Critique Cinéma : Mon Roi

Critique Cinéma : Mon Roi

Après le succès de Polisse, la réalisatrice Maïwenn est revenue sur la scène cinématographique avec son film Mon Roi, dans lequel elle orchestre un amour destructeur entre Tony et Georgio.

 

Prix à Cannes

Présenté au festival de Cannes, en 2015, Mon Roi, un drame-romance de la cinéaste Maïwenn, avait fait beaucoup écrire à son sujet et offert à son actrice principale, Emmanuelle Bercot, le prix d’interprétation féminine. Le titre parle de lui-même. Effectivement, durant une décennie, on suit l’amour dévastateur d’un couple où la femme met sur un piédestal, l’homme dont elle est follement amoureuse et qu’elle considère comme son roi. A première vue, rien de très original dans le scénario mais la grande force du film tient bien sûr à son casting, distingué par ailleurs à Cannes, par les frères Coen.

Le couple Emmanuelle Bercot et Vincent Cassel, alias Tony et Georgio, sont tous deux excellents. Que ce soit dans la retenue ou le délire, dans l’exaspération due aux actions de l’un, face à la douceur de l’autre, chacune de leur prestation nous emporte dans leur intimité déchirante, donnant aux spectateurs, l’impression d’y être.

 

Une œuvre réaliste

Au-delà de la performance des acteurs, le film est intriguant par la manière dont il est découpé. En effet, le récit prend racine après un accident de ski. Cette belle séquence montre Tony au bord de la crise de nerfs, qui glisse le long de la piste avec rage, coupant alors la trajectoire de son fils et de Georgio. Or, plutôt que de nous montrer la chute qui est à l’origine de la fracture du genou de Tony, Maïwenn décide d’en dévoiler sa nature profonde. L’histoire se focalise ainsi sur les souvenirs de Tony. Enfermée dans un centre de rééducation, elle se remémore l’histoire d’amour tonitruante qu’elle a vécue avec Georgio. Le montage fait donc un parallèle entre la descente aux enfers de Tony au sein de son couple et sa reconstruction physique et mentale en rééducation. Cette alternance entre le présent et le passé est un élément essentiel du film, son ossature. Il nous fait réfléchir sur la façon dont Tony est allée au bout d’elle-même, au point d’oublier son « je » pour prioriser le « nous ». Tony est prête à tout accepter par amour. Cette histoire montre de façon réaliste le principe de l’addiction : “Tu me fais mal, tu me tues à petit feu mais je t’ai dans la peau et je me refuse à l’admettre car la vie sans toi me semble encore pire“. Le réalisme de cette œuvre s’explique notamment par la simplicité avec laquelle elle est filmée. Le jeu de lumière contribue à lui apporter un ton mélancolique, tout comme la bande sonore choisie de façon à appuyer sur nos facultés émotionnelles.

 

Une femme sous emprise

Par ailleurs, Vincent Cassel est troublant dans la mesure où il incarne parfaitement le rôle d’un manipulateur cocaïnomane, également qualifiable de pervers narcissique. Il est à la fois charmeur, drôle, tendre qu’arrogant, lâche et de mauvaise foi. Tony doit accepter ses tromperies, ses mensonges mais aussi les soirées entre amis, ponctuées par l’alcool et la drogue de ce dernier. Leur passion réciproque vire donc rapidement à la folie. Cela permet de nourrir la curiosité du spectateur : Quand est-ce que Tony va oser se positionner face à ces jeux de manipulation ? La dernière scène répond à cette interrogation. Le regard de cette femme amoureuse sur la nuque de son ancien mari, la caméra qui lui caresse doucement le visage, nous montre que l’amour, ici, est pire qu’une drogue.

 

Où voir ce film ?

 

Gwendydd Vaillié

© STUDIOCANAL/SHANNA BESSON

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