutale des prix, avec une hausse de 60% pour le GNL des véhicules.

Rapidement, des manifestations pacifiques ont eu lieu mais du jour au lendemain, tout a viré au chaos dans le pays. Magasins saccagés, bâtiments publics brûlés, les rues sont devenues le théâtre sanglant des contestations qui couvaient dans le pays depuis plusieurs années.

Les émeutes ont commencé dans l’Ouest du pays, une région pétrolière, avant de s’étendre aux principales grandes villes comme Almaty ou Noursoultan. Les contestations contre les hausses des prix du GNL se sont rapidement transformées en critiques du pouvoir et du système autoritaire en place depuis l’indépendance du Kazakhstan.

 

Quelques dizaines d’années auparavant, alors que l’URSS tombait, celui-ci s’est divisé en plusieurs pays, dont le Kazakhstan, qui est progressivement devenu un des pays les plus grand, et surtout, les plus riches d’Asie centrale, notamment grâce à ses gisements de pétrole. Mais cette richesse s’est répartie de façon inégale dans le pays et aujourd’hui, le salaire mensuel moyen avoisine les 500 € et la corruption peine à disparaître.

Face aux émeutes, le président Tokaïev n’a pas hésité à utiliser la violence. Après la coupure de l’internet public pendant plusieurs jours et le blocage de sites d’actualités indépendants, il a autorisé la police à tirer pour « tuer sans avertissement » sur les manifestants, le 7 janvier.

Deux jours plus tard, le ministère de l’Information publie un bilan faisant état de 164 morts. Ce même bilan sera retiré dans la journée, sous prétexte d’une « erreur technique ». Depuis, plus aucuns chiffres n’ont été donnés mais les blessés se comptent par centaines et près de 8000 arrestations ont été réalisées.

 

« À un moment, tout s’est transformé en chaos, ce qui a choqué tout le monde. Des groupes d’inconnus ont commencé à provoquer la foule et à marauder dans toute la ville. Ils ont attaqué des policiers, détruit des bâtiments administratifs, sans oublier les centres commerciaux. Ce n’étaient pas de simples civils. Les habitants n’ont pas cédé à leurs provocations et se sont dispersés. », témoigne une habitante d’Almaty à la rédaction des Observateurs.

Selon certains spécialistes, derrière les revendications socio-économiques de la population kazakhe pourrait se cacher le témoignage d’une lutte de pouvoir au sein même de l’élite kazakhe.

 

Fin de l’ère Nazarbiëv, vers un vent de renouveau ?

Après une semaine de crise, le président Tokaïev est, non seulement revenu sur la hausse des prix du GNL, mais il a aussi saisi cette occasion pour en finir avec l’ancien président, Noursoultan Nazabaïev. Celui qui s’était attribué le titre de « chef de la Nation », avait été, pendant plus de 30 ans, le premier président depuis l’indépendance. Il avait laissé sa place à Tokaïev en 2019 mais avait gardé main mise sur le pouvoir en devenant président du Conseil de sécurité du pays, faisant du président actuel un genre de « super premier ministre ».

Pour solder ces jours d’émeutes, Tokaïev a accepté la démission du gouvernement et a limogé l’ancien président de son poste, le 5 janvier. Sa famille est toujours introuvable à l’heure actuelle, mais ils pourraient avoir fui le pays. L’ancien chef des renseignements a aussi été arrêté pour soupçons de trahison. Les responsables des services de sécurités proches de l’ancien chef d’État ont tous été limogés.
Le président kazakh a qualifié les violences « d’agressions armées par des terroristes internationaux contre [son] pays », des « terroristes » qu’il soupçonne d’être des partisans de l’ancien président.

Ainsi, c’est une véritable purge contre le clan Nazarbaïev qui a été faite, et ce, avec le soutien de Moscou. Car, avec l’envoi de troupes de l’OTSC, Organisation du Traité de Sécurité Collective, une sorte d’OTAN post-soviétique dont la Russie est à la tête, le Kremlin veille au grain.

 

La Russie s’en mêle

Le 6 janvier dernier, des troupes russes débarquent au Kazakhstan. Celles-ci sont arrivées après demande du président Tokaïev et n’ont pas eu à y rester longtemps. En effet, faire acte de présence a suffi pour apaiser les vives tensions qui duraient depuis quelques jours. Ce ne sont pas moins de 2 300 soldats du contingent de l’OTSC qui viennent en renfort auprès des forces kazakhes. Parmi eux, des unités d’Arménie, du Kirghizstan et de la Biélorussie.

Une « mission accomplie » dont se félicite le président kazakh, pour qui il s’agissait de montrer que son pays avait le soutien de Moscou.

Mais les intérêts ne sont pas unilatéraux. Moscou a tout intérêt à préserver ses liens, déjà forts, avec le Kazakhstan. En effet, du fait non seulement de son économie, mais surtout de son emplacement, le pays est élément stratégique clé pour la Russie.

Les deux pays ont, depuis longtemps, été proches notamment du fait de leur passé historique commun. La Russie, étant déjà engagée militairement et diplomatiquement en Ukraine, ne peut se permettre de voir le Kazakhstan renversé, car cela l’obligerait à engager un deuxième front dans le pays.

Cet événement a aussi permis au Kremlin de montrer la capacité d’action de l’OTSC, événement qui a d’ailleurs été sa première intervention depuis sa fondation il y a 20 ans. L’OTSC permettant à ses pays membres de s’unir face aux divers menaces voisines, que ce soit l’instabilité de l’Afghanistan ou les difficultés de l’Arménie face à la Turquie ou l’Azerbaïdjan, pour qui la Russie est atout important.

 

Au final, il aura suffi d’une décision, celle d’augmenter le prix du carburant, pour que le pays s’embrase en seulement quelques jours. Mais finalement, qu’en tire-t-on ? Des centaines de morts, probablement plus, pour revenir sur la décision initiale. Alors certes, le Kazakhstan a pu tirer un trait sur l’ère Nazarbaïev, mais pour quel avenir ?

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Célia Ory

Étudiante en troisième année d’information & communication, passionnée d’actualité et de culture, intéressée par le monde & les gens, je souhaite rejoindre la grande famille des journalistes.