Zemmour, Le Pen, le duel

L’une candidate, l’autre non, les deux sont de droite et pourtant… Marine Le Pen et Éric Zemmour, engagés dans une course folle à la présidentielle 2022, s’affrontent sur la sphère médiatique. Les crépages de chignons rythment en grande partie la scène politique de cette campagne 2022. Retour sur le duel qui somme l’extrême droite dans une politique polémique.

 

Candidat ou fauteur de trouble ?

 

Etienne Mougeotte
Etienne Mougeotte

 

Journaliste et chroniqueur politique, Éric Zemmour se fait connaître à travers ses propos trashs, extrémistes, sans langue de bois. En 2009, l’ancien rédacteur en chef de l’Express, Etienne Mougeotte condamne ses déclarations racistes tenus sur Canal + : « La plupart des trafiquants sont noirs et arabes ». L’homme dérange, il bouscule les codes sociaux et aborde les sujets dits « tabous ». Condamné à de multiples reprises pour différentes accusations (provocation à la discrimination raciale, rupture brutale et abusive de contrat…), Éric Zemmour se forge la réputation du chroniqueur télé polémiste.

 

Eric Zemmour

 

Véritable fauteur de troubles des plateaux télé, il ne s’arrête pas là. En 2019, il annonce sa possible candidature à l’élection présidentielle. Serait-il une alternative à Marine Le Pen ?

Septembre 2021, la campagne présidentielle fait rage. Les innombrables apparitions de Zemmour lui permettent de faire le buzz. Le 14 septembre dernier, il émet le souhait d’interdire les prénoms musulmans s’il devenait Président de la République. La polémique enfle et prolifère sur les réseaux sociaux. Tout le monde ne parle que de Zemmour. Véritable machine à controverses, son influence fait peur à l’opposition. Dès juin 2021, Marine Le Pen, présidente du RN, affirme qu’Éric Zemmour « pourrait empêcher le Rassemblement national d’accéder au second tour ».

Marion Maréchal-Le Pen, ancienne députée du Front national, sur le plateau de CNews : « Il est évident qu’en ayant deux candidatures, les choses m’apparaissent un petit peu plus compliquées ». Pas encore candidat, qu’Éric Zemmour est déjà en tête de gondole.

 

Zemmour, un non-candidat qui fait trembler la droite

Le « peut-être candidat mais pas encore » à la présidentielle multiplie les apparitions sur la scène publique et surtout, politique. Pour autant, les confrontations ne sont que rarement directes.

Retour en septembre, Éric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon, leader de la France Insoumise, se rencontrent pour un débat houleux. Pendant plus de deux heures, ce qui devait être un débat s’est progressivement transformé en lutte d’idées, la plupart du temps les deux hommes étant en totale opposition.

Parmi les sujets évoqués, le pouvoir d’achat, le réchauffement climatique, la sécurité et, on pouvait s’y attendre, les questions de l’immigration et de l’islam qui ont toutes deux occupées une place prépondérante dans les échanges. Mais si Jean-Luc Mélenchon a pu donner sa vision sur des thématiques économiques et sociales, force a été de constater qu’Éric Zemmour n’a pas grandement su débattre sur ces sujets. Il faut dire qu’en politique, il reste novice tandis que pour son adversaire, un tel débat n’est que routine.

La gauche n’a pas forcément approuvé cette rencontre que certains de la classe politique qualifient de « faute politique », le polémiste n’étant pas encore officiellement candidat à ce jour. Mais cela n’a pas empêché Jean-Luc Mélenchon de se féliciter de son échange avec Éric Zemmour, lors d’un entretien avec le journal L’Opinion.

Un semblant de débat entre deux tours des élections présidentielles, voilà le sentiment qu’a pu laisser cet échange. Et l’audience fut au rendez-vous : plus de 3 millions de téléspectateurs, un succès pour BFMTv alors qu’en parallèle avait lieu l’émission « Élysée 2022 » sur France2, qui n’a réunie qu’un seul million de téléspectateurs.

Cette intervention pour Éric Zemmour n’a pas grandement marqué de différence avec ses prises de paroles précédentes sur CNews. Pour autant, l’enjeu a, lui, changé. La rencontre avec Jean-Luc Mélenchon pose la question d’un éventuel débat avec Marine Le Pen dans un futur proche, avec qui le polémiste multiplie les attaques ces derniers temps, mais toujours de façon interposée.

 

https://www.youtube.com/watch?v=CjdzTOMHrR4&t=184s

 

Rien ne sert de courir, il faut partir à point

Dans la course aux sondages, la présidente du Rassemblement National et le polémiste ne se sont jamais affrontés en face à face. Là où Marine Le Pen était taxée d’extrémiste avant, Éric Zemmour semble introduire une nouvelle radicalité du côté de l’extrême droite. Mais pour Zemmour, tout semble possible. Sa candidature pourrait être annoncée avant le 15 novembre prochain, mais les élections présidentielles ne sont pas sa seule préoccupation. La création d’un parti ou encore les élections législatives sont des sujets qui ont été mentionnés récemment.

Si Marine Le Pen et Éric Zemmour viennent de la même classe politique, tout ne les rapproche pas pour autant. Marine Le Pen reproche au polémiste de s’être contenté de reprendre les projets qu’elle a pu proposer par le passé, notamment en 2012 et 2017. À savoir la maîtrise des arrivées aux frontières, l’arrêt du regroupement familial, etc. Rien de nouveau sous le soleil donc. Cependant, comme l’a dit le politologue, Erwan Lecoeur, Éric Zemmour apporte une nouveauté sur la forme qui n’est pas sans rappeler Jean-Marie Le Pen : il présente l’immigration comme un grand problème civilisationnel pour la France.

Mais en dehors des thématiques de l’immigration et de la sécurité, les points de vue sont très divergents sur les questions économiques et sociales. Éric Zemmour se distingue en étant beaucoup plus dur que la candidate du Rassemblement National. Là où Zemmour se présente plutôt comme un éventuel candidat des grandes fortunes en adoptant une politique pro-patronale, bien qu’à ce jour, aucun programme économique se dégage clairement de ses idées. Cela passerait notamment par des baisses des impôts de production ou sur les sociétés.

A l’opposé, Marine Le Pen incarne l’opposé étant la candidate qui a su séduire les classes populaires, représentant d’ailleurs une grande partie de son électorat.

A sept mois des présidentielles, les deux personnalités politiques se sont engagées dans une course aux sondages, où chacun double l’autre tour à tour. En politique, tout peut arriver. Le suspense reste donc tout entier, et l’éventuel candidat ne s’en cache pas, car le buzz n’en est que plus grand.

 

Vers le second tour

A la surprise générale, le candidat, qui n’en n’est pas encore un, dépasse Marine Le Pen, selon les sondages. Dès mi-septembre, le sondage Harris Interactive montre l’ascension fulgurante de Zemmour. Il passe devant Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, candidats de droite. Les Français retrouveront-ils Éric Zemmour en face à face avec Emmanuel Macron, le Président sortant ? Rien n’est moins sûr… Marine Le Pen, ne montre aucune inquiétude. « On ne débat pas avec un candidat qui n’en n’est pas un » affirme-t-elle.

Le 6 octobre, Harris Interactive dévoile son rapport à propos des intentions de votes pour le premier tour des élections. Éric Zemmour prend la seconde place du classement avec 17% et 18%, derrière Emmanuel Macron. Dans le cas où les sondages s’avèrent vrais, Marine Le Pen ne peut passer le premier tour avec ses 15% et 16% d’intentions de vote.

Capture d’écran du sondage Haris Interactive
Capture d’écran du sondage Haris Interactive

Jean-Marie Le Pen pour Le Monde : « Si Éric est le candidat le mieux placé, bien sûr, je le soutiendrai ».

Alors que le sondage Harris Interactive et sa famille lui tournent le dos, la candidate d’extrême droite ne s’avoue pas vaincue. Jeudi 14 octobre, le sondage BVA en partenariat avec RTL et Orange, place, avec 3 points d’avance, Marine Le Pen devant Éric Zemmour. La présidente du RN, pour BFMTv, se défend face à son adversaire : « [une figure de novice dans le paysage de la politique qui] s’intéresse assez peu aux fins de mois des Français et moi j’ai une sensibilité sociale qui est plus importante incontestablement ».

D’autres médias, comme CNews, estiment qu’Éric Zemmour travaille dans l’ombre pour faire renaître l’ancien parti politique RPR (Rassemblement de la droite populaire). Il déclare, notamment, pour BFMTv : « Oui, je suis candidat de droite, de ce qu’on appelait avant le RPR […] et qui défend avant tout la France ».

Alors, Éric Zemmour va-t-il dynamiter l’Elysée ou se retirer de la course à la présidentielle ?

« Pour l’instant, je ne suis pas candidat. Quand je voudrai être candidat, je dirai que je suis candidat. Quand je le déciderai, je le dirai. Pour l’instant, je réfléchis. Il y a des gens, depuis des mois, depuis des années, qui me poussent à être candidat, qui pensent que c’est moi qui ai les bonnes idées pour la France » déclare Eric Zemmour pour RTL, BFMTv et CNews.

 

Crédits : Joel Saget et Estelle Ruiz – AFP-BC – L’Express / BALTEL/SIPA / Abaca / YouTube – BFMTV / BFMTV

Célia Ory et Camille Juanicotena

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